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« au mois le tiers du royaume, en exceptant du partage le nord « de l'Italie qui devait lui rester, l'Aquitaine pour Karle, et « la Bavière pour Lodewig; qu'alors, avec l'aide de Dieu, cha«cun d'eux gouvernerait de son mieux sa part; qu'ils se por<< teraient mutuellement secours et amitié, qu'ils maintien<< draient leurs lois, chacun dans ses états, et qu'une paix « éternelle serait conclue entre eux '. "}

La réserve de la haute Italie, le seul pays où l'empereur eût des partisans liés à sa cause par une sorte d'esprit national, donna lieu, dans le traité définitif, à un partage assez bizarre sous le rapport géographique, mais qui remplit l'objet de la guerre, en séparant, d'une manière invariable, l'intérêt de la Gaule, comme puissance, de celui de la Germanie. Cent dix commissaires furent employés au démembrement de l'empire. Toute la partie de la Gaule située à l'ouest de l'Escaut, de la Meuse, de la Saône et du Rhône, avec le nord de l'Espagne jusqu'à l'Ebre, fut laissée au roi Charles surnommé le Chauve. Les pays de langue teutonique jusqu'au Rhin et aux Alpes furent donnés en partage à Louis. Lother réunit à l'Italie toute la partie orientale de la Gaule, comprise, au sud, entre le Rhône et les Alpes, au nord, entre le Rhin et la Meuse, et, entre la Meuse et l'Escaut, jusqu'à l'embouchure de ces fleuves. Cette longue bande de territoire, comprenant quatre populations et quatre langues différentes, formait une division entièrement factice et de nature à ne pouvoir se perpétuer; tandis que les deux autres divisions, fondées sur la distinction réelle des races et des existences nationales, devaient se prononcer de plus en plus. Il est probable que c'est alors que s'introduisirent dans le langage les dénominations de nouvelle France, pour désigner le royaume de Karle, et d'ancienne France, pour désigner celui de Lodewig 2. Quant au royaume

Francorum adjecerat, augere facerent. (Nithardi Hist., apud script. rer. francic., *. VII, p. 30.)

' Nithardi Hist., apud scriptores rerum francicarum, tom. VII, pag. 30. "Francia quæ dicitur nova.... Francia quæ dicitur antiqua.... (Monachus sangallensis, apud script. rer. francic.. t. V.) — Les Saxons établis en Angleterre donnaient pareillement le nom d'ancienne Saxe, Eld-Saxne, au pays dont leurs

de Lother, trop morcelé pour prendre le titre d'aucune ancienne division politique, on le désigna simplement par le nom de famille de ses chefs. Ce nom resta dans la suite attaché à une partie des provinces septentrionales de l'ancienne Gaule, qu'on appelait en langue tudesque Lotheringhe-rike, royaume des enfants de Lother, et en latin Lotharingia, dont nous avons fait Lorraine.

Cette révolution, dont les historiens modernes ne parlent qu'avec le ton du regret, fut une cause de joie pour les peuples qui s'applaudissaient de leur ouvrage, mais affligea, comme il arrive toujours, ceux qui, par intérêt ou par système, tenaient au gouvernement établi. Quelques esprits assez éclairés pour l'époque, mais incapables de concevoir la nécessité des réactions politiques, et qui croyaient que les nations ne pouvaient survivre à la monarchie, furent saisis d'une profonde tristesse, et désespérèrent de tout, parce qu'il y avait trois royaumes au lieu d'un. Un diacre de l'église métropolitaine de Lyon écrivit alors, sur le démembrement de l'empire, une complainte en vers latins, dont quelques passages offrent l'expression naïve des sentiments de ceux qui avaient révé l'éternité du système de Karle et de la soumission des peuples méridionaux au gouvernement tudesque :

« Un bel empire florissait sous un brillant diadème; il n'y « avait qu'un prince et qu'un peuple; toutes les villes avaient « des juges et des lois. Le zèle des prêtres était entretenu « par des conciles fréquents; les jeunes gens relisaient sans « cesse les livres saints, et l'esprit des enfants se formait à l'é«tude des lettres. L'amour d'un côté, de l'autre la crainte maintenaient partout le bon accord. Aussi la nation franke «brillait-elle aux yeux du monde entier. Les royaumes étrangers, les Grecs, les Barbares et le sénat du Latium lui << adressaient des ambassades. La race de Romulus, Rome ellemême, la mère des royaumes, s'était soumise à cette na«<tion; c'était là que son chef, soutenu de l'appui du Christ, « avait reçu le diadème par le don apostolique. Heureux s'il

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aïeux avaient émigré. Il est probable qu'en langue franke le mot Alt-Franken remplaça dès lors celui d'Ost-Franken, ou Franks orientaux.

« eût connu son bonheur, l'empire qui avait Rome pour cita« delle et le porte-clef du Ciel pour fondateur1! Déchue main« tenant, cette grande puissance a perdu à la fois son éclat et « le nom d'empire; le royaume naguère si bien uni est divisé << en trois lots; il n'y a plus personne qu'on puisse regarder << comme empereur; au lieu de roi on voit un roitelet, et au << lieu de royaume, un morceau de royaume. Le bien général << est annulé ; chacun s'occupe de ses intérêts: on songe à tout; « Dieu seul est oublié. Les pasteurs du Seigneur, habitués à « se réunir, ne peuvent plus tenir leurs synodes au milieu d'une telle division. Il n'y a plus d'assemblée du peuple, plus de loi; «< c'est en vain qu'une ambassade arriverait là où il n'y a point « de cour. Que vont devenir les peuples voisins du Danube, du Rhin, du Rhône, de la Loire et du Pô? Tous, anciennement << unis par les liens de la concorde, maintenant que l'alliance « est rompue, seront tourmentés par de tristes dissensions. «De quelle fin la colère de Dieu fera-t-elle suivre tous ces « maux? A peine est-il quelqu'un qui y songe avec effroi, qui « médite sur ce qui se passe et s'en afflige: on se réjouit plu« tôt du déchirement de l'empire, et l'on appelle paix un ordre « de choses qui n'offre aucun des biens de la paix 2. »

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L'impulsion une fois donnée pour la séparation des différents intérêts nationaux, le mouvement des masses ne s'arrêta pas; et quand il n'y eut plus d'empire, commença le démembrement des royaumes où se trouvaient associées ensemble des populations diverses d'origine et de langage. La nouvelle France était dans ce cas; elle comprenait trois grandes divisions, la France proprement dite, la Bretagne et l'Aquitaine, qui avaient pu se réunir ensemble pour secouer le joug de l'empire, mais qui n'en demeuraient pas moins séparées par d'anciennes distinctions nationales. Les Bretons, ennemis naturels des Gallo- Franks, et ne voulant pas plus être gouvernés par

O fortunatum, nosset sua si bona, regnum
Cujus Roma arx est et cœli claviger auctor.

(Flori diaconi lugdunensis querela de divisione imperii, apud script, rer ̧
francic., t. VII, p. 302 et seq.).

Gaudetur fessi sæva inter vulnera regni,

Et

pacem vocitant nulla est ubi gratia pacis.
(Script, rer, francic., t. VII, p.

302 et seq.)

eux que par les Franko-Teutons, reprirent aussitôt leurs hostilités. Ils envahirent tout le pays voisin du leur jusqu'à la Loire et à la Vilaine, battirent en plusieurs rencontres les armées de Charles-le-Chauve, et ne firent de paix avec lui que lorsqu'il leur eut garanti leurs conquêtes et reconnu leur chef comme roi, en leur envoyant de son trésor le sceptre de la couronne. Après les Bretons, ce furent les Aquitains, ou gens de la langue romane méridionale, qui s'insurgèrent et travaillèrent à se détacher de la nouvelle France aussi complétement qu'ils l'étaient de l'ancienne. D'un autre côté, les Provençaux distingués aussi, par leur dialecte, des nations qui habitaient au-delà des Alpes, se révoltèrent dans le même but contre le roi Lother et ses enfants. Les villes de Toulouse et de Vienne, qui étaient le principal foyer de ce nouveau mouvement national, furent plus d'une fois assiégées, prises et reprises tour à tour par les armées des rois et les partisans de l'insurrection2. Enfin, en l'année 888, après quarante-cinq ans de nouvelles guerres, qui, dans leurs scènes variées et confuses, présentèrent plus d'une fois les Gaulois méridionaux ligués avec la puissance des Germains contre celle des Gaulois du nord, arriva le démembrement final auquel tout avait tendu depuis la mort de Karle-le-Grand.

Si le principe le plus actif de cette révolution avait été la répugnance mutuelle des races d'hommes associées, mais non fondues ensemble par la conquête, son résultat ne pouvait être une division absolue d'après la descendance ou l'idiome, une sorte de triage à part de toutes les familles humaines que le flot des invasions avait jetées cà et là au milieu de familles étrangères; tout devait se dénouer et se dénoua en effet d'une manière plus large et moins complexe. La race dominante, quant au nombre, dans chaque grande portion de territoire, forma comme un centre de gravitation dont les différentes minorités n'eurent pas le pouvoir de se détacher. Ainsi le système des lois personnelles, loin d'être rétabli dans son ancienne

Voyez le tome VII du Recueil des Historiens de la France, aux années 851 et suivantes.

Voyez le même Recueil, aux années 860-880.

force, reçut au contraire le premier coup par la fondation de nouveaux états où la nationalité ressortait, non d'une complète unité d'origine, mais de l'unité territoriale et des convenances géographiques.

L'Italie, séparée de ses anciens annexes, et bornée par la chaîne des Alpes, devint un royaume à part que se disputèrent des prétendants de race germanique, mais naturalisés italiens depuis plusieurs générations'. Tout le pays compris entre les Alpes, le Jura et les sources du Rhin, forma, sous le nom de Burgondie ou Bourgogne supérieure, un nouveau royaume dont la capitale était Genève, et dont les chefs se faisaient couronner au couvent de Saint-Maurice en Valais. Un troisième royaume, sous le nom de Bourgogne inférieure ou cisjuranne, eut pour limites le Jura, la Méditerranée et le Rhône. Un roi d'Aquitaine, dont le pouvoir ou les prétentions s'étendaient de la Loire aux Pyrénées, fut inauguré à Poitiers. Entre le Rhin, la Meuse et la Saône, on vit s'élever le petit royaume de Lotheringue ou de Lorraine. Enfin entre les frontières de ces différents états et celles de la Basse-Bretagne, se trouva resserrée, d'une manière fixe, la puissance dont le territoire conserva depuis lors le nom de France, à l'exclusion de tous ceux auxquels ce nom avait appartenu autrefois 2.

De ce dernier démembrement de l'empire des Franks, date, à proprement parler, l'existence de la nation française; et tous les faits qui s'y rapportent, loin d'être envisagés avec dégoût comme des événements funestes, devraient être recherchés soigneusement et détaillés avec intérêt; car c'est sur eux que reposent véritablement les bases de notre histoire. Nos anciennes institutions, nos mœurs et notre langue sont un produit des deux révolutions politiques par lesquelles ont été successivement séparés, d'abord les pays de langue romane et de langue tudesque, ensuite ceux de la langue d'ouy et de la langue d'oc. Le berceau du peuple français n'est ni la patrie

Le duc de Spolète et le duc de Frioul, que les hommes de langue teutonique appelaient Wido et Berengher, mais qu'on nommait en Italie Guido et Beringhiero.

Recueil des Historiens de la France, t. VII et VIII.

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