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frère prouvent qu'alors, selon l'opinion des Franks, la possession du plus vaste territoire hors des frontières de leurs colonies ne donnait à celui qui en jouissait aucun caractère public'. Voici le récit des historiens : « Chlother (IIe du nom) « étant mort, Dagobert, son fils aîné, ordonna à tous les leudes << de l'Oster, dont il avait le commandement, de s'assembler « en armée 2. Il envoya des députés dans le Neoster et dans « le pays des Burgondes, pour s'y faire élire comme roi3. « Étant venu à Reims, et s'étant approché de Soissons, tous « les évêques et tous les leudes du royaume des Burgondes se << soumirent à lui. Le plus grand nombre des évêques et des « chefs du Neoster manifestèrent aussi leur désir de le voir << régner. Dans le même temps, Haribert son frère faisait tous « ses efforts pour parvenir à la royauté; mais il obtint peu de « succès à cause de son manque d'habileté. Dagobert prit pos<< session de tout le royaume de Chlother, tant le Neoster-rike << que le pays des Burgondes, et s'empara de tous ses trésors1. « A la fin, touché de compassion pour son frère Haribert, et « suivant l'avis des sages, il transigea avec lui, et lui céda, << pour y vivre dans une condition privée, le pays situé au-de<«<là de la Loire jusqu'aux monts Pyrénées, comprenant les « cantons de Toulouse, de Cahors, d'Agen, de Saintes et de

Quoique, depuis le règne des fils de Clovis, la Gaule entière ait été appelée France, Francia, par les étrangers méridionaux, tels que les Grecs et les Italiens, et Frank-land, ou terre des Franks, par les Anglo-Saxons et les Scandinaves, ce dernier nom, dans la langue franke, ne s'appliquait spécialement qu'à la portion du territoire divisé en Austrie et Neustrie.

2 Universos Leudes quos regebat in Auster jubet in exercitum promovere. (Fredeg. chron., apud script. rerum francic., t. II, p. 455.) Leude, leute, liude, dans les anciennes langues teutoniques, signifiaient proprement peuple, gens. Quelquefois ce mot s'appliquait spécialement aux compagnons des rois. Il paraît pris ici dans un sens plus étendu. Nos historiens en ont fait mal à propos un titre de dignité; et ils écrivent au singulier un leude: ce qui est aussi absurde que si l'on donnait un singulier au mot gens, en supprimant l's.

3 Missos in Burgundiâ et Neuster direxit. (Ibid.) Neuster, qui, selon la prononciation romaine, avait le son de Neouster, paraît être un mot composé de la négation franke ni ou ne, et d'oster, orient. Ainsi les Franks du temps de la conquête, pour est et ouest, disaient est et non-est.

4 Clotarii regnum tàm Neptrico quàm Burgundiæ. (Ibid.) Neptrico paraît être ici une faute de copic pour Neustrico. Ce mot ainsi rétabli donne le mot frank Neoster-rike, qui signifie royaume d'Occident. Son corrélatif Oster-rike se trouve dans plusieurs passages écrits sur la seconde race.

« Périgueux. Il confirma cette cession par un traité, sous la "condition que jamais Haribert ne lui redemanderait rien du « royaume de leur père. Haribert done, choisissant Toulouse « pour résidence, régna dans la province d'Aquitaine...

Parmi les nombreux partages du territoire gaulois, opérés dans tous les sens sous la dynastie des Mérowings', il n'y en a pas un qui dure ou se reproduise d'une manière fixe, excepté celui du pays au nord de la Loire en Oster et Neoster, ou Oster-rike et Neoster-rike. Cette division est aussi la seule qui, pendant cette période, offre le caractère d'une séparation politique, et paraisse véritablement créer deux états distincts. Mais ce fait ne provient point de ce que, à tort ou à raison, les premiers rois de Franks auraient eu la fantaisie de couper le royaume en deux; il tient à des causes bien supérieures. Les simples dénominations de pays oriental et occidental, qui semblent ne marquer que des différences de positions géographiques, répondaient, pour les hommes de race franke, à des distinctions plus profondes. Le pays à l'est de la forêt des Ardennes et du cours de l'Escaut, formant la région orientale, était, sinon habité entièrement, du moins dominé par une tribu distincte de celle qui dominait à l'ouest et au sud, depuis la forêt des Ardennes jusqu'aux frontières des Bretons. Quoique membres de la même confédération, les Franks établis entre le Rhin et la Meuse, et qui s'intitulaient Ripewares, c'est-à-dire, hommes de la rive, nom composé, selon toute apparence, d'un mot latin et d'un mot germanique ', ne se confondaient point avec les Franks saliens, fixés entre la Meuse et la Loire. Ces derniers, ayant formé l'avant-garde dans la grande invasion, étaient devenus, dès le commence

1 Enfants de Merowig. Selon la rigueur du langage, il aurait fallu prononcer Merowig-ings; mais l'on contractait ce mot par euphonie.

* Ripa semble avoir été le nom proprement affecté, durant les quatrième et cinquième siècles, à la rive romaine du Rhin. Quant à la liaison de cette dénomination géographique au mot tudesque ware, qui signifie homme, elle n'a rien qui doive surprendre ici; car il s'en trouve d'autres exemples. Les Suèves, qui occupèrent l'ancien pays des Boïes, près des sources du Danube, prirent dès lors le nom de Boiowares, hommes de Boïes, aujourd'hui Bavarois. Les Saxons, établis dans le pays de Kent, en Angleterre, abandonnèrent leur nom national pour celui de Cantwares.

ment, la tribu prépondérante, celle qui imposait aux autres ses chefs et sa politique.

Après avoir porté ses conquêtes jusqu'au sud de la Gaule, Chlodowig, réagissant contre ses propres compagnons d'armes, détruisit l'un après l'autre les rois des Franks orientaux'. Sous ce chef redoutable et sous ses fils, toute la confédération franke parut ne former qu'un même peuple; mais, malgré les apparences d'union, un vieil esprit de nationalité, et même de rivalité, divisait les deux principales tribus des conquérants de la Gaule, séparées d'ailleurs par quelques différences de lois, de mœurs, et peut-être de langage; car le haut allemand (si l'on peut employer cette locution moderne) devait dominer dans le dialecte des Franks orientaux, et le bas allemand dans celui des Neustriens. Les premiers, placés à l'extrême limite de l'empire gallo-frank, servant de barrière à cet empire contre les agressions réitérées des peuples païens de la Germanie, nourrissait, au milieu d'occupations guerrières, le désir de l'indépendance, et même de la domination politique à l'égard de leurs frères du sud. Ils tendaient non seulement à s'affranchir, mais à former, à leur tour, la tête de la confédération. Pour parvenir à ce but, le premier moyen était d'avoir des rois à part; et de là vint l'empressement avec lequel les leudes de l'Oster, comme parlaient les Franks, se groupaient autour des fils des rois envoyés parmi eux, et leur décernaient une royauté effective, soit du consentement, soit contre le gré de leur père. Ils allaient même jusqu'à exciter ces fils à des révoltes qui flattaient leur vanité nationale et leur espérance de s'ériger en état indépendant. Cette rivalité produisit des guerres civiles qui se prolongèrent durant tout le septième siècle; et enfin, au commencement du huitième, la réaction s'accomplit par un changement de dynastie, qui transporta la domination des Saliskes aux Ripewares, et la royauté des Merowings aux Karolings.

Dans cette lutte des tribus frankes de l'orient et du nord contre celles de l'occident et du sud, il était impossible que les

'Sighebert, roi à Cologne, et Raghenaher ou Raghenher, roi à Cambray, * Gesta Dagoberti regis, apud script. rer. francic., t. II.

premières ne prévalussent pas à la longue, et que le siége du gouvernement ne fût pas transporté, un jour, des bords de la Seine ou de l'Aisne sur ceux de la Meuse ou du Rhin. En effet, la population orientale n'était point clair-semée, comme l'autre, au milieu des Gallo-Romains: incessamment grossie par des émigrés de la Germanie, par tous ceux que l'envie de chercher fortune ou l'attrait d'une religion nouvelle déterminaient à se ranger sous l'empire des rois chrétiens, elle formait une masse plus compacte, moins énervée par l'oisiveté, la richesse et l'exemple des mœurs romaines. L'énergie belliqueuse des anciens envahisseurs se changea bientôt, chez les Neustriens, en esprit de guerres privées, en fureur de se piller les uns les autres, de se disputer un à un tous les lambeaux de la conquête. Les familles riches, surtout la famille royale, s'abandonnèrent à un goût effréné pour les jouissances et les plaisirs sensuels. On peut dire, il est vrai, que ceux des Mérowingiens que nos histoires nomment rois fainéants furent corrompus à dessein, et avec une sorte d'art, par les chefs qui s'étaient emparés de leur tutelle; mais si cette disposition à la mollesse n'eût pas existé chez les Franks occidentaux, la race des Peppin aurait fait d'inutiles efforts pour s'élever au rang de dynastie royale.

Le premier roi de cette seconde race partagea la Gaule entre ses deux fils, à la manière des anciens rois, par coupe longitudinale. Dans ce partage, les royaumes d'Oster et de Neoster furent seuls considérés comme des états; et l'immense territoire qui se trouvait en dehors leur fut ajouté comme annexe. Le royaume occidental, donné à Karle, s'étendait jusqu'aux Pyrénées, à travers l'Aquitaine dont il ne renfermait qu'une partie. L'autre royaume, donné à Karloman, avait pour limites extrêmes le Rhin et la Méditerranée. Mais après que la mort de ce dernier eut réuni sous un même sceptre les deux royaumes, ce mode de division de l'empire frank ne se reproduisit plus d'une manière fixe. La Neustrie, en perdant sa prépondérance, perdit son caractère national; tandis qu'une autre province gauloise, l'Aquitaine, qui, sous la première race, avait toujours figuré comme domaine, prit, dans

les nouveaux partages, le rang d'un état distinct. Un si grand changement ne vint pas du hasard, mais d'une réaction énergique de l'esprit national des indigènes du midi contre le gouvernement fondé par la conquête. Ce pays affranchi, mais non d'une manière absolue, malgré plusieurs insurrections, jouit alors du singulier privilége de communiquer aux fils des rois la royauté effective, et une puissance quelquefois dirigée d'une manière hostile contre leurs pères. Le fils de l'empereur Karle-le-Grand fut roi en Aquitaine tout autrement que ne l'avait été le frère de Dagobert I; et après que lui-même eut hérité de l'empire, les Aquitains élurent celui de ses fils qu'il ne voulait pas leur donner. Tel fut le commencement d'une révolution qui, après des guerres longues et sanglantes, s'accomplit par le démembrement définitif de l'empire des Franks; mais ce démembrement sous la seconde race ne doit pas plus être imputé aux fautes des rois que le partage du royaume en deux états sous la première. Tout fut l'œuvre de l'esprit national et de cette impulsion des grandes masses d'hommes à laquelle nulle puissance ne résiste.

LETTRE XI.

Sur le démembrement de l'empire de Karle-le-Grand.

Si vous voulez comprendre le véritable sens des troubles qui suivirent la mort du premier empereur de race franke, oubliez un instant vos lectures et reportez votre attention sur un événement récent, la chute de l'empire français. Lorsque vous avez vu la moitié de l'Europe gouvernée par les membres d'une seule famille, et les villes de Rome, d'Amsterdam et de Hambourg devenir des chefs-lieux de départements, avez-vous cru que cela pût durer? Quand ensuite la guerre a détruit ce que la guerre avait créé, quand les Italiens, les Illyriens, les Suisses, les Allemands, les Hollandais ont cessé d'être sujets

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