Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

ces ressources en séparant sa cause de la cause publique. Les alliés résolurent donc tous ensemble, d'envahir la France dans une campagne d'hiver, mais de ne marcher à travers l'empire que contre l'empereur, et de le mettre par les négociations, dans l'alternative de sacrifier à la paix sa puissance ou son orgueil, ou de se rendre odieux à la France, en la sacrifiant elle-même à ses intérêts ou à ses passions.

« Tandis

que

les ministres profitaient, pour engager les négociations, d'un incident sur lequel nous aurons occasion de revenir, les généraux d'armée discutaient sous les yeux des souverains le plan d'invasion, et se décidaient parmi plusieurs projets à pénétrer dans la France, à travers les chaînes du Jura, des Vosges et des Hundsruck, pour se réunir dans le bassin de la Seine, vers les sources de la Seine et de la Marne, pour n'avoir plus qu'à suivre jusqu'à Paris que le cours même des rivières qui s'y réu

nissent.

<< Paris cependant était frappé coup sur coup des désastres de l'armée. Le moniteur publiait le 28 octobre les malheurs de Leipsick; le 5 novembre, sous le nom de victoire, un combat glorieux mais sanglant et qui sacrifiait encore une partie de

notre faible armée au salut du reste. Des lettres particulières apprenaient à démêler sous les couleurs officielles la faiblesse et l'accablement des troupes, la désorganisation du matériel, le désordre de l'administration, l'impossibilité nonseulement de tenir encore un point de la rive droite, mais de garder la gauche, si l'ennemi, au lieu de préparer une grande invasion, faisait de suite une incursion sur nos frontières.

« Enfin le moniteur du 8 et un bulletin des lois du même jour, publient un décret daté de Gotha le 25 octobre, qui convoque pour le 2 décembre la session du corps législatif, et cette date même en rapprochant la mesure du désastre de Leipsick, annonce assez que ce corps est destiné, en votant les impôts, à consacrer des sacrifices moins que celui des hommes, mais pour lesquels le sénat ne suffit point encore.

« C'est au milieu des vives impressions que produisent ces nouvelles que le moniteur du 10 annonce à la fois la nouvelle organisation que l'empereur vient de donner à l'armée, son départ de Mayence et son arrivée à Saint-Cloud. Cette arrivée excite des sentiments divers, les uns le blâment dans un si grand péril d'avoir quitté la frontière et l'armée: les autres l'approuvent

1

d'avoir avant tout ressaisi les rènes du gouvernement. Mais parmi ces derniers, les opinions se divisent: les partisans du pouvoir absolu ne voient de salut que dans la dictature. D'autres pensent que Napoléon ne peut se sauver avec la France qu'en liant la cause publique avec la sienne, ni réunir ces deux causes qu'en sacrifiant un peu de son ambition à la paix, un peu du pouvoir arbitraire à la liberté publique.

« L'empereur Napoléon instruit dès long-temps par sa double police de ces vœux émis jusque dans les cercles de sa cour, de ses ministres et de ses conseillers, était trop habile encore pour ne rien donner à l'opinion, et pour ne pas essayer d'en tirer les ressources qu'avec tant d'art et de succès, il en avait obtenues avant d'avoir décélé dans l'extension de mesure de son empire, des vues étrangères et funestes à la prospérité de l'ancienne France. Mais en remettant ce qu'il veut faire à cet égard à la session prochaine du corps législatif, il applique aux mesures du gouvernement son ordinaire activité. C'est pour lui tout à la fois un moyen de hâter ces mesures et d'agir sur l'opinion par les journaux qui les annoncent. Dès le lendemain de son arrivée, il réunit et préside le conseil de ses ministres, et un conseil des

Finances. Le lendemain II il assemble un conseil d'administration de la guerre; le conseil d'état lui succède et à ces délibérations celles d'un conseil privé.

«. On délibère dans le conseil d'état et l'empereur signe de suite le décret du 11 novembre, qui ajoute trente centimes aux contributions foncières, des portes, fenêtres et patentes, et deux décimes par kilogramme au prix du sel. On y discute, pour être soumis au sénat, une nouvelle levée de 300,000 hommes et des mesures dont l'objet est de proroger pour la session prochaine du corps législatif, les pouvoirs de la 4. série qui expirent au 1. janvier 1814, d'appeler en corps le sénat et le conseil d'état à l'ouverture et aux séances impériales du corps législatif et de supprimer dans le choix du président les listes de candidats, pour en déférer à l'empereur seul le choix libre et absolu.

« Mais le conseil d'état n'était pas seulement pour l'empereur, un moyen de consulter des hommes vieillis dans l'étude et la pratique des affaires ou de la législation. Dans ces nombreuses séances auxquelles étaient appelés les conseillers d'état, les maîtres des requêtes, et une partie des auditeurs, l'empereur agissait sur l'o

pinion, soit en justifiant les mesures actuelles, soit en préparant celles qu'il méditait, par de longues et souvent par d'habiles excursions, dans lesquelles la vivacité des traits et l'originalité des expressions rachetaient ce qui manquait de pureté au langage et ce que l'accent avait d'étranger. Le secret juré de ces délibérations ne servait à ses yeux qu'à donner du crédit aux indiscrétions qu'il permettait, aux dépens des auditeurs, à de graves personnages, dont il faisait souvent à leur insçu les organes et les défenseurs de ses volontés. Ce fut dans ce but qu'il se fit avant la séance présenter le conseil d'état, et que dans une allocution préparée, il leur fit, comme à des interprètes indirects de ses pensées, un appel au patriotisme des Français pour défendre l'indépendance et l'intégrité du territoire. Mais dans cette allocution, comme dans la séance, il ne fut question que des sacrifices à leur demander. Un silence absolu fut gardé sur les sacrifices à faire à la paix et à la liberté publique. Ceux des membres du conseil que la faveur n'aveuglait pas, et ceux qui avec moins de faveur conservaient plus d'indépendance, revinrent tristement à Paris, en se communiquant leurs réflexions: « Le malheur, disaient-ils, ne l'a point changé: il ne renonce à rien; il ne recon

*

« ZurückWeiter »