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VI. De la question de juridiction qui s'est présentée devant les cours des États-Unis dans l'affaire de

Mac-Leod.

Par M. Henri WHEATON, ministre des États-Unis à Berlin.

La poursuite criminelle dirigée devant les cours de justice de l'État de New-York contre Alexandre MacLeod, sujet anglais, accusé de complicité du crime de destruction du bateau à vapeur la Caroline et du meurtre des citoyens des États-Unis qui en composaient l'équipage, a été terminée par le verdict du jury d'Utica. La déclaration de non-culpabilité, prononcée faute de preuves suffisantes à l'appui de l'accusation, n'a pas diminué, pour les publicistes, l'intérêt des questions de droit international, à la fois graves et délicates, qui ont été soulevées par ce procès remarquable dans les annales de la jurisprudence. En effet, il reste encore à débattre entre les gouvernements américain et anglais d'autres questions incidentes à cette affaire, et surtout celle du droit réclamé par les Anglais d'entrer sur le territoire américain et de s'emparer de vive force, dans les ports mêmes des États-Unis, de bâtiments appartenant à leurs citoyens, sous le prétexte que ces bâtiments ont été employés à transporter des munitions de guerre à l'usage des insurgés de la province du Canada, ou des volontaires qui se sont joints à ces insurgés. Cette question est encore palpitante d'intérêt, et pourra donner lieu à des discussions ultérieures dont il est difficile de prévoir le résultat.

Un incident de ce procès, si fertile en sujets de controverse, a donné occasion à une brochure' dont l'auteur

1 Examen de la décision récemment portée par la cour suprême I. 3 SERIE. 6

est M. John Pickering, déjà connu comme légiste, et surtout distingué en Amérique par des ouvrages philologiques remarquables. Cet opuscule, qui est sous nos yeux, a été d'abord publié dans le Law-Reporter, journal de jurisprudence qui paraît à Boston: il contient un examen critique de l'arrêt de la cour suprême de l'État de New-York relatif à la question de juridiction qui s'est élevée dans le cours de l'instruction.

Alexandre Mac-Leod, arrêté sur le territoire américain sous la prévention de complicité aux faits ci-dessus mentionnés, invoqua les prescriptions tutélaires connues sous la dénomination de habeas corpus, et qui sont établies par les lois anglaises et américaines pour garantir la liberté du citoyen contre les actes arbitraires par suite de cette réclamation, il fut conduit devant la cour suprême de l'État de New-York, où il conclut à sa mise en liberté immédiate et sans caution, par le motif que les auteurs et complices de la destruction de la Caroline et du meurtre des gens de son équipage, parmi lesquels on prétendait qu'il s'était trouvé, avaient agi en vertu des instructions du gouvernement anglais, et que ce gouvernement avait formellement pris sur lui la responsabilité des actes pour lesquels le gouvernement américain avait demandé satisfaction. La cour a refusé de faire droit à ces conclusions. Cette décision renferme une grave erreur, ainsi que M. Pickering l'a démontré avec une force de logique et une érudition

de l'État de New-York dans la cause d'Alexandre Mac-Leod; par un membre du barreau de la cour suprême de l'État de Massachusetts (A Review of the case of Alexander Mac-Leod, recently determined in the supreme court of judicature of the state of New-York; by a member of the Massachusetts bar ).

qu'on voit avec surprise prodiguées pour soutenir la négative d'une proposition qui n'a pas le moindre fondement, ni dans les arguments légaux, ni dans l'autorité des écrits des jurisconsultes et des arrêts des cours. En effet, que signifie toute cette parade de précédents puisés dans le droit commun d'Angleterre, et cités par la cour de New-York pour décider que l'accusé ne devait être mis en liberté qu'en donnant caution de se présenter devant la cour d'assises d'Utica, tandis que la véritable question de la cause était une question de juridiction ou de compétence, c'est-à-dire, la question de savoir si Mac-Leod pouvait être mis en jugement devant un tribunal américain quelconque, pour un fait dont le gouvernement anglais avait pris sur lui la responsabilité envers le gouvernement américain, et qui était entré dans le domaine de la diplomatie. Que signifie ce luxe de citations des ouvrages des publicistes pour établir le principe incontestable que les étrangers sont en général justiciables des tribunaux locaux pour des crimes commis dans le territoire du pays? Que signifient tous les efforts faits par la cour afin de prouver, par ces mêmes autorités, que l'attaque contre le bateau à vapeur la Caroline n'était pas un acte de guerre publique et déclarée entre les deux pays? Ici il ne s'agit pas d'un délit ordinaire contre les lois locales de l'État de NewYork, mais d'une agression avouée par une puissance étrangère comme étant dirigée par son ordre contre le territoire des États-Unis. Il suffit que le gouvernement américain ait pu regarder cette agression comme un acte d'hostilité de la part de l'Angleterre, et qu'il ait repousser en autorisant des représailles immédiates. S'il a préféré considérer l'affaire comme susceptible d'accommodement, et la traiter par les voies diplomatiques, il

pu

la

est évident que les tribunaux de New-York ne pouvaient plus soumettre le même fait à leur juridiction, en l'envisageant comme un délit contre les lois locales de cet État ce délit, s'il existait, se trouvait confondu dans l'agression contre le territoire de la confédération.

Si ce procès n'avait pas été heureusement terminé par la déclaration de non-culpabilité de l'accusé, d'autres incidents auraient pu en surgir, et embrouiller davantage les relations déjà assez compliquées entre les deux pays.

La constitution fédérale des États-Unis d'Amérique ne ressemble guère à aucun des gouvernements fédératifs de l'Europe moderne ou de l'antiquité. Toutes les confédérations jadis connues, ainsi que celles encore existantes dans l'ancien monde, forment chacune un système d'États confédérés dont le pacte fondamental ne diffère pas essentiellement d'un simple traité d'alliance: ce pacte n'altère et ne modifie pas les droits de souveraineté de chaque membre de la ligue. Telles furent en Grèce les fameuses ligues amphyctionique et achéenne; telles sont de nos jours les confédérations suisse et germanique. Mais l'union américaine forme une confédération dont le gouvernement central, créé par la loi fondamentale, est regardé comme le souverain : ce gouvernement central exerce la puissance suprême dans la sphère des pouvoirs qui lui ont été délégués; la souveraineté de chaque membre de la ligue n'est pas demeurée entière et illimitée : cette souveraineté se trouve réduite de la portion de pouvoir attribuée au gouvernement central. En d'autres termes, les pouvoirs des gouvernements locaux des États respectifs sont soumis aux restrictions résultant des pouvoirs accordés par constitution au gouvernement central. L'union améri

la

caine n'est pas seulement, comme la confédération germanique, une ligue d'États souverains unis pour leur défense commune contre la violence extérieure et intérieure: la constitution des États-Unis d'Amérique a nonseulement conféré au gouvernement central un ensemble de pouvoirs amplement suffisants au maintien des relations de paix et de bonne intelligence avec les puissances étrangères, mais elle a poussé jusque dans ses conséquences les plus logiques la théorie de Montesquieu relative à la division des pouvoirs politiques. Le pouvoir législatif du congrès embrasse tout ce qui concerne les relations du pays avec les nations étrangères en temps de paix et en temps de guerre. L'étendue du pouvoir judiciaire central correspond à celle du pouvoir législatif. Il faut avouer cependant qu'il existe une lacune dans les lois du congrès relatives à l'organisation du pouvoir judiciaire central: c'est que les contestations portées devant les cours des États particuliers, mais qui concernent les relations extérieures de l'Union, et en conséquence la question de guerre et de paix, ne peuvent pas être évoquées aux cours fédérales aussitôt qu'il devient apparent que telle est la nature de la contestation. Cette lacune ou ce vice dans la législation actuelle a été signalé par le président des États-Unis dans son message au congrès, à l'ouverture de la session de 1841-1842. Cependant ce vice n'existe pas, comme quelques publicistes anglais l'ont prétendu, dans la loi fondamentale même. Cette erreur est grave, car elle fait supposer que les institutions politiques des États-Unis sont insuffisantes pour maintenir la paix et la bonne intelligence entre l'Union et les autres nations. D'après la constitution fédérale, le pouvoir judiciaire est expressément étendu à tous les cas, en droit et en équité,

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