Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

dans cet acte, le concours des commanditaires est mentionné; si même, et à défaut de mention expresse, il est certain que les commanditaires ne sont intervenus qu'afin de donner aux tiers une garantie, leur attribuer un droit, leur conférer un avantage que sans cela ils n'auraient pas eus; s'il est établi que les tiers ont euxmêmes pris en considération cette garantie, ce droit, cet avantage; alors il est incontestable que la coopération des commanditaires n'a pas été accordée pour rester secrète entre eux et le gérant.

Mais si ceux avec qui le gérant est en rapport ne savent point que les commanditaires ont pris part à l'affaire; si, en traitant avec le gérant, ils croient que celui-ci agit sans le concours des autres associés, et seulement en vertu des pouvoirs qu'il tient de la loi ou des statuts; si rien ne leur annonce l'intervention qui a eu lieu, le fait venant à se découvrir plus tard, ne saurait avoir une influence légale sur la position des conimanditaires.

Ainsi, un gérant sait qu'il a le droit de conclure un marché, de faire une entreprise, de se lancer dans une spéculation; il ne veut point obtenir de ses associés des pouvoirs plus étendus, parce que ceux qu'il a lui paraissent suffisants. D'un autre côté, les tiers le considèrent aussi comme ayant une capacité suffisante pour contracter avec eux; ils n'exigent point d'autorisation spéciale des membres de la société. Seulement le gérant craint des reproches en cas de revers; il veut consulter ses associés, obtenir leur autorisation, ou du moins recevoir leurs conseils; il veut, selon l'expression usitée, mettre sa responsabilité à l'abri. La manifestation des commanditaires, donnée en pareil cas et dans ces termes, ne les engage qu'à l'égard du gérant.

Il en serait tout autrement si le gérant, à tort ou à raison, croyant que son autorité a besoin d'être augmentée, en sollicitait l'extension, et après l'avoir obtenue, en usait en contractant au nom de la société; certainement alors on serait fondé à dire que l'acte des commanditaires est, par sa nature, destiné à être connu des tiers.

Une remarque importante doit trouver ici sa place. Lorsque, en suivant la distinction que je viens d'éta

blir, il sera constant que dans telle ou telle circonstance les commanditaires ont agi avec la pensée que leur concours sera révélé, ceux avec qui aura eu lieu l'opération pour laquelle ce concours aura été obtenu, ne seront pas les seuls fondés à en tirer les conséquences, à en réclamer les effets. Tout autre créancier de la société pourra, plus tard, y puiser des arguments. Il suffit, en effet, pour autoriser l'action des tiers sur les biens personnels des commanditaires, que la conduite de ceux-ci ait pu induire en erreur sur leur qualité. Or il est évident que tel acte, fait aujourd'hui avec telle personne, peut inspirer demain à telle autre la pensée et la confiance que celui de qui il émane est l'un des gérants de la société. Je sais que dans une opération à laquelle je suis étranger, les membres d'une société ont fait des actes ostensibles qui sont des actes de gestion : j'en conclus qu'ils sont tenus solidairement pour toutes les affaires de la société, et qu'ils le seront par conséquent pour la transaction dans laquelle je suis partie. La loi ne veut pas que je sois trompé dans mon attente.

Je ne crois pas qu'il soit difficile de reconnaitre le caractère que je viens d'indiquer, lorsqu'il s'agit d'apprécier les actes des commanditaires, relativement aux tiers qui sont intéressés dans l'affaire spéciale à laquelle ces

actes se rattachent. On verra bien, par les termes dans lesquels le gérant aura contracté, si ce qui est intervenu entre lui et ses coassociés, est seulement destiné à régler leurs rapports, ou si c'est en vue des tiers que les commanditaires se sont mêlés de l'affaire. En effet, dans ce dernier cas, ou le mode de leur intervention en manifestera le but, ou elle sera expressément mentionnée dans les stipulations par lesquelles le gérant se sera engagé.

Si l'acte des commanditaires ne porte pas avec lui la preuve qu'il devait être produit par le gérant dans la négociation qu'il allait faire, si l'on n'en trouve aucune trace dans les titres et pièces qui constatent la négociation, il sera bien difficile que les créanciers soutiennent que les commanditaires se trouvent obligés

envers eux.

Mais, lorsque des tiers se fondent sur des actes qui n'étaient point relatifs aux opérations qu'ils ont faites avec la société ; lorsque, fouillant dans ses archives, ils viennent prétendre que telle ou telle délibération prise, telle ou telle mesure arrêtée par les commanditaires, dans d'autres circonstances, à l'occasion d'autres affaires, était destinée à être produite à ceux avec qui on voulait alors contracter, la difficulté se complique.

Si l'on peut répondre et démontrer que les termes de la délibération ou la nature de la mesure sont contraires à la prétention des tiers, que d'ailleurs elles n'ont point été mises en avant par le gérant, qu'il a agi comme si elles n'avaient pas existé; il n'y a pas de discussion possible. Mais si les expressions ou les circonstances sont équivoques, si elles ne sont pas exclusives de l'idée que l'acte était destiné à être produit, suffira-t-il que les commanditaires disent et

prouvent que la production n'a pas eu lieu ? Les créanciers ne pourront-ils pas prétendre qu'ils ignorent l'usage qu'on en a fait; qu'il n'ont pas à s'en occuper, qu'ils ont cru de bonne foi que la production était dans l'intention des associés, que si cela n'est pas dit expressément, le contraire n'est pas non plus formellement exprimé, qu'ils ne doivent pas être victimes de leur confiance.

Je ne pense pas que ce dernier système soit admissible.

Qu'on veuille bien le remarquer, pour que les sévères dispositions des articles 27 et 28 du Code de commerce soient applicables, il ne suffit pas que les tiers aient pensé de bonne foi que les commanditaires avaient fait des actes de gestion; il faut qu'ils en aient fait réellement. Vainement on dirait que la nature des actes était incertaine, et qu'on pouvait raisonnablement leur attribuer le caractère qu'on a cru y voir; les associés répondraient que l'on ne devait pas se fier à des probabilités et s'engager sur des présomptions; qu'en présence de deux hypothèses également possibles, il fallait s'abstenir; qu'il y avait eu imprudence à considérer comme acte de gestion, ce qui ne l'était pas nécessaire

ment.

Ce que l'on dit pour l'ensemble, on peut le dire pour chacun des éléments. Ainsi, des créanciers auront cru qu'un acte des commanditaires devait être présenté aux tiers par le gérant ; qu'il avait été fait dans cette intention. Si on leur démontre qu'ils l'ont mal apprécié, que leur supposition pouvait être vraie, mais qu'elle ne l'était pas effectivement; qu'elle n'était pas une déduction forcée des documents et des faits; leur conviction et leur bonne foi ne leur serviront à rien; ils se seront

trompés, mais ils n'auront pas été conduits à une erreur invincible par le fait des commanditaires.

On voit quelle est la première condition pour que les commanditaires soient tenus solidairement avec le gérant des dettes de la société. Avant de parler des autres, quelques explications sont encore nécessaires.

D'abord on pourrait supposer, d'après ce qui précède, que les actes des commanditaires ne sont susceptibles de les engager au delà de leur mise, qu'autant qu'ils précèdent ceux du gérant auxquels ils se rattachent. Il semble, en effet, complétement impossible que leur concours soit révélé aux tiers, s'il n'est antérieur aux conventions que le gérant fait avec ceux-ci. Il arrive cependant quelquefois qu'il est postérieur. Si, par exemple, en contractant au nom de la société dont il est le chef, le gérant annonce et promet l'approbation des commanditaires, ou toute autre espèce d'intervention de leur part, et que ceux-ci exécutent ce qui a été promis en leur nom, leur concours sera nécessairement connu des tiers. Il ne faut donc pas attacher trop d'importance à l'ordre dans lequel se succèdent, dans une même affaire, l'acte des commanditaires et celui du gérant; ordinairement celui des uns précédera celui de l'autre ; mais il est possible qu'ils se produisent en sens inverse. En un mot, le droit des créanciers peut naître tantôt d'une manifestation qui permet ou autorise, tantôt d'une intervention qui approuve ou confirme.

En second lieu, celui qui réclame contre des associés commanditaires une condamnation sur leurs biens personnels, n'est pas obligé de prouver qu'il connaissait, au moment où il a contracté, l'acte duquel résulte leur responsabilité. Par cela seul que l'acte était destiné à être connu, il est censé l'avoir été de celui qui l'invoque.

« ZurückWeiter »