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tre Saxe-Cobourg et le royaume de Prusse, le 23 décembre 18331; 9° entre Saxe-Altenbourg et le royaume de Saxe, le 23 mars-20 juin 1840'.

(La suite à un prochain cahier.)

FŒLIX.

XXVII. Du noviciat judiciaire.

Par M. BONNIER, professeur suppléant à la faculté de droit de Paris.

Une institution qui a été et qui est encore aujourd'hui vivement attaquée et chaudement défendue, le noviciat judiciaire, vient de sortir du domaine de la spéculation pour devenir le texte de discussions pratiques. Un projet de loi présenté tout récemment à la Chambre des pairs propose d'organiser chez nous cette pépinière de la magistrature, dont plusieurs états de l'Europe nous offrent déjà le modèle. On ne peut se dissimuler la gravité de la question. La solution qu'elle recevra doit exercer une haute influence, et dans l'ordre politique, où le maintien et la juste pondération des libertés publiques et des droits du pouvoir social demandent une magistrature ferme et éclairée, et dans l'ordre purement judiciaire, où l'amélioration du personnel est un grand pas de fait vers le progrès de la jurisprudence. Suivant la belle métaphore de Bacon, les jugements sont l'ancre qui fixe la loi : judicia anchoræ legum sunt; il faut que cette ancre soit tenue d'une main ferme, pour que le navire ne flotte pas au gré de l'ignorance et des passions.

1 V. suprà, art. Prusse. Bulletin des lois de Gotha, vol. p. 461.

2 V. suprà, art. royaume de Saxe.

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La première question que nous avons à nous adresser, c'est celle de savoir si la création d'un noviciat judiciaire n'est pas éminemment utile, surtout à notre époque. Nous rechercherons ensuite quelles sont les institutions récentes qui ont déjà été établies chez nous dans un but analogue. Les vices de ces institutions nous expliqueront les préventions fâcheuses que fait naître dans certains esprits la proposition actuelle préventions légitimes, s'il devait en résulter de semblables abus. Nous serons ainsi conduits à examiner le projet ministériel, et à nous demander si, à côté de louables innovations, on n'y trouverait pas certaines dispositions empreintes de l'esprit que les adversaires du noviciat s'efforcent de combattre, et dont l'adoption pourrait compromettre le succès de l'établissement projeté.

1° Utilité du noviciat.

Le noviciat judiciaire, en faisant abstraction pour le moment des détails pratiques d'organisation, est-il en lui-même utile et désirable? Il semble que le nier, ce serait méconnaître la nature des choses. De même que les êtres les plus élevés dans l'échelle de la création sont ceux dont le développement s'opère avec le plus de lenteur, les œuvres solides et durables de l'homme n'exigent-elles pas du temps et de la méditation? La poésie même, qui paraît essentiellement spontanée, ne produit ses immortels chefs-d'œuvre qu'à l'aide d'un travail opiniâtre. Si l'improvisation ne donne aucun résultat sérieux lorsqu'il s'agit d'art et d'imagination, que sera-ce dans les matières où il faut surtout de la gravité et de l'expérience? N'est-ce pas dès lors une prétention bien téméraire que celle d'improviser des magistrats? Jetons un coup d'œil sur les états les plus importants de la so

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ciété partout nous verrons un temps d'épreuve précéder l'exercice définitif des fonctions. Dans les professions industrielles, l'apprentissage, s'il n'est plus exigé en théorie, est presque toujours nécessaire en fait. La carrière militaire ne comporte d'avancement dès le premier échelon, qu'autant qu'on a occupé, pendant un laps de temps déterminé, la position immédiatement inférieure à celle où l'on aspire. Les règlements universitaires n'admettent au concours de l'agrégation que des candidats qui s'y sont préparés de longue main, soit par des travaux approfondis dans une école spéciale, soit par l'exercice pratique de l'enseignement. Enfin une carrière à laquelle on a souvent comparé la magistrature, le sacerdoce, puise toute la force de son personnel dans la bonne direction des séminaires. Les qualités qui constituent un bon juge sont-elles donc si communes, qu'on doive être moins exigeant pour la magistrature que pour tout autre état, en ce qui touche l'utilité d'une préparation suffisante?

Mais cette préparation existe, dira-t on, soit dans les écoles de droit, soit dans l'exercice même du barreau. Sans doute nous ne prétendons pas que, dans l'état actuel des choses, le premier venu puisse être nommé magistrat, et qu'il n'existe aucune condition de capacité. Mais la question n'est pas de savoir s'il existe quelque garantie; une législation qui, comme le fit la convention par le décret du 22 septembre 1792, permettrait de nommer juge une personne quelconque, ne saurait être que l'œuvre de passions politiques extrêmes, qui proscrivent l'instruction comme suspecte d'aristocratie. De pareilles idées sont heureusement loin de

1 Cette dispense de toute condition d'éligibilité eut les résultats

nos mœurs; on convient qu'il faut des garanties; mais
celles
que nous avons sont-elles suffisantes?

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Quant à l'enseignement du droit, il nous siérait mal sans doute d'en méconnaître l'importance. Mais, quelques progrès qu'ait faits l'étude de la jurisprudence depuis la création des facultés de droit, il est des bornes qui sont tracées par la nature même des choses. Aussi peut-on encore répéter aujourd'hui ce que disait le tribun Sédillez, en émettant son opinion sur la loi du 22 ventôse an XII, qui réorganisa cette branche de l'enseignément : « Dans aucun temps, dans aucun pays, » un élève n'a jamais appris son état dans les écoles. On ne doit y chercher et l'on ne peut y trouver que les » moyens d'apprendre. » Le diplôme de licencié, ainsi que l'atteste la notoriété publique, ne prouve pas le mérite, mais seulement l'absence d'une incapacité assez grave pour motiver un rejet persévérant; car on sait que les candidats qui ont échoué une ou plusieurs fois à une épreuve peuvent toujours se représenter pour la subir de nouveau. Sous ce point de vue, du reste, on ne peut qu'applaudir à la disposition du projet, qui n'admet au noviciat judiciaire que les docteurs en droit. Les études plus approfondies que suppose ce grade, les exigences plus sérieuses des professeurs qui sont appelés à le conférer, sont de nature à rassurer la société sur le développement de l'intelligence et sur l'étendue de l'instruction du juge futur. Cette garantie réalise la pensée du chancelier de Lhôpital, qui soumettait à un examen devant lui ceux qui aspiraient à des charges de judica

qu'on en devait attendre. Il paraît certain que plusieurs juges de cette époque étaient obligés de se faire lire leur correspondance.

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ture 1. Elle semble suffire pour la justification de la capacité scientifique. Car les concours qu'on à quelquefois proposés pour la magistrature ne sont guère propres à mettre en lumière le genre de mérite qui doit surtout recommander l'organe impassible de la loi. Il faut l'avouer, la spontanéité, la promptitude de répartie font souvent plus d'effet dans les concours que la rectitude d'esprit et la maturité de jugement. Ces épreuves publiques peuvent être utiles pour des carrières où l'on

1 Le résultat de ces examens était loin d'être toujours satisfaisant, si nous en croyons Brantôme (Hommes illustres, 675, sur le chancelier de Lhôpital). Il raconte qu'une fois, à Moulins, il dînait chez le chancelier avec M. Strozzi: Après dîner, on dit à M. le » chancelier qu'il y avait là un président et un conseiller nouveaux, qui voulaient être reçus de lui en leurs nouveaux États qu'ils » avaient obtenus. Soudain il les fit venir devant lui, qui ne bou» gea ferme de sa chaire. Les autres tremblaient comme la feuille » au vent. Il fit apporter un livre du Code sur la table, et l'ouvre » lui-même, et leur montre à l'un après l'autre une loi à expliquer, » leur en faisant sur elle des demandes, interrogations et questions. >> Ils lui répondaient si impertinemment et avec un si grand éton»nement, qu'ils ne faisaient que vaciller et ne savaient que dire, » si bien qu'il fut contraint de leur en faire une leçon, et puis leur » dire que ce n'étaient que des ânes, et qu'ils s'en allassent encore » aux écoles étudier. M. de Strozzi et moi étions près du feu qui voyions toutes leurs mines, plus ébahis qu'un pauvre homme » qu'on mène peudre. Nous en riions sous la cheminée tout notre » saoul. Ainsi M. le chancelier les renvoya sans recevoir leur ser»ment, qu'il remontrerait au roi leur ignorance, et qu'il en mît » d'autres en leur place. Après qu'ils eurent passé la porte, M. le chancelier se tourna vers nous et nous dit : Voilà de grands ânes;

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» c'est grand'charge de conscience au roi de constituer ces gens-là » en sa justice. M. de Strozzi et moi lui dîmes: Monsieur, possible >> leur avez-vous donné le gibier trop gros et plus qu'il n'était de

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leur portée. Lors se mit à rire et dire: Sauf votre grâce, ce ne » sont que des choses triviales qu'ils devaient savoir. »

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