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1837 et 7 février 1840 qui consacrent une doctrine si peu en harmonie avec l'esprit de notre Code civil et avec la position des époux sous le régime dotal. Ces deux arrêts, s'écartant du principe de la divisibilité du disponible établi par l'article 1094, décident, ainsi que nous l'avons vu, que le don de la demie en usufruit fait par contrat de mariage au conjoint, épuise la quotité disponible fixée par l'article 913 et ne permet plus au donateur de gratifier soit un tiers, soit l'enfant qu'il veut avantager, du quart en nue propriété, dont il ne pourrait plus disposer qu'en faveur de son époux.

Ces décisions reposent sur une base erronée. Il n'est pas vrai que le don en usufruit fait au conjoint par contrat de mariage, absorbe en totalité le disponible établi par l'article 913. La nature de ce don, les circonstances dans lesquelles il intervient, et la qualité de celui qui en est gratifié, doivent au contraire le faire imputer sur le disponible fixé par l'article 1094. Rappelons-nous que la masse des biens qu'il est permis de donner en vertu de ce dernier article, a été fractionnée par la Cour de cassation elle-même en deux quotités distinctes: l'une que l'époux seul peut recevoir, l'autre dont toute personne peut être gratifiée. En faisant donation par contrat de mariage de la demie en usufruit à son conjoint, le disposant use évidemment du droit que lui donne l'article 1094, et fait une libéralité qui est d'abord imputable sur la part disponible en vertu de cette disposition de loi. Il laisse donc libre une partie de la seconde fraction qui rentre dans le disponible ordinaire, et dont il lui est permis de gratifier un autre que son époux. Le second donataire n'a pas à invoquer le bénéfice de l'article 1094; il lui suffit de faire observer qu'une partie du disponible fixé par l'article 913 restait encore

libre, et que la somme totale des dons ne frappe les réserves d'un quart en usufruit qu'en faveur de l'époux.

Vainement a-t-on voulu prétendre qu'un autre que 'époux profiterait par là du bénéfice introduit par l'article 1094, et qu'on ferait réagir sur les enfants les dispositions de cet article pour la fixation de leur réserve à l'égard d'un tiers. Cette opinion manque encore d'exactitude, car on n'accorde à l'étranger ou à l'enfant avantagé que le disponible fixé par l'article 913. Nul autre que l'époux ne profite en réalité de l'extension donnée au disponible par l'article 1094. C'est, en effet, ce disponible qui lui a été donné par la première disposition, et c'est le seul disponible fixé par l'article 913 qui a fait l'objet de la seconde libéralité. La masse des biens dont l'époux pouvait disposer se divisait en deux parts distinctes, et chacun des deux donataires a reçu celle de ces parts qui lui était afférente. Le second peut dire avec vérité : Le donateur avait gratifié son conjoint de la demie en usufruit en vertu de l'article 1094; il m'a ensuite donné le quart en nue propriété en vertu de l'article 913; les dons ne dépassent aucune des deux quotités qui composaient la masse totale du disponible; ils doivent donc produire tous les deux leurs effets.

Les détails dans lesquels nous sommes entrés ont montré que notre mode d'entendre et d'appliquer la loi produit des résultats identiques dans les trois hypothèses que nous avons parcourues. Le droit de disposer doit, en effet, conserver toujours la même étendue, et ne saurait être modifié par l'ordre dans lequel viennent les dispositions. Au contraire, en adoptant la jurisprudence que nous combattons, on n'échappe aux difficultés d'application qu'offre le deuxième système, basé sur l'unité et l'indivisibilité du disponible, qu'en adoptant des

solutions opposées selon que le don fait à un tiers précède ou suit la libéralité en faveur de l'époux. Ainsi celui qui aurait d'abord donné le quart par préciput en nue propriété à l'un de ses enfants pourrait encore donner la demie en usufruit à son conjoint. Au contraire, celui qui aurait donné dans son contrat de mariage la demie en usufruit à son conjoint, ne pourrait plus donner le quart en nue propriété à ce même enfant. Cependant, dans l'un et l'autre cas, les dispositions réunies s'élèvent au même taux; les mêmes qualités se rencontrent dans les personnes, et par conséquent les mêmes réserves appartiennent aux légitimaires. Le seul système conforme à la raison est donc celui qui amène aux mêmes résultats dans les deux hypothèses. Il ne faut donc pas se borner à adopter le fractionnement et la divisibilité du disponible établi par l'article 1094, mais il faut encore admettre l'imputation du don fait en premier ordre à l'époux sur la fraction qui se compose de l'extension donnée au disponible ordinaire en faveur de l'époux. Telles sont les combinaisons à l'aide desquelles on peut convenablement, raisonnablement appliquer les articles 913, 915 et 1094.

La jurisprudence que nous combattons offre encore l'inconvénient grave de nécessiter une évaluation d'usufruit toujours arbitraire, et que le législateur s'est efforcé de proscrire (C. civ., art. 917).

Enfin la solution la mieux en harmonie avec l'ensemble de principes généraux consacrés par le Code civil, n'est-elle pas celle qui laisse à la puissance paternelle la plénitude de ses droits, et qui maintient en faveur des époux le libre exercice de la faculté qui leur est accordée de pourvoir à toutes les éventualités de leur avenir par les libéralités qu'ils peuvent se faire

dans leur contrat de mariage. En ne rétablissant pas les gains de survie légaux, la loi a entendu traiter avec faveur les gains de survie conventionnels que les époux s'assurent au moment de leur union. Comment croire dès lors qu'elle puisse consacrer un système qui met obstacle à ces libéralités, en leur faisant produire l'effet de paralyser le droit que les époux veulent conserver de pouvoir avantager un enfant, ou de rémunérer un tiers au moyen du disponible établi par l'article 913 ? Certes les auteurs du Code entendaient consacrer sur la quotité disponible des règles plus larges que celles qui avaient été introduites par la loi du 17 nivôse an II, et cependant, sous l'empire de cette loi, l'époux qui avait donné à son conjoint par contrat de mariage la demie en usufruit, pouvait encore disposer en faveur d'un étranger du dixième en pleine propriété '. Ce qu'il pouvait d'après cette législation, il ne le pourrait plus lorsqu'il aurait trois enfants, si on adoptait la jurisprudence de la Cour de cassation. Cette circonstance démontre que cette jurisprudence s'écarte évidemment de l'esprit du Code.

Elle n'est pas plus en harmonie avec la lettre, qui fixe une quotité disponible uniforme, et que l'ordre des dispositions ne saurait ni augmenter, ni diminuer. Le législateur accomplit sa mission en posant les bases du droit; il laisse aux jurisconsultes et aux corps judiciaires une tâche non moins importante à remplir; c'est celle d'interpréter sa pensée et d'appliquer les règles qu'il a tracées en prenant à la fois pour guide le droit

1 V. la loi du 17 nivôse an II, art. 13 et 16; la loi du 18 pluviôse an V, art. 6; un arrêt de la Cour de cassation du 22 messidor an V (SIREY, t. 1-1-110).

et la raison politique et économique qui les ont inspirées.

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La Cour de cassation nous dit : La demie en usufruit équivaut à un quart en propriété; donc l'époux qui a disposé de la demie en usufruit a épuisé le disponible de l'article 913. Nous disons au contraire: Le législateur, en maintenant la suppression des gains de survie coutumiers, a entendu traiter avec faveur les dons entre époux faits par contrat de mariage; donc l'interprétation de la loi la plus favorable à ces dons est celle qui doit être suivie. Le législateur a réduit la réserve des enfants à la moitié en pleine propriété et à un quart en nue propriété lorsqu'il existe des dons faits en faveur de l'époux; donc les dispositions qui distribuent un quart en propriété et un quart en usufruit entre le conjoint et un tiers, ne sont pas exorbitantes toutes les fois que le tiers ne reçoit rien au delà de ce qui pouvait lui être donné en vertu de l'article 913.

Victor MOLINIER.

II. Le mineur ou la femme mariée ont-ils l'hypothèque légale sur les biens du tuteur ou du mari situés dans un pays où le mineur et la femme mariée sont étrangers?

Par M. FELIX.

La question placée en tête de ce travail, mais restreinte au cas où les immeubles du tuteur ou mari étranger sont situés en France, a été soumise, pour la composition par écrit, aux concurrents qui s'étaient présentés au concours ouvert, dans le courant de 1841, devant la Faculté de droit de Paris. J'ai eu communi

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