à calmer la première effervescence qui s'étoit manifestée non- seulement chez les Turcs, mais encore sur la grande majorité des Francs de cette Échelle.

« Quel que puisse être, leur ai-je dit à >> tous, le but de l'expédition, vous ne de» vez faire aucun doute qu'elle ne soit du >> consentement de la Porte. Attendons les >> nouvelles officielles de l'un et l'autre gou>> vernement; et jusques-là, reposons-nous >> avec confiance sur la connoissance que » nous avons tous de l'ancienne et étroite >> amitié qui règne depuis si long-temps » entre les deux puissances ».

J'ai fait valoir ensuite l'avantage qui résultoit pour l'empire ottoman, de la prise de Malte par les Français ; et en effet, cette nouvelle a beaucoup servi à contrebalancer l'impression fâcheuse de nous savoir si voisins, avec des forces si redoutables.

Dans ce moment, Alep est tout-à-fait salmé. Il n'y auroit à craindre que l'effet

que pourroit produire quelqu'une des versions exagérées que la frayeur dicte, et que la frayeur peut adopter.

Le pacha, tous les grands de la ville sont tranquilles. S'il y avoit quelque explosion à redouter, ce ne pourroit être que de la part des schérifs, que le fanatisme pourroit porter à des excès; et dans cette supposition, je ne serois pas étonné que les janissaires qui nous aiment, ne prissent notre défense.

J'use d'une voie suspecte, citoyen ministre, pour vous faire parvenir ce bulletin. écrit à la hâte, attendu que la seule occa sion qui se présente, est celle d'un courrier du ministre, et qu'il faut toutes les précautions possibles, et même toutes les ruses imaginables pour sauver les apparences qui pourroient mettre obstacle au départ de ma lettre.

Par les raisons ci-dessus, le citoyen Beauchamp ne peut pas vous écrire. Le paquet se trouveroit trop volumineux pour ne pas éveiller le soupçon. Il me charge de vous donner avis, qu'il part après-demain pour Latakia, d'où il avisera aux moyens d'aller

en avant.

N°. XIX.

Le Contre-Amiral PERREE, commandant la flottille du Nil, à son ami LE JOILLE (1), chef de division, commandant le vaisseau LE GÉNÉREUX.

Au Grand Caire, le 10 thermidor an 6. MON cher camarade, je profite de l'occasion de la Cisalpine, pour te donner de mes nouvelles, comme je te l'ai marqué par ma dernière.

(1) Le Joille échappa des mains du lord Nelson, et eut le bonheur, dans sa fuite à Corfou de rencontrer et de prendre, après un engagement de six heures et demie, le Léandre, vaisseau moins fort de moitié, et de plus, affoibli par un combat récent et ayant perdu les deux tiers de son équipage.

si

Tout cela est bien connu ; ce qui n'est pas notoire, quoiqu'il mérite bien de l'être, c'est la conduite brutale de Joille à l'égard des braves gens qui, par leur invincible courage, avoient

Je suis arrivé en cette ville le lendemain de notre armée, après avoir éprouvé toutes les privations possibles; nous avons été jus

des droits au respect d'un ennemi généreux; car ils n'amenèrent que lorsqu'ils ne pouvoient plus nanoeuvrer. Croiroit-on que pendant plusieurs jours on ne permit pas de panser les blessures. de leur respectable commandant, et qu'on enleva les instrumens du chirurgien du vaisseau pendant qu'il opéroit un de nos malheureux compatriotes? Cependant rien n'est plus exact.

Nous ne pouvons deviner sur quel principe de saine politique, ou d'après quel chapitre du code de vérité, ces traits et mille autres de barbarie et de rapacité féroce, de la part des Français, sont supprimés dans nos papiers officiels. Nous avons entendu parler d'un conseil tenu sur le continent, dans lequel il a été proposé sérieusement d'adoucir ou de dissimuler les insultes des Français, de peur qu'ils n'en fussent trop irrités, et nous avons vu ici un papier qui conseilloit de tenir la même conduite. Ce conseil étoit-il le fruit de la réflexion ou de l'ignorance? c'est ce qu'il importe peu d'examiner. Certes, nous sommes trop puissans pour être insultés par les Français, et nous avons dans les mains trop de moyens