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Le 13 messidor, à six heures du matin, nous étions à six lieues d'Alexandrie. La frégate la Junon eut ordre d'aller à l'entrée du port remettre au consul français une lettre ostensible, mais avec mission expresse d'emmener le consul et tous les Français qui se trouveroient dans la ville. Tout y étoit

ment exprimé leur chagrin et leur indignation, en voyant qu'ils avoient été si misérablement induits en erreur.

Observation.

C'est vouloir soi-même en imposer d'une manière bien misérable à l'ignorance et à la crédulité, de supposer que les Français ne connoissent l'Egypte que par Savary. Les Anglais eux-mêmes n'ont-ils pas fourni des mémoires assez considérables sur cette contrée ? Bruce, Pococke, leur donneroient des démentis assez bons. Mais pourquoi recourir à des autorités modernes pour l'apprécier, tandis que l'histoire de tous les siècles retentit du bruit de sa fécondité et de son importance? tandis que la vue seule de sa situation géographique atteste l'avantage qu'un gouvernement intelligent peut en tirer? Et quand on écarteroit encore ces preuves si frappantes, si évidentes, a-t-on besoin d'autre chose que des efforts qu'a faits la Russie

en combustion: depuis deux mois on parloit de la descente des Français; on s'y étoit mis en défense à la manière des Turcs.

L'apparition qui avoit eu lieu le 10 d'une escadre anglaise de 14 vaisseaux, que le gouverneur d'Alexandrie s'obstinoit à regarder comme français, avoit redoublé les

pour s'y établir? Les négociations entamées sur cet objet sont connues de tout le monde. La France n'a fait que prévenir les tentatives de cette vorace alliée de la Grande-Bretagne. Le désespoir de cette dernière puissance est d'avoir vu manquer ce projet, qui pouvoit lui assurer le sceptre de l'Inde, que la conquête des Français lui fait tenir d'une main mal assurée. Quant à ces prétendues marques de chagrin et d'indignation, que le benin glossateur suppose à nos généraux, nous voulons bien croire que certaines gens, très-disposées à prêter à nos guerriers des idées si différentes de la conduite héroïque qu'ils ne cessent de tenir, ajouteront une foi bien implicite à ses assertions; mais pour ceux qui connoissent parfaitement le militaire français, il voudra bien leur permettre de le soupçonner un peu d'avoir aidé les textes des lettres qu'il publie à se prêter à ses idées favorites, et nous l'en félicitons, car c'est généreusement remplir le rôle qui lui est prescrit : il faut qu'il gagne son argent.

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alarmes de la ville, et rendu de plus en plus critique la position des habitans français. Le consul obtint cependant trois heures pour se rendre à bord de la Junon: cette frégate l'amena sur l'Orient; on sentit la nécessité d'agir promptement, soit pour arracher Alexandrie aux Anglais, soit pour mettre notre escadre à couvert d'un combat qui eût été très-inégal dans le désordre d'un premier mouillage sur un fond inconnu.

La flotte anglaise a joué de malheur; elle nous a manqué sous la Sardaigne; elle a manqué ensuite le convoi de Civita-Vecchia, composé de 57 bâtimens, et portant 7000 hommes d'Italie. Elle n'est arrivée devant Malte que cinq jours après que nous avons quitté cette île; elle est arrivée devant Alexandrie deux jours trop tôt pour nous y rencontrer. Il est à présumer qu'elle est montée jusqu'à Alexandrette, croyant que c'est-là que doit s'opérer le débarque

ment pour la conquête de l'Inde. Nous la verrons enfin ; mais nous sommes mouillés

de manière à tenir tête à une flotte double de la nôtre.

Telle a été pourtant la position critique où nous nous sommes trouvés le 13 au matin, que quelque prompt que fût le débarquement, nous pouvions être surpris par les Anglais au milieu de l'opération. Aussi dès quatre heures du soir, le général en chef étoit-il sur une galère avec son étatmajor, environné des canots et chaloupes des bâtimens qui avoient envoyé des détachemens pour la descente.

Le 14 au matin, le débarquement s'est opéré sur le fort appelé le Marabou, à deux lieues à l'ouest d'Alexandrie. Point de résistance pas un canon au Marabou! La troupe s'achemine par pelotons vers la ville; les traîneurs ou ceux qui s'écartent, sont attaqués par des partis d'Arabes et de quelques mamelouks qui voltigent çà et là. Il y a des combats particuliers où nous perdons quelques hommes. Arrivés à la ville, nos

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braves éprouvent de la résistance. Des canons de 3 et 4 ( et nous n'en avions pas encore), des carabines, des pierres, tout annonce la résolution de se défendre. Le général Kleber est blessé à la tête; le général Menou en plusieurs endroits. Mais à onze heures nous étions maîtres d'Alexandrie, et les tirailleurs qui se défendoient par les fenêtres étoient ou cachés ou tués. Les mamelouks et une grande quantité d'Arabes s'étoient refugiés dans le désert. Restoit une partie des habitans fort étonnés qu'on ne leur coupât pas le cou (3), et lisant avec

(5) L'étonnement de ceux des habitans d'Alexandrie qui étoient demeurés dans la place, en voyant que les Français ne leur coupoient point le cou, peut assez bien s'expliquer, soit dit sans offenser la sagacité de mons Jaubert. Il ne faut à cet effet que jeter un coup-d'œil sur la longue lettre du citoyen Boyer à son père (voyez n°. XXII). Après que l'on eut massacré indistinctement, pendant l'espace de quatre heures, ce peuple qui n'étoit pas l'agresseur (car on ne lui fera pas sans doute un crime d'avoir disputé

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