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J'accepte la responsabilité d'avoir uni l'idée du transfert de la capitale à celle de la convention. L'initiative du transfert n'est pas partie de la France, je l'affirme; elle est sortie du sentiment de la majorité du pays.

La France ne nous a pas demandé de garanties. Elle nous a expliqué la nécessité de changer le caractère de la question romaine. Elle s'est réunie à notre initiative. Les clauses du traité ont été débattues entre le ministère et les plénipotentiaires italiens. Nous avons unanimement pensé que le transfert de la capitale était la meilleure garantie à offrir. Qu'aurait-on dit si nous avions accepté l'occupation de Civita-Vecchia ou la garantie catholique? Nous n'aurions pas pu écrire la Note du 7 novembre.

Permettez-moi de vous exposer les raisons qui militent en faveur du traité au point de vue européen. Il faut penser à la question de liberté en Europe, dont l'Italie est un élément glorieux. Nous ne pouvons nous isoler du mouvement libéral européen.

Voyez la condition des partis en Europe avant le traité. Les traités de Vienne avaient basé l'équilibre sur la rivalité des puissances. De là les agitations incessantes. La victoire resta à la réaction, jusqu'au jour où la France impériale se mit à la tête des idées nouvelles; de là l'union des Principautés, le royaume d'Italie, la non-intervention, la cession des îles Ioniennes.

La Russie, jusqu'alors en tête de la réaction, donna son appui moral à la France pendant la guerre d'Italie.

La révolution de Pologne a eu le déplorable résultat d'arrêter la Russie dans sa marche libérale, et les puissances allemandes ont fait d'une question nationale une grave question de conquête. De là ses nouvelles idées de Sainte-Alliance. J'en ai signalé les symptômes dans une dépêche que j'ai écrite de Saint-Pétersbourg, Il n'y avait pas encore accord écrit, mais entente tacite.

La cause de la force de la réaction était dans les soupçons du parti libéral contre la France, soupçons manifestés par la conduite de l'Angleterre.

Le devoir du gouvernement du roi était de dissiper le nuage, de ne pas laisser former une nouvelle coalition.

La principale cause de la division du parti libéral était l'occupation de Rome. L'autorité morale de la France en était affaiblie, les jalousies de l'Angleterre étaient éveillées. Cette occupation mettait en péril continu l'alliance de la France et de l'Italie. Elle affaiblissait le parti monarchique libéral en Italie.

Voilà pourquoi notre gouvernement me chargea de renouer les négociations sur la question romaine.

Si le Gouvernement français n'avait pas cédé à nos vœux, ce n'était

pas par hostilité contre nous, soyez-en sûrs, c'est parce qu'il devait tenir compte des nécessités de sa politique.

Nous ne pouvons demander à la France d'oublier une question d'honneur, et de ne pas tenir compte de l'opinion des catholiques. La France ne demandait qu'à sortir de Rome, pourvu que le départ de ses troupes ne fût pas le signe d'une catastrophe immédiate.

L'Italie, par la convention du 15 septembre, a rendu un service immense au parti libéral, et surtout au parti libéral français.

L'effet en a été immense. Le but a été atteint. Ce traité rehausse l'Italie, augmente sa stabilité, donne un gage au parti libéral, prépare de nouvelles alliances.

Je dis qu'il rehausse notre dignité. Le président du conseil vous l'a démontré. Voyez les manifestations du parti libéral, et les colères du parti catholique, et les encycliques des évêques. Voyez surtout l'opinion de l'Angleterre, manifestée par ses principaux ministres. S'il y a un gouvernement jaloux de l'influence française en Italie, c'est l'Angleterre. Louerait-elle un acte qui accroîtrait cette influence?

J'ai vécu deux ans à l'étranger. Malgré les égards qu'on a eus pour moi, j'ai vu que l'Italie n'occupait pas encore le rang auquel elle a droit. La raison était la crainte que l'Italie ne pût se dégager de l'influence française. Cet injuste soupçon ne venait pas de ce que nous avions suivi partout la politique française. La raison vraie était l'occupation de Rome. Nous subissons deux occupations. Or, celle qui nous blessait le plus était l'occupation française. Elle avait un caractère de défiance et de résignation chez nous.

Cette occupation était une insulte continuelle à la dignité nationale. A tout prix il fallait y mettre fin. Nous ne pouvions être grande puissance que lorsque le principe de non-intervention serait appliqué à Rome. Voilà pourquoi l'Angleterre a applaudi au traité. Elle sait que nous sommes désormais une grande nation.

Je voudrais convaincre tout le monde que les soupçons élevés contre la France sont injustes. Je voudrais vous inspirer mes propres sentiments, comme à M. Ricasoli, qui est certes un bon Italien. Le traité augmente notre stabilité. La réserve de la France inquiétait l'opinion. Le transfert de la capitale à Florence efface la dernière trace du traité de Zurich. Il démontre que la France renonce à ses aspirations fédérales. La province dont l'annexion a été le plus contestée, c'est la Toscane. L'Empereur m'a dit : « Transporter la capitale au centre de l'Italie, c'est affirmer l'unité, c'est donner un corps à qui < n'avait qu'une âme. »

Le commentaire du traité est la Note de M. Drouyn de Lhuys adressée à Rome. Elle sépare la France de Rome féodale.

On dit que nous n'avons de garantie que la signature de la France;

mais je crois à cette signature comme y a cru M. de Cavour. J'ai pour garantie l'intérêt de la France. Elle peut sortir de Rome en sauvant le décorum, en ménageant les catholiques; et voulez-vous qu'elle y reste pour subir l'humiliation du non possumus?

La convention abat les espérances des partis extrêmes. C'était l'occupation de Rome qui liait la France au parti réactionnaire. Cette occupation eût brisé l'alliance de la France et de l'Italie. Le sentiment national ne l'eût pas supportée. L'Italie se fût jetée dans les bras des partis extrêmes. Aujourd'hui elle peut marcher librement sous la direction du parti modéré.

Les puissances du nord ont résolu seules la question polonaise et la question danoise. Aujourd'hui la France résout seule la question romaine.

Le traité prépare de nouvelles alliances. Il rapprochera l'Angleterre de la France et reliera le faisceau des puissances libérales. Ce sera l'œuvre de la prudence du ministère. Ce traité dissipe tous les soupçons de l'Angleterre. Ce serait notre honneur de refaire cette grande alliance fondée sur les principes libéraux, et dont le but est la liberté du monde.

On me dira: Et l'avenir? Si je croyais que ces grands généraux qu'on appelle Ferdinand de Lorraine et François de Bourbon pussent occuper nos villes, je désespérerais de l'avenir; mais j'ai foi en l'ouvrage de la nation, dans le Parlement, dans l'armée, dans le roi! Je m'inquiète peu des prophètes de malheur: c'étaient ceux qui, dans le temps des gouvernements provisoires, voulaient nous décourager; ce sont ceux qui n'ont cessé de prédire des maux qui ne sont pas arrivés. Il y avait deux questions, Rome et Venise; il n'en reste plus qu'une. L'Empereur écrivait : « Le clergé catholique s'est perdu parce qu'au lieu de s'allier aux opprimés, il s'est allié aux oppresseurs. « Je crois que la solution est dans la formule: l'Église libre dans l'État libre. Ces paroles sont le testament du comte du Cavour. Je ne sais par quelles phases nous passerons, mais nous arriverons.

Mais cette solution doit être obtenue par les moyens moraux.

Cette question intéresse la liberté du monde entier. J'appelle votre attention sur la condition faite à l'Italie vis-à-vis de la papauté. Nous nous apprêtions à la lutte de la civilisation contre la réaction. Nous devons nous préparer à cette grande lutte en démolissant Rome à l'intérieur.

Le parti féodal a les yeux sur Rome qui est son centre. Il faut que le parti libéral européen ait les yeux sur nous; il faut que l'Italie fasse pour l'Europe ce que le Piémont a fait pour l'Italie. L'Europe attend encore un gage de ce sens politique dont nous avons donné tant de preuves. Repousser la convention, c'est briser avec l'opinion libé

rale, rompre l'alliance française, renoncer à la grande politique de Cavour.

Discours prononcé au Sénat par M. d'Azeglio, dans la séance du 3 décembre 1864.

Messieurs, l'Italie, pour avoir voulu, d'après moi, trop précipiter le cours des événements et atteindre avant le temps le but extrême de ses désirs, en est arrivée aujourd'hui à cette alternative: ou de rentrer dans les voies d'une politique pratique et sérieuse, ou d'aboutir à un désastre économique dont les conséquences sont incalculables.

Souvenons-nous que de la question des finances naît toujours le salut ou la ruine des États, et rappelons-nous l'axiome: La bonne politique fait les bonnes finances.

La situation du pays est très-grave.

De la voie que nous suivrons dépend notre avenir. On devient une nation de bon sens dans le conseil et de sage tempérament dans l'exécution, dès lors respectée et puissante; ou bien une nation, jouet d'illusions continuelles, épuisée par des efforts inopportuns, dès lors faible et méprisée.

Il est temps de mettre fin aux équivoques et aux réticences; il est temps d'abandonner cette phrase si répétée : « Oui, cela est vrai, mais on ne peut pas le dire!» Et pourquoi ne peut-on pas le dire? Nous voulons former une nation, et il ne se trouvera personne qui ose dire l'entière vérité, personne qui ait le courage de l'entendre.

S'il est cependant une parole qu'on ne doit pas prononcer, c'est le triste mot de discorde.

Le grand danger du moment n'est pas dans le choix d'une capitale, il est dans la discorde et dans les divisions.

Donc, vérité entière et esprit de conciliation sans bornes, tel doit être notre but.

Je commence par la vérité qu'il faut dire sans réserve.

Le noeud de toutes les complications actuelles, c'est la question de Rome.

La passion d'avoir Rome pour capitale a servi les intérêts de bien des gens; je ne suis pas également certain qu'elle ait servi les intérêts de l'Italie.

Quoi qu'il en soit, il est certain que ceux qui ne connaissent pas le dessous des cartes, ni le travail des societés secrètes ou non secrètes, manifestent quelque étonnement de l'extrême importance que les Italiens attachent à cette ambition devenue classique parmi eux,

tandis qu'il semblerait que la Vénétie et le quadrilatère devraient avoir une bien autre influence pour l'indépendance et l'unité nationales....

Sur quoi se fonde-t-on? On dit : « Nous voulons enlever Rome au Pape en haine d'un pouvoir qui a toujours appelé l'étranger en Italie ?» Oui, dans les tendances qui poussent les Italiens vers Rome entre pour beaucoup une question de haine.... et je me borne à dire que la haine est le pire des conseillers pour tous les hommes, mais surtout pour les hommes d'État.

Quoi qu'il en soit, quand une idée, même téméraire, s'est emparée des cerveaux humains pour une raison quelconque, les hommes de sens se voient forcés d'en tenir compte. Il y a plus: tout citoyen est obligé de respecter le moindre désir exprimé par la Chambre, dans un ordre du jour, quand même elle aurait statué sur la peau de l'ours avant de l'avoir jeté par terre. Mais la Chambre n'a pas fixé le jour de notre entrée à Rome.

J'avoue que, suivant moi, il n'était pas encore temps non plus de changer le siége du Gouvernement.

L'Italie unifiée en si peu de temps et d'une manière complète en corps de nation, serait un exemple unique dans l'histoire; avec les éléments qui la composent, elle aurait dû avant tout songer à se créer une organisation forte et compacte afin d'avoir le plus tôt possible ses forces et ses ressources disponibles à tout événement. Après cela, elle aurait pu mettre en discussion, sans trop de danger, les questions de capitale et d'agrandissement.

Les autres nations ont employé des siècles à se compléter; entre un agrandissement et un autre, elles ne se consumaient pas inutilement en efforts intempestifs; elles se raffermissaient en silence et elles attendaient.

Chez nous, au contraire, on a beaucoup crié, beaucoup dépensé, et nous nous sommes affaiblis.

Je pense qu'on aurait pu attendre encore avant de jeter ce trouble dans les fondements d'un État nouveau, aussi incohérent, avec une administration et des finances dans un si grand désordre.

Mais enfin, le dé est jeté, et je me borne à dire que si le traité du 15 septembre tend à calmer l'Italie et l'agitation qui se fait pour la capitale; si l'on peut commencer à gouverner sérieusement, à introduire un peu d'ordre dans l'État, à faire des économies, à donner une forme raisonnable au système des impôts, et à trouver un remède au mécontentement et à la défiance des populations; oh! alors, je bénirai ce traité, il sera la fortune de l'Italie.

Si, au contraire, il réveille plus ardente la croisade entreprise pour aller plus loin encore, si nous ne voulons ni ne pouvons nous mettre

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