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Cependant, si les passions du parti dominant dans cette fameuse assemblée, ont amené un si grand nombre de funestes évènements; si dès les premiers jours ce parti conduisit la révolution dans des routes sanglantes, il serait injuste de ne pas convenir que cette assemblée a proclamé les vrais principes d'un gouvernement libre. Elle n'en a pas fait l'application; mais elle les a reconnus. Ces principes d'éternelle vérité, semés dans les esprits, devaient y germer et se faire jour à travers les sophismes dont on les recouvrait.

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C'est à l'assemblée constituante que la France rapporte l'origine d'une foule d'améliorations. La torture et les barbaries judiciaires abolies. (Louis XVI n'avait mis hors d'usage que la question préparatoire. 15 février 1788.)-La jurisprudence criminelle réformée. -La liberté des cultes la plus complète reconnue en principe. L'abolition des vœux monastiques. Les lettres-de-cachet abolies; et la liberté individuelle consacrée. L'égalité proportionnelle des charges publiques. L'abolition des douanes intérieures.-La division du territoire en départements, division qui, établissant l'uniformité d'administration, efface les inimitiés ou les jalousies des provinces.-L'abolition des dîmes, des droits féodaux dont plusieurs étaient injurieux, et qui tous, ainsi que les dîmes, nuisaient à l'agriculture. Cette abolition doit être considérée ici, en elle-même ; l'injustice de la disposition qui plus tard (V. 12 août 1789), n'en admet pas le rachat, ne saurait détruire la bonté du principe. -La division des propriétés du clergé a soustrait à l'indigence une très-nombreuse classe de la société. La suppression des maîtrises, des jurandes, des priviléges, et des gênes de toute espèce imposées à l'industrie, a développé cet esprit d'entreprise qui s'est montré de toutes parts dans une carrière où l'on ne faisait que suivre les vieilles routines. Les Français, en trente années, auront plus inventé, plus perfectionné ou importé dans tout ce qui tient aux manufactures et à l'industrie en général, que dans les trois siècles qui ont précédé l'année 1789. — Les intérêts locaux ont été soignés par des administrateurs connus des administrés et sous leur influence. Une admirable institution est la garde nationale, dont les avantages se développeront si bien à Paris et dans toute la France, en 1814 et 1815. On ne doit pas perdre de vue que lorsque les factieux en 1792, 93, 94 déchaîneront le crime, ils commenceront par neutraliser, diviser, désorganiser cette garde nationale. Lorsque le despotisme de Bonaparte pesera de tout son poids sur la France et que son ambition transportera au loin ses armées,

il sera pourtant obligé de recourir à la garde citoyenne pour maintenir la sécurité de l'intérieur. (V. 24 septembre 1805, 12 novembre 1806.) L'assemblée constituante se présente donc sous deux aspects, et bien opposés. En détruisant une foule d'abus, en émettant des principes de monarchie limitée, en traçant les premiers linéaments d'institutions, essentiellement favorables au peuple, elle a préparé, ébauché, signalé de grands biens. Mais, depuis le 6 octobre 1789, ses erreurs furent si graves, ses torts si nombreux; elle amena sans nécessité de si grands maux; bravant l'expérience, dédaignant les routes suivies par tous les législateurs du monde connu, pour adopter les idées qu'enfantait le délire de quelques novateurs charlatans qui faisaient un emploi souvent très-impropre des mots de raison, de liberté, d'égalité, d'humanité, de tolérance, elle constitua si défectueusement la France; laissant tout principe religieux anéanti, les mœurs au dernier terme de débordement; tous les vices déchaînés, le droit de propriété miné dans ses fondements; les finances, les armées, les flottes, les colonies, dans une extrême confusion; toutes les sources de la richesse nationale diminuées et sur le point de tarir; elle finit si lâchement, au moment où elle se voit obligée de supporter tout le poids de son ouvrage, qu'elle doit être regardée comme la première, comme la principale, comme l'immense cause de toutes les calamités dont la France sera désolée pendant une période de vingt-quatre années. Une assemblée souveraine ne peut-être jugée autrement qu'on ne juge les rois; c'est-àdire, que par la morale d'abord, et puis par les résultats de sa domination.

L'assemblée constituante a décrété dans l'acte constitutionnel plus de 300 articles auxquels aucune des législatures suivantes n'aura le droit de toucher, qu'à des conditions dont la réunion est presque impossible; s'irritant ainsi contre les leçons de l'avenir, autant qu'elle a dédaigné celles du passé.

Pendant les 28 mois de sa session ou de son règne, elle n'a pas rendu moins de 2,500 lois ; peut-être n'en reste-t-il pas 25 qui soient en vigueur, dans cette présente année 1819.

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Octobre 1. Première séance de la seconde assemblée nationale dite assemblée législative. Elle se compose de 745 membres, dont près de 400 sont des avocats subalternes; environ 70 sont des prêtres, dits constitutionnels; autant de littérateurs ou poëtes sans renommée, soudainement transformés en Lycurgues: anciens valets des courtisans de Versailles, aujourd'hui courtisans du peuple ou de

la commune de Paris; et très-peu de propriétaires; de sorte que le premier des intérêts en tout pays est ici bien loin d'être représenté. Le plus grand nombre des députés ne possède même aucun patrimoine; et, pour la plupart, ils ne sont connus que parceque depuis deux ans ils ont exercé leur loquacité dans les clubs et les assemblées populaires. La grande majorité se forme aussi d'hommes qui n'ont pas atteint leur trentième année.

On distinguera du premier au dernier jour de la session, trois groupes principaux: -1° un très-petit nombre d'hommes étrangers aux injustices, aux désordres de la révolution, et qui, regardant la constitution actuelle, toute défectueuse qu'elle est, comme la seule ancre de la France, voudront la consolider: Becquey (conseillerd'état en 1814, 15, 16, 17, 18), Beugnot (ministre en 1814, 15), Mathieu Dumas (lieutenant-général, conseiller-d'état en 1818), Stanislas de Girardin, Hua (avocat-général à la cour de Paris en 1815, 16, 17, 18), de Jaucourt (pair de 1814, ministre en 1815), Lemontey (homme de lettres), Ramond (maître des requêtes en 1816, 17, 18.) —Le second groupe est formé d'un certain nombre d'hommes estimables, mais entraînés par les idées spéculatives du temps, sectaires d'assez bonne foi, par conséquent très-portés à faire de fausses applications des nouvelles théories. Cerutti (ex-jésuite), Dumolard, Koch (auteur d'écrits diplomatiques), Lacepède (naturaliste), Lacuée - Cessac, Pastoret (pair de 1814), ViennotFaublanc (ministre à la fin de 1815). — Enfin, une foule d'hommes égarés déja par des principes démagogiques, et qui presque tous se signaleront dans les temps de la république par leur participation anx plus affreux excès: Bazire, Brissot, Carnot (officier du génie, directeur en 1795, 96, 97), Chabot (capucin), Gensonné, Guadet, Guyton-Morveau, Lasource, Léquinio, Mailhe, Thuriot, Vergniaud (tous conventionnels votant la mort de Louis XVI), Merlin dit de Thionville, Hérault de Séchelles (conventionnels), François dit de Neufchâteau (directeur en 1797, 98), Fauchet (abbé), Quinette.

Octobre 14. Proclamation du roi aux émigrés, pour les convaincre de sa parfaite adhésion à l'acte constitutionnel, et les engager à s'y rallier.

Sans doute Louis XVI est opprimé lorsqu'il leur déclare ses intentions; sa puissance ne saurait les protéger; il est trompé par ses ministres; c'est eux qui conduisent sa plume. Mais c'est par cela même que les défenseurs d'un aussi bon roi, les amis de la monar

chie, ne devraient pas s'éloigner. Étrange doctrine, de poser en principe que, quand un chef d'empire est en péril, celui qui le quitte le premier et qui se sauve le plus loin, atteint le plus haut degré de la pureté et de la fidélité d'un sujet loyal! Le vertige de l'émigration est incompréhensible. De toutes les parties du royaume, il sort des flots de militaires et de nobles. Beaucoup de familles, frappées de terreurs paniques ou entraînées par la mode du jour, suivent ce torrent et abandonnent la France, dans la crainte que la nouvelle législature n'en ferme les portes. La tyrannie, la crainte du déshonneur et l'imitation, voilà les principaux mobiles de cette multitude fugitive. L'ignorance des devoirs politiques n'est grande dans les classes supérieures, que parce que, depuis deux siècles, le gouvernement les a privées de tout exercice de leurs droits.

Si l'on considère les intérêts réels de la noblesse des provinces, noblesse agricole et militaire, qu'il ne faut pas confondre avec quelques familles de courtisans héréditaires, il est aisé de prouver que ses pertes étaient d'opinion, et qu'elle obtenait des avantages positifs. La féodalité était abolie; mais la noblesse, par la supression des dîmes écclésiastiques, éprouvait, comme propriétaire des terres, plus qu'elle ne perdait par l'extinction des droits féodaux : les dîmes inféodées et les droits fonciers étaient déclarés rachetables. Les distinctions, les droits honorifiques étant suprimés, la vanité perdait. Qui; mais la noblesse des provinces, cette classe nombreuse désignée sous le nom de petite noblesse, prenait sa part de l'égalité civile, attribuée à toutes les fonctions publiques; elle n'était plus reléguée dans les grades subalternes de l'armée; elle devait concourir pour les premiers emplois, qui jusque alors furent réservés aux favoris d'une cour corrompue. Si l'on veut considérer ensuite les avantages que la noblesse, toujours propriétaire de ses champs, quoique ayant perdu ses droits de fief sur les champs d'autrui, pouvait retirer de l'importance de ses propriétés, de son éducation, de l'influence des anciennes habitudes; on conviendra qu'avec un peu d'adresse, elle aurait été portée en majorité aux assemblées politiques; et certes, les places de représentants de la nation étaient plus honorables que les faveurs reçues par l'intermédiaire des hommes et des femmes de la cour. La constitution de 1791 offrait à la noblesse deux grandes successions à recueillir, celle du clergé et celle des parlements; elle y renonça par un zèle aveugle pour les intérêts particuliers de ces hommes qui la traitaient avec dédain, et qui s'intitulant eux-mêmes

haute noblesse, avaient fort peu de droits à l'estime comme à la reconnaissance de la nation.

Au lieu donc de défendre, au sein même de la France, et le roi et leurs propriétes, les émigrés laissaient à la merci des ravisseurs, des assassins, et leurs propriétés et le roi. Ces croisés de la basse féodalité n'emportent aussi qu'une épée; mais si elle n'est funeste, elle sera inutile. Ils font gaiement les plus douloureux sacrifices au nom de l'honneur, donnant à ce qu'on appelle les lois de l'honneur, la plus inexacte signification. Ils quittent la patrie avec le dessein de revenir la combattre ; ils vont chercher le fléau de la guerre étrangère, avant d'avoir essayé de former un parti dans l'intérieur. Des milliers d'imposteurs, quelques journalistes insensés, les excitent et les trompent.

C'était dans l'intérieur même qu'il fallait déployer l'étendard de la fidélité. Au retour de Varennes (V. 21 juin), des mécontentements contre la démagogie percent déja dans toutes les provinces, et n'attendent qu'un appui pour éclater plus fortement; c'est alors même, que ceux dont elles pourraient recevoir cet appui, s'éloignent' en foule. Les provinces de l'ouest, y compris la Normandie et la Picardie, seront, après le 20 juin 1792 (V. à cette date les propositions de Liancourt), toutes prêtes à s'insurger; et cela, parce que l'émigration y aura fait moins de ravages. La guerre civile eût moins consommé d'hommes; elle eût prévenu la dégradation générale. La nation ne se fût pas précipitée dans la servitude, car la guerre civile, à la quelle les opprimés eussent eu recours, demande bien plus d'énergie que la guerre d'invasion; toutes les facultés de l'ame y sont mises en jeu. Alors l'insurrection de la Vendée eût précédé l'entrée en campagne des Prussiens; elle eût pu s'étendre; et si cette insurrection circonscrite dans trois ou quatre départements, ne doit pas laisser que de mettre la république en péril, à quelles extrémités ne la réduirait-elle pas, en se propageant dans la plupart des provinces? et c'est ce qui eût arrivé, si les principaux propriétaires n'avaient fui. Les prôneurs de l'émigration, en séduisant une multitude d'enthousiastes, ont facilité ces spoliations inouies, amené ce déluge de calamités qui vont couvrir la France. Celui qui déserte ses foyers menacés, semble renoncer à leur possession; il enhardit les assaillants. Un commandant de place l'évacue-t-il en voyant une troupe ennemie ? Qu'on ne s'y trompe pas, la guerre civile n'est ni le premier, ni le dernier des malheurs. Le plus grand de tous les fléaux est la dégradation morale des classes supérieures, dégradation qui provient

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