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des citadelles dans le sein des principales villes de l'intérieur, comme une ligne de forteresses sur la frontière.

Pendant le règne suivant, le char usé du despotisme roule dans les mêmes ornières. A mesure que la nation s'éclaire, la noblesse rétrécit ses petits préjugés. Des vœux pour la tolérance religieuse éclatent par-tout; Abbeville, Toulouse voient des meurtres judiciaires, véritables auto-da-fé. Les frêles rejetons de la féodalité s'étaient par des mésalliances; et cependant ils s'irritent de ce que ceux que Louis - le - Gros rendit citoyens, réclament encore après sept cents ans leur existence politique et la reconnaissance solennelle de leur droit de participer au vote de l'impôt dont presque seuls ils supportent le fardeau. La cour veut étouffer ce désir de bonheur dans les classes ascendantes; elle ne frappe de temps à autre quelques coups mal assurés qu'afin de prolonger les loisirs d'une mollesse invétérée. L'occasion paraît enfin, et des plus favo-' rables: elle est saisie, et l'ancien édifice s'écroule au premier coup de marteau. Dire donc que la révolution n'a pas été disposée depuis long-temps par les vices du gouvernement, par les prétentions désordonnées des corps privilégiés; c'est donner un démenti à toute l'histoire du règne de Louis XV. «Il n'est pas arrivé de grand changement, dit Bossuet, qui n'ait eu ses causes dans les siècles précédents. » Burke, le Bossuet de la politique, dit aussi (dans ses Lettres sur la Révolution française, p. 217): « Une révolution silencieuse dans le monde « moral devança la révolution politique, et la prépara. Il n'était plus question des grands et de la populace. Les classes mi<< toyennes s'étaient accrues bien au-delà de leur ancienne proportion. Comme tout ce qui est effectivement riche est grand dans la société, ces classes devinrent le siége de la politique active et le poids prépondérant pour en décider. « Là, se trouvaient toute l'énergie qui fit acquérir la fortune, a et tous les succès qui en proviennent; là, se faisaient remarquer tous les talents avec l'impatience de se mettre à la place que la société leur assigne. Ces hommes nouveaux s'interposaient entre les nobles et la classe inférieure, et agissaient presque seuls sur elle. Ils sentaient l'importance

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de leur position.» Peut-on, d'après cela, attribuer la révolution à telle ou telle circonstance, à un homme quelconque ?

Non, une révolution générale ne s'improvise point; elle n'éclate même qu'après une très-longue attente, beaucoup d'hésitations, de nombreuses tentatives partielles. La cloche qui sonna les Vêpres Siciliennes était-elle autre chose que le signal de ce massacre que depuis très-long-temps préparait la vengeance d'un peuple outragé? Les efforts du tiers-état se reproduisaient à chaque conjoncture : il avait aperçu ses droits, il voulait en jouir; ce n'est ici ni l'emportement du fanatisme religieux, ni l'effet d'une conjuration politique, ni une fougueuse et passagère émeute de prolétaires ; c'est l'élan de toute une nation qui se soulève par le mal-aise qui la tourmente. Le gouvernement apprécie la gravité des circonstances, la nécessité des concessions; mais ses plans sont incertains; son langage est positif et sa marche vacillante à chaque pas, il est retenu par des intrigues de cour, par les entraves des anciens abus, par la force des vieilles erreurs, par les inepties d'une étiquette surannée. Le Roi le plus éclairé par les théories, le plus instruit des détails de l'administration, le plus dévoué au bonheur général et le meilleur ami de son peuple, le plus doué de vertus privées, doute toujours de lui-même quand il se met en action, parce qu'il a toujours vécu dans le tabernacle de la royauté, environné de courtisans, seuls ministres du culte qu'ils font rendre au pouvoir.

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Bientôt, pour surmonter l'opposition inconsidérée de la cour, les fondateurs de la liberté appelleront le peuple lui-même; ils se fortifieront de sa puissance : la vertu sera imprudente parce que l'aristocratie est déraisonnable. Dès-lors, il ne s'agira plus d'effectuer des modifications utiles, convenables, d'amener un changement dans la situation de la nation; on se trouve entraîné au renversement de tout le système du gouvernement. Dèslors on franchit le but où tendaient Turgot, Malesherbes, Necker, Dupont de Nemours, Liancourt, Mounier, Malouet, Lally. Le peuple, cette arme si dangereuse, passe aussitôt aux mains des factieux. Elle leur échappera : des scélérats la ramas

seront. Le torrent de la révolution aura rompu toutes ses digues, et nulle force, nulle sagesse humaines ne pourront l'arrêter. A des temps d'exaltation et d'erreur, où l'on aura poursuivi des chimères politiques, succéderont des temps d'horribles injustices, de massacres, d'absolue tyrannie.

Aujourd'hui, l'opinion générale redressée par une si longue et si douloureuse expérience, ne se laissera plus abuser par des abstractions métaphysiques, ni séduire par le prestige des mots. La nation veut très-distinctement une liberté positive et pratique, dont la garantie repose sur un bon systême représentatif. Elle réclame des institutions fixes qui la mettent à l'abri des hasards de la légitimité héréditaire; car le génie ne se transmet pas avec la couronne: Louis XIII est venu de Henri IV; Louis-le-Débonnaire, de Charlemagne ; Robert, d'Hugues-Capet. L'ame comme le sceptre des trois fondateurs ne passa pas leurs descendants.

à

Veuille le Ciel, que tous les Français, entièrement rendus à d'aussi justes et salutaires idées, apprécient leur position! Qu'ils bénissent des institutions correspondant à leurs besoins; qu'ils s'attachent à la Charte, comme le peuple hébreu s'attachait aux préceptes réglementaires de Moïse; comme les Spartiates conservaient les établissements de Lycurgue, comme les Romains vénéraient les dispositions de Numa! En Angleterre, en Suède, en Suisse, chaque génération redouble d'affection pour les lois qui garantissent la liberté civile ; chaque génération désapprouve davantage les idées d'innovation. Aussi n'a-t-on vu, en 1818, aux élections de Londres, que 84 votants sur 15000, soutenir le démagogue Hunt. Quelles racines a donc jetées cette constitution, depuis un siècle et demi, puisque les classes moyennes d'une capitale de douze cent mille habitants, fournissent moins de misérables prêts à bouleverser les choses existantes, qu'il ne parut de princes, de prélats ou de grands seigneurs dans chacun des vingt ou trente soulèvements qui, depuis l'attentat d'Etienne Marcel, en 1358, remplirent Paris de crimes et de carnage? Lorsqu'en 1798, la nation anglaise, craignant les accidents possibles de l'invasion méditée par le gouvernement français,

parut soudainement et toute entière sous les armes, les hommes de la classe aisée voulurent défendre seuls la patrie. Ils refusèrent de s'associer les prolétaires. Nul ne pouvait faire partie d'un corps de volontaires et avoir le droit d'entrer dans leurs rangs, s'il n'était chef de maison ou s'il n'avait deux chefs de maison pour garants. Les Anglais tinrent en vigueur ce statut fondamental qui n'admet dans la milice que celui qui est en état de répondre de toutes ses actions. Quelle ne serait donc pas notre confiance, en cas d'invasion, si nous vivions sous les mêmes influences constitutionnelles, nous, qui vîmes, en 1793, les classes inférieures mues par une partie seulement des classes intermédiaires, préserver notre territoire, tandis que l'autre partie sommeillait dans un lache égoïsme, et lorsque la désertion des riches et les soulèvements de plusieurs villes ou provinces ouvraient mille portes à l'ennemi?

Chaque peuple, parmi les peuples dignes d'occuper la postérité, vit sa carrière troublée par des agitations intestines, et la discorde secouer ses torches en profanant la liberté. Il en est qui receuillirent de leurs déplorables combats, les éléments d'une prospérité durable; et nous sommes destinés à marcher sur leurs traces. La France s'était trouvée en 1789, sans aucune instruction préalable, saisie du droit de se gouverner; sachons donc apprécier l'avantage de ces connoissances positives qui nous empêcheront de retomber dans les précipices où nous avaient jetés, et notre folle précipitation, et notre aveugle ignorance.

De toutes les périodes de notre histoire, celle qu'il nous convient de parcourir avec le plus de soin et d'empressement, est incontestablement celle-là même qui renferme notre dernière révolution, et qui en est entièrement remplie. Le temps ressemble à un paysage où les objets les plus rapprochés interceptant presque tout l'espace, livrent au spectateur jusqu'aux moindres détails de leur configuration; tandis que les objets éloignés n'offrent que des masses réduites. Ainsi, les siècles reculés ne doivent pas être interrogés avec cette attention que nous demande le siècle qui nous a vu naître, et

qui nous transmet les informations les plus analogues à notre

existence.

Le grand nombre d'entre nous se retrace fort inexactement ou se rappelle à peine les prodigieux événements dont nous venons d'être si douloureusement témoins et victimes. Il importe cependant de les connaître, et de juger combien leur retour serait funeste, afin de le prévenir. En les parcourant, il est impossible de ne pas se pénétrer : que des formes précises et constantes de gouvernement, résultant d'une sage combinaison de pouvoirs, sont le plus grand bienfait que les hommes retirent de l'état de société.

Les agitations qui viennent de cesser, ont pris naissance, ou plutôt se sont annoncées avec gravité, dès la réunion de la première assemblée des notables, en février 1787. Cette circonstance peut être envisagée, comme le premier pas vers un systême représentatif, comme l'éclair précurseur de la révolution, dont les ravages, ou si l'on veut, les traces profondes ont existé jusqu'au mois de novembre 1818. Le dernier reflet de ce terrible phénomène n'a cessé d'être visible à l'horizon, qu'au moment où le dernier soldat de la confédération européenne a franchi la frontière du royaume. Alors, se fixe la roue de la fortune. En achevant son tour immense, elle semble remettre la France au point même du départ; si l'on ne considère que la surface du territoire continental qui formera le royaume de Louis XVIII.

Cette période convulsive de trente-deux années, se divise elle-même en six périodes secondaires.

PREMIERE Période.

Gouvernement de Louis XVI: commençant en 1787, finissant au 21 septembre 1792, jour de la première séance de la Convention nationale, du décret d'abolition de la royauté et de l'établissement de l'ère républicaine.

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SECONDE PÉériode. Gouvernement révolutionnaire: commençant au 21 septembre 1792, finissant au 26 octobre 1795, jour auquel la Convention se sépare et fait place au gouvernement établi par la Constitution, dite : de l'an 3.

TROISIÈME PÉriode. Gouvernement directorial: commen

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