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cheval; il faut la gravir à pied pendant quatre heures de marche pour arriver à sa cime. Lorsqu'on y est parvenu, on jouit d'un coup d'œil magnifique. On découvre aux bords de l'horizon, vers le nord-est, les sommets du Cragus, au nord la côte élevée de la Caramanie, au nord-ouest de petites îles semées dans l'Archipel, qui paraissent comme des points lumineux, au sud-ouest la tête du mont Ida, couronnée de nuages, au midi et au sud-est la vaste étendue des eaux qui baignent les côtes de l'Afrique. Au nord de l'île, non loin de la ville de Rhodes, est le mont Philerme, nom qui dérive de phileremos, qui aime la solitude; cette hauteur est voisine du vil lage de Trianda. On y voit une église consacrée à Notre-Dame de Philerme et un souterrain orné de fresques représentant des sujets religieux, dont la description se trouve dans la relation du colonel Rottiers (1). Au sud-est de la ville est la hauteur du Simboli, où la tradition place l'école de ces rhéteurs rhodiens dont l'enseignement eut tant de célébrité chez les anciens. L'ile de Rhodes n'a pas de cours d'eau navigable: le seul des ruisseaux qui l'arrosent auquel les anciens aient donné un nom est le Physcus, aujourd'hui la Gradura ou la Fisca, qui coule du nord au sud, et se jette dans la mer vers la côte orientale de l'île (2), Mais on voit dans les plaines et sur les coteaux de nombreuses sources trèsabondantes, qui entretiennent la fertilité du sol et font croître autour d'elles des bois touffus. La ville de Rhodes recevait les eaux de la fontaine Inessa, en l'honneur de laquelle les Rhodiens fondèrent une ville de ce nom en Sicile.

ANCIENNES VILLES ET LIEUX CELÈBRES DE L'ÎLE DE RHODES. - Les trois premières villes de l'île de Rhodes furent Lindos, Camiros et Jalyssos, dont Strabon attribue la fondation aux trois fils de Cercaphus. Celle d'Achoea, attribuée à Cercaphus lui-même, n'est attestee que par des traditions incertaines. On connaît l'emplacement des trois autres cités. Lindos était située sur la côte orientale, dans la région la plus âpre de l'ile. Les campagnes environnantes

(1) Monuments de Rhodes, p. 369. (2) Dell' Isola di Rodi., p. 14.

7 Livraison. (ILE DE CHYPRE.)

étaient couvertes de rochers. La vigne et le figuier y prospéraient; mais on ne pouvait ni labourer ni ensemencer ses champs rocailleux. Lindos etait célèbre par son temple de Minerve, dont la construction est attribuée à Cadmus ou a ses filles. Ce temple fut detruit sous le règne de l'empereur Arcadius, fils de Theodose le Grand. On en voit encore les ruines sur une colline élevée qui domine la mer. Les debris de ces murs sont composés d'énormes pierres, et appartiennent au style cyclopéen. Sur la cime la plus élevée du rocher on remarque les restes de la citadelle, ou acropole, de Lindos. Au temps des chevaliers il y avait à Lindos un château fort appartenant aux grands maîtres; on l'appelait Castello di Lindo. Sous les Turcs Lindo resta un village habité par des chrétiens fort riches, qui faisaient un grand commerce et avaient de très-bons navires. Cette prospérité a disparu depuis le temps de Dapper (1). Lindos est situé au pied de la montagne qu'occupait l'ancienne ville. Une baie spacieuse, qui s'avance au loin dans les terres, lui sert de port. Les vaisseaux y trouvent un bon mouillage, par huit et douze brasses. Ils y sont a l'abri des vents du sud-ouest, qui reguent dans la plus rude saison de l'année. Pres de Lindos était la région appelée Ixia et le port Ixus, où l'on adorait Apollon Ixien.

Camiros était située dans la partie occidentale de l'ile; c'etait une ville ouverte, non fortifiée; Strabon l'appelle un bourg,et Thucydide dit positivement que les Lacédémoniens s'en emparèrent sans peine au temps de la guerre du Péloponnèse, parce qu'elle n'était pas environnée de murailles. Les anciens donnaient à Camiros l'épithète d'Argilleuse. La divinité tutélaire de la ville était Junon Telchinienne. On y adorait le héros Althemène. Camiros n'est aujourd'hui qu'un misérable village.

Jalyssos a aussi presque entièrement disparu. Elle était située au nord de Camiros. C'était une ville forte,dominée par une acropole appelée par Strabon Ochyroma (2). On y avait élevé un tem

(1) Dapper, Description de l'Archipel, (2) Meursius, Rhodus, p. 25, c. 1x.

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ple à Junon, et aux Nymphes Telchiniennes. On y retrouve des masses de pierres renversées, derniers restes d'une des portes de l'antique Jalyssos, et çà et là, sur l'emplacement qu'elle occupait, on voit des blocs de marbre, des fragments de colonne et quelques débris de bas-reliefs dont le colonel Rottiers a donné les dessins(1). Les chevaliers de Rhodes ont exploité les ruines de cette ville et l'ont fouillée comme une carrière. Ils en ont enlevé de belles colonnes, qui ont servi à la décoration de l'église Saint-Jean. Ils y ont trouvé des statues, des inscriptions qu'ils envoyaient à leurs parents et à leurs amis d'Europe; les Vénitiens en ont fait autant dans tout l'Archipel. Peut-être y aurait-il encore à faire en cet endroit des fouilles productives.

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DESCRIPTION de l'ancienne VILLE DE RHODES. La ville de Rhodes fut fondée bien longtemps après les trois anciennes cités de Jalyssos, Camiros et Lindos. Vers la fin de la guerre du Peloponnèse les habitants de ces trois villes, réunis par l'intérêt commun, renoncèrent à former trois cités distinctes, et fondèrent la ville qu'ils appelerent Rhodes, du nom de l'île. Elle eut pour architecte Hippodamus de Milet, le même qui avait tracé le plan de la ville du Pirée (2). Strabon lui donne quatre-vingts stades, ou environ trois lieues de circuit. Le terrain était en pente, et la ville présentait l'aspect d'un amphithéâtre, d'où la vue s'étendait sur la mer et les côtes d'Asie. C'était une des plus belles villes de l'antiquité; et l'on admirait son emplacement, ses murailles, ses édifices publics, l'habile disposition de ces rues, la grandeur et la commodité de ses ports.« Dans l'intérieur de Rhodes, dit le rhéteur Aristide, on ne voyait point une petite maison à côté d'une grande. Toutes étaient d'une égale hauteur, et offraient le même ordre d'architecture, de manière que la ville entière ne semblait former qu'un seul édifice. Des rues fort larges la traversaient dans toute son étendue. Elles étaient percées avec tant d'art, que de chaque côté que l'on portât ses regards, l'inté

(1) Monuments de Rhodes, p. 384, et atlas, pl. 75.

(2) Meursius, Rhod., c. x, p. 27.

rieur paraissait superbement décoré. Les murs, dont la vaste enceinte était entrecoupée de tours d'une hauteur et d'une beauté surprenantes, excitaient surtout l'admiration. Leurs sommets élevés servaient de phare aux navigateurs. Telle était la magnificence de Rhodes, qu'à moins de l'avoir vue, l'imagination ne pouvait en concevoir l'idée. Toutes les parties de cette immense cité, liées entre elles par les plus belles proportions, composaient un ensemble parfait, dont les murs étaient la couronne. C'était la seule ville dont on pût dire, qu'elle était fortifiée comme une place de guerre et ornée comme un palais. »

La ville de Rhodes était située au nord de l'île, sur la pointe d'un promontoire qui s'avance vers l'orient. Elle était dominée par une vaste acropole, dont l'enceinte renfermait des champs cultivés et des bois. On y voyait une statue en or du dieu de la richesse, Plutus, à qui l'artiste avait donné des ailes et des yeux. Rhodes possédait encore d'autres temples magnifiques; celui du Soleil, principale divinité de la ville; celui de Bacchus, que décoraient des peintures de Protogè ne; le temple d'Isis, voisin des murailles. Ces trois temples que mentionnent les anciens n'étaient pas les seuls, puisque Dion Chrysostome prétend que les Rhodiens en avaient élevé à tous les dieux, avec un grand nombre de chapelles consacrées aux héros. Il y avait à Rhodes des theatres, des gymnases pour l'enseignement de la philosophie et des lettres, des stades pour la course et les exercices du corps. Tous ces édifices étaient ornés de peintures et de statues, dont Pline porte le nombre à trois mille. Rhodes avait plusieurs ports et de grands arsenaux. « Le navigateur qui y abordait dit Aristide (1), voyait avec étonnement plusieurs ports formés par des môles de pierre jetés bien avant dans la mer. L'un recevait les vaisseaux d'Ionie, l'autre ceux de Carie. Celui-ci offrait son abri aux flottes d'Égypte, de Chypre et de Phenicie, comme si chacun d'eux eût été fait exprès pour telle ville. Près de ces ports s'élevaient des arse

(1) Dans ses Rhodiaca, cité par Meursius,

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ILE DE RHODES.

naux dont l'imposante majesté étonnait les regards; si l'on considerait l'immen sité de leurs toits d'un lieu élevé, ils res semblaient à un vaste champ dont le terrain est incliné. » Il y a de l'exagération et de l'emphase dans le langage du rhé teur asiatique. Des historiens plus exacts et plus précis ne parlent que de deux ports, un grand et un petit, dont il est fait mention dans le récit du siége que la ville soutint contre Démétrius Polior cete. Cependant on reconnaît au sud de la ville l'emplacement d'un troisième port, qui est aujourd'hui presqu'à sec. L'entrée de quelques-uns de ses arsenaux était interdite sous peine de mort. On reconnaît dans cette terrible prohibition l'esprit des grandes républiques commerçantes. Carthage et Venise avaient dans leurs codes des rigueurs semblables. La ville était entourée de faubourgs, que les habitants détruisirent quand ils furent menacés d'un siege par Mithridate. C'était dans l'un d'eux que l'on admirait le célèbre tableau d'Ialysus du peintre Protogène dont nous reparlerons plus loin en detail. Toute la ville était remplie des chefs-d'œuvre de l'art antique, que les riches Rhodiens savaient généreusement payer aux grands artistes de la Grèce. « J'étais loge dans le quartier du temple de Bacchus, dit le voyageur de Lucien, et dans mes moments de loisir je parcourais la ville pour en examiner les monuments. De temps en temps je goûtais un plaisir exquis en me promenant sous les portiques du temple, et en contemplant les peintures admirables qui les decoraient. Ce spectacle avait d'autant plus d'attrait pour moi que je comprenais les sujets et que je repassais dans ma mémoire les fables héroïques qu'ils représentaient. »>

LA VILLE ACTuelle de Rhodes. La nouvelle ville de Rhodes occupe l'emplacement de l'ancienne; seulement elle est moins étendue. On n'y retrouve plus de vestiges de la cité grecque; temples, portiques, gymnases, statues, tableaux, tout a été enlevé ou détruit; tout a disparu. Et cependant cette ville est encore, telle qu'elle est, un intéressant débris du passé. Ce n'est plus la Grèce qu'elle rappelle; c'est une autre époque, dejà vieillie par les siècles, mais qui a laissé dans tous les souvenirs autant de

MICHIS Univesity

traces que l'antiquité elle-même. La actuelle de Rhodes date du temps de croisades et a été bâtie par les chevaliers de Saint-Jean. « Le moyen âge, dit M. d'Estournel, est resté à Rhodes avec tout son appareil guerrier, ses tourelles, ses créneaux, ses ogives, ses armoiries. Nous possédons chez nous quetques maisons de ce genre; mais une cite tout entiere, c'était un spectacle completement nouveau pour moi. Le port ou nous descendimes est borde de quais en grande partie ruines, et de longues murailies hérissées de meurtrières; une belle et haute tour carrée, crénelée, flanquée à son sommet de quatre tourillons, s'élève au-dessus des autres fortifications. Lors du siége elle s'appelait la tour Saint-Nicolas, et elle fut vaillamment defendue par un Castellane. Une fois les portes franchies, on pénetre à travers un assemblage de maisons bâties en pierre, à petites croisées carrées, à portes basses et eintrées, avec des trottoirs qui ne laissent entre eux qu'une voie étroite. Quelques rues mieux percées forment le quartier noble, le faubourg Saint-Germain de Rhodes. Une d'elles, la plus droite et la plus large, a conservé le nom de rue des Chevaliers; elle traverse la ville, aboutissant d'un côté à la mosquée, près de la porte du port, de l'autre à l'ancienne église patronale de Saint-Jean; les hôtels qui la bordent sont tels qu'ils étaient à la fin du quinzième siècle, dont la plupart portent la date. Seulement quelques balcons fermés ont été ajoutés aux fenêtres pour empêcher le jour et surtout les regards de s'introduire du dehors dans l'intérieur des chambres. Des créneaux, des petites tourelles, des gouttières en pierre s'avancent en saillie sur les façades; de longs câbles sculptés marquent la séparation des étages. Dans l'architecture des noms se sont conservés, qui maintenant ne représentent plus rien. Qu'est-ce dans nos maisons modernes qu'une croisée autour de laquelle règne un cordon? Un assemblage de vitres et des moulures alentour; mais les anciennes croisées représentaient exactement une croix, comme leur nom l'indique. La forme en fut adoptée à l'époque des croisades, et ce qu'on appela alors un cordon est bien réellement ce

câble que je retrouve ici dans les encadrements. Ce qui contribue surtout à l'ornement, c'est la profusion d'armoiries en pierre et en marbre blanc, qu'on aperçoit jusque sous les toits; quelque fois on voit réunir jusqu'à sept de ces écussons. La croix de l'ordre est partout, mais jamais seule ; la croix ancrée des d'Aubusson lui est accolée sur toutes les portes et les lieux les plus apparents, preuve évidente que la ville fut en grande partie reconstruite après le premier siége. On rencontre aussi fréquemment nos fleurs de lys. Les maisons ainsi décorées présentent à l'œil un blason complet, souvent avec des devises et des inscriptions en caractères gothiques (1). » La ville actuelle de Rhodes a deux ports celui qu'on rencontre le premier, en abordant par le nord, est le port des Galères, ainsi nommé parce qu'il servait d'abri aux sept galères que le pacha de l'île entretenait autrefois pour le service du grand seigneur. L'entrée de ce port est défendue par le fort Saint-Elme. Le grand port est appelé le port des Vaisseaux. Il est défendu par la tour SaintNicolas; au delà d'un môle couvert de moulins et terminé par la tour de SaintMichel, on aperçoit l'enceinte presque ensablée d'un troisième port qui doit avoir été abandonné depuis bien des siècles. La ville est encore entourée des fortifications derrière lesquelles les chevaliers soutinrent le siége de 1522. Sans doute cette enceinte avait grandement souffert par l'effet des mines et du canon des Turcs. Mais Soliman la fit rétablir dans l'état où elle était avant le siége; de sorte que l'on ne retrouve en aucun autre pays du monde une ville du quinzième siècle aussi bien conservée. Rhodes est là encore debout, telle qu'elle devait être lorsque les Turcs s'en emparèrent. Elle a dû à l'inaction et à l'indolence de ce peuple d'échapper à toutes les causes de transformation qui tous les jours métamorphosent les villes d'Europe. Elle est restée intacte sous le gouvernement inerte des musulmans, comme Pompéi et Herculanum sous la lave et les cendres du Vésuve (2). A part le dé

(1) Journal d'un Voy. en Orient, t. I, p. 153. (2) Michaud et Poujoulat, Correspondance d'Orient, t. IV, p. 13.

labrement de ces remparts, que le temps augmente tous les jours, rien n'a été changé dans leur construction; on n'y a pas dérangé une pierre ni comblé un fossé. Chaque bastion a conservé son nom. Ici c'est le bastion d'Angleterre, là celui d'Espagne et de Portugal, plus loin ceux de France, d'Italie, d'Auvergne, de Provence. Tout autour de la ville règne une longue suite de cimetières, hérissés de pierres levées, de dalles de marbre blanc, fichées en terre, quelques-unes chargées de versets du Coran et terminées par un turban grossièrement sculpté. Comme les Turcs ne renouvellent pas les sépultures dans leurs cimetières, ils s'étendent de jour en jour, et occupent autour de leurs villes d'immenses emplacements. La mort saisissant tous ceux qui ont vécu, la nécropole de Rhodes est bien plus vaste que la cité des vivants.

La ville se divise en deux parties, la ville haute vers l'orient, et la ville basse à l'ouest. Partout les rues sont étroites et tortueuses. La haute ville était le quartier réservé aux chevaliers. Le quartier des Juifs est à l'extrémité de la ville basse. Les ruines du palais des grands maîtres sont dans le haut de la rue des Chevaliers, près des fortifications. << Ce château, qui dominait autrefois la ville, la mer et les campagnes, dit un voyageur (1), n'est plus qu'un amas de dé combres, du milieu desquelles s'élèvent des murs flanqués de tourelles, dont les débris obstruent les cours et les salles; des restes de galerie, des arcades que le lierre enlace et soutient encore, servent d'abri à de tristes oiseaux qui s'échappent en criant et se replongent dans leur sombre repaire dès que le voyageur s'est éloigné ». « Cà et là on aperçoit les restes de ces grands édifices où les chevaliers de la même langue vivaient en commun, et qui portaient le nom d'auberge. Elles étaient jadis au nombre de huit, à cause des huit nations dont se composa l'ordre des Hospitaliers. Non loin des ruines du palais des grands maîtres on trouve celles de la loge Saint-Jean, qui occupe l'emplacement d'un temple de JupiterSauveur, où l'on recevait avec honneur

(1) M. Cottut, Revue des Deux Mondes, 1844, p. 815.

les étrangers de distinction et les ambassadeurs des États avec lesquels Rhodes entretenait des relations amicales (1). C'est la partie la plus élevée de la ville, qui de là descend en pente douce jusqu'au port. La loge SaintJean fut construite par Hélion de Villeneuve. C'était là que se réunissaient les chevaliers pour les conseils de guerre, les grandes délibérations: c'était là que se rendait le grand maître pour communiquer avec l'ordre, ou diriger les travaux dans les grands siéges que Rhodes eut à soutenir. Endom magée dans le dernier siége, la loge Saint-Jean a été de plus en plus dégradée par le temps, et dans quelques années il n'en restera plus rien. L'église Saint-Jean, ancienne cathédrale de la ville, est aujourd'hui la grande mosquée. Elle est de beaucoup inférieure pour la beauté et la richesse à l'église que le même ordre édifia plus tard dans l'île de Malte. Autrefois les Turcs en interdisaient l'entrée à tout étranger. Le colonel Rottiers prétend être le premier chrétien qui y ait pénétré depuis la conquête. C'est en 1825 qu'il visita l'île de Rhodes. Aujourd'hui l'antique église de Saint-Jean n'est plus fermée aux voyageurs. Elle a cent soixante pieds de long et cinquante-deux de large; les colonnes ont presque toutes des chapiteaux différents; leur diamètre est d'environ vingt-deux pouces. Elles ont été enlevées aux ruines d'anciens temples païens, et sous la chaux blanche dont les Turcs les ont recouvertes, on reconnaît qu'elles sont en beau granit oriental. La charpente qui soutient la toiture de la nef est toute parsemée d'étoiles d'or sur un fond d'azur. Cette église a été bâtie sur les plans d'Arnolfe, architecte de Florence : sa construction commença peu de temps après l'établissement des chevaliers dans l'île, car on rapporte que la première pierre en fut posée solennellement par Foulques de Villaret en 1310, le jour de la nativité de Saint-Jean-Baptiste, patron de l'ordre (2). Les autres églises de la ville, Sainte-Catherine, Saint-Pantaleon, Saint-Sauveur, Sainte-Marie-de-la-Vic

(1) Rottiers, Monuments de Rhodes, p. 285. (2) Rottiers, Id., p. 301.

toire, Saint-Cosme et Damien, SaintJean de la Fontaine sont tombées en ruines ou converties également en mosquées. Les couvents de Saint-François et de Saint-Augustin subsistent encore. On retrouve dans la rue des Juifs un vieux couvent de religieuses, la maison du grand commandeur, et le palais de justice de l'ordre. La porte qui donne accès dans la ville du côté du port s'appelle la porte Saint-George ou de Sainte-Catherine. A l'occident, vers la ville basse, est la porte Saint-Jean, et à l'orient, à la ville haute, la porte Saint-Michel, appelée aussi porte d'Amboise.

Les Turcs ne souffrent pas qu'aucun chrétien habite dans l'enceinte de Rhodes. Il en est de même à Constantinople. Le Pera de Rhodes est un grand village ouvert, situé au nord-ouest de la ville, dans le voisinage de la mer, et qui s'appelle Neochorio. Les Grecs y sont également relégués, ainsi qu'à Paximada, qui est le prolongement de Neochorio. Će faubourg est adossé à la hauteur factice élevée par les musulmans lors du siege qui mit Rhodes en leur pouvoir, et au delà de laquelle on aperçoit le sommet du mont Saint-Nicolas. Les consuls européens y ont tous leur résidence. En sortant de la ville par le côté opposé, on arrive au site de Simboli, dont le nom vient du mot ture zambulu, qui signifie hyacinthe. C'est une plateforme ombragée de beaux platanes, arrosée par une fontaine qui entretient en cet endroit une délicieuse fraîcheur. Là est le plus joli site des environs de Rhodes, qui généralement ne sont pas sans beauté. A l'ouest du mont Saint-Etienne s'étend la vallée qui servait de retraite au monstre que combattit le chevalier Gozon, et dont on voit le prétendu squelette suspendu sous la porte Sainte-Catherine. Au sud-ouest de la ville, à deux ou trois heures de chemin, sont les ruines qu'on appelle le vieux Rhodes. La route en est agréable; on suit longtemps le bord de la mer, puis on chemine entre de gros arbres touffus, chênes verts, oliviers, figuiers; on traverse le joli village de Trianda, dont les maisons sont en pierre et presque toutes uniformément ornées d'une petite tourelle à cul de lampe délicatement sculptée, genre de construction qui dénote une

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