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lait Rhodes, et elle était fille de Neptune et d'Halia, sœur des Telchines, que la légende rapportée par Diodore de Sicile donne comme la plus ancienne famille qui ait habité ce pays (1). Bochart veut que le nom de Rhodes soit phénicien d'origine, qu'il vienne de Gésirath-Rod, ce qui signifie dans la langue de ce peuple'île des serpents. Contentons-nous de l'étymologie grecque, qui fait dériver le nom de Rhodes du mot grec póòov; les Rhodiens la préférèrent à toute autre, et prirent la rose pour emblème, comme on le voit sur leurs monnaies, qui représentent d'un côté le soleil et de l'autre une rose épanouie (2).

POSITION, ÉTENDUE DE L'ÎLE DE RHODES.-L'île de Rhodes est située dans la mer Carpathienne, sous le 36° degré de latitude, et entre le 25o et le 26° degré de longitude à partir du méridien de Paris. Elle forme un ovale, qui s'allonge dans la direction du nord au sud, et dont la pointe septentrionale n'est séparée que par un canal d'environ trois lieues de largeur de la côte d'Asie dont l'île de Rhodes semble n'être qu'un fragment détaché. Sa longueur est d'environ vingt lieues de France, et sa plus grande largeur de sept à huit (3). Du reste, ses dimensions n'ont jamais été bien rigoureusement établies ni par les géographes anciens, ni même par les modernes. La côte d'Asie qui fait face à l'île de Rhodes était autrefois la Doride; elle appartenait à l'ancienne Carie, d'où se detachaient les deux presqu'îles que les anciens appelaient, l'une la péninsule de Cnide. l'autre la péninsule Rhodienne. Cette dernière s'avance dans la direction du sud, et correspond exactement au cap Saint-Étienne ou des Moulins, qui termine au nord l'ile

(1) Diod., V, 56.

(2) Au reste, cette conclusion n'est qu'une hypothèse. Il y en a qui voient dans la fleur des médailles rhodiennes la fleur du grenadier sauvage, appelée balaustium, dont on tirait une teinture de pourpre. D'autres la prennent pour l'héliotrope. En réalité elle ressemble plutôt à la fleur du grenadier domestique. Voy. Dapper, Descript., p. 526, dans un appendice sur les médailles des îles.

(3) Pline (Hist. Nat., V, 36) lui donne 125,000 pas de tour; il la place à 578,000 pas d'Alexandrie, et à 166,000 de l'ile de Chypre.

de Rhodes. L'autre s'écarte au loin vers l'ouest, et semble se confondre avec l'île de Cos, qui paraît en être le prolongement. A l'orient et au sud de l'île s'étend une mer vaste et solitaire, où l'œil se fatigue vainement à chercher à l'horizon les rivages de la Syrie et de l'Afrique. Au nord et à l'ouest le spectacle est plus varié; on aperçoit les cimes éclatantes des montagnes de la Doride et de la Lycie, et, au milieu des flots bleus de la mer de Carpathos, le groupe d'îles sur lesquelles Rhodes a longtemps régné, et dont plusieurs ne sont que des écueils stériles et inhabités. Les plus importantes d'entre ces îles, dont Rhodes a été comme la reine, sont Simia, l'ancienne Syme, qui touche presque à la Doride, Chalcis, Télos, Nisyros, aujourd'hui Chalci, Piscopia, Nisara; ces îles se succèdent les unes aux autres dans la direction de l'île de Cos, qui borne au nord-ouest l'horizon. Vers le sud-ouest, on voit se détacher du sein des flots l'île de Carpathos avec les îlots qui l'environnent, et au delà les pics élevés du mont Ida de l'île de Crète, qui forme vers le sud la barrière de l'Archipel.

AIR, CLIMAT, NATURE DU PAYS.

Le climat de l'île de Rhodes, tiède en hiver, rafraîchi pendant l'été par des brises régulières, son ciel si pur et si brillant, en font aujourd'hui, comme autrefois, le plus délicieux séjour (1). L'air y est extrêmement sain; rarement le ciel y est couvert de nuages, et on n'y voit jamais un jour entier sans soleil. Aussi l'île de Rhodes avait-elle été consacrée par les anciens au dieu de la lumière. Le culte d'Apollon y tenait la première place, comme celui d'Aphrodite en Cypre. Phoebus y avait des temples magnifiques; on y montrait son char, on y admirait son fameux colosse, qui était rangé parmi les merveilles du monde. Les poëtes latins lui ont souvent donné l'épithète de Clara, que l'on put entendre aussi bien de sa célébrité historique, que de la clarté du soleil qui l'éclaire. Le vers d'Horace

Laudabunt alii claram Rhodon....

était peut-être compris dans ce dernier sens par Lucain, quand il écrivait à son

(1) M. de Marcellus, Souvenirs de l'Orient, II, 268.

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Malgré l'éclat de son soleil, l'île de Rhodes n'est pas exposée à l'inconvénient des sécheresses et des chaleurs extraordinaires. Aussi, grâce à la douceur du climat, la végétation n'y est jamais interrompue, et la nature semble l'avoir dotée d'un printemps perpétuel. Ses coteaux, boisés, offrent un feuillage presque toujours verdoyant. De tout temps l'ile a exporté une grande quantité de bois de chauffage et de construction (1). Les plaines sont couvertes d'arbres fruitiers; on y recueille en abondance des raisins, des olives, des citrons, des oranges, des grenades, des figues et même des dattes. Le terroir, quoique fertile, est peu propre à la culture des céréales (2). Les pâturages y sont excellents, et peu vent nourrir de nombreux troupeaux. L'ile abondait autrefois en plantes médicinales et potagères; et il ne faudrait qu'un peu de travail et de culture pour lui rendre la prospérité qu'elle avait sous les anciens et sous le gouvernement des grands maîtres.

Malgré l'etat misérable de la population actuelle de l'île de Rhodes, et le deplorable abandon de ses campagnes, la nature y est si belle de ses propres œuvres, qu'on ne peut voir Rhodes sans admiration ni la quitter sans regret. C'est là le double sentiment exprimé dans presque tous les livres récemment publies sur la Grèce et l'Orient par nos touristes modernes, et où, à défaut de ces études solides qui demandent du temps et de la science, se trouvent racontées de vraies et spirituelles impressions de voyage. «En découvrant cette île charmante, dit M. d'Estourmel, je ne dirai pas que mon attente fut surpassée; car ce que j'attendais et ce que j'ai vu

(1) Pococke, Description de l'Orient, t. IV,

p. 208.

(2) L'ile ne fournissait pas assez de blé pour la consommation de ses habitants. « Includi se insula parvæ et sterilis agris littoribus, quæ nequaquam alere tantæ urbis populum posset.» Tite-Live, XLV, 25. Le commerce était indispensable à l'existence de sa nombreuse population.

n'ont aucun rapport. Mon œil, encore attristé de la nudité du sol de la Grèce, pouvait-il se flatter de rencontrer une si belle et si riche végétation! Toute l'enceinte d'Athènes ne m'avait offert que trois palmiers; ici ils croissaient en nombreux bouquets, couronnaient les hauteurs, et formaient une ceinture verte autour des murs de la ville..... Je suis de plus en plus enchanté de Rhodes. « Que

« serait-ce si vous l'aviez entendu ! » disait lisait en sa présence la harangue de Eschine, dans cette même île, quand on Démosthène, qui l'avait fait exiler d'Athènes. Que serait-ce si vous aviez vu que fois que j'entreprends de donner une Rhodes! suis-je aussi tenté de dire chaidée de cet agréable et curieux séjour (1). » Chez M. de Marcellus l'admiration est

encore plus vive, et s'élève jusqu'à l'enScio, triste victime des révolutions, n'est thousiasme. « Rhodes est l'île que j'aime. plus qu'un séjour de deuil. Lesbos, oubliée des voyageurs, est froide et sauvage; Chypre et Candie sont des royaumes plus que des îles: mais Rhodes est la rose de l'Archipel. Située vers la grande mer, comme une fleur détachée du rivage, Rhodes touche presque aux belles montagnes de la Cilicie, et s'avance dans elle est asiatique et européenne à la fois; les flots telle qu'une sentinelle vigilante; les vents familiers à ces parages y amenent de toutes parts, et elle devient la relâche obligée de tous les vaisseaux qui cinglent vers la Syrie ou l'Égypte..... Je le répète, Rhodes est ma terre favorite :

Ille terrarum mihi præter omnes
Angulus ridet.

C'est là que vont mes vœux et mes regrets. C'est là que je voudrais aborder, si le flot des révolutions doit me jeter loin de mon pays; et quel homme depuis cinquante ans n'a pas chaque jour mêlé cette triste prévision à ses rêveries! C'est là même sans révolutions que je voudrais revenir; il est si facile et si doux d'y vivre! Après tant d'années, je songe encore avec bonheur à la maison que j'y habitais, et que je n'hésitai pas à acheter, tant Rhodes s'était associée à mes chimères et me semblait devoir jouer un

(1) Journal d'un Voyage en Orient, par le comte Joseph d'Estourmel, t. II, p. 153, 166.

rôle dans mon avenir! Qui donc ne m'eût envié un tel asile (1). « Je ne connais au monde, dit M. de Lamartine, ni une plus belle position militaire maritime, ni un plus beau ciel, ni une terre plus riante et plus féconde.... Je regrette cette belle le comme une apparition qu'on voudrait ranimer, je m'y fixerais si elle était moins séparée du monde vivant, avec lequel la destinée et le devoir nous imposent la loi de vivre! Quelles délicieuses retraites aux flancs de hautes montagnes et sur ces gradins ombragés de tous les arbres de l'Asie! On m'y a montré une maison magnifique appar tenant à l'ancien pacha, entourée de trois grands et riches jardins baignés de fontaines abondantes, ornés de kiosques ravissants. On en demande 16,000 piastres de capital, c'est-à-dire 4,000 francs; voilà du bonheur à bon marché (2). » On le voit, tous les témoignages les plus récents sont unanimes; chacun exprime à sa manière l'admiration que lui inspire cette ile fortunée, et certes il n'y a rien de convenu ou de factice dans cette admiration. C'était aussi le sentiment des anciens euxmêmes, qui vivaient cependant sous un si beau climat, dans des contrées belles encore, malgré leur désolation actuelle; pour eux l'île de Rhodes était l'objet des plus vives prédilections. Alexandre le Grand voulait y établir sa mère Olympias; les grands de Rome aimaient à y vivre; on la choisissait pour lieu d'exil; Tibère y passa huit années, qui furent, sinon les plus heureuses, au moins les plus tranquilles de sa vie. Cet accord des anciens et des modernes à célébrer la beauté et les agréments de cette ile, et cela à la distance de tant de siècles et dans des conditions si dissemblables, prouve que Rhodes est réellement un des points de la terre les plus favorisés de la nature et les plus heureusement disposés pour le séjour des hommes.

TREMBLEMENTS DE TERRE ET INONDATIONS. Malgré tous ces avantages, l'île de Rhodes n'a pas toujours été à l'a bri de ces grands fléaux naturels qui bouleversent un pays et consternent les

(1) Souvenirs de l'Orient, par le vicomte de Marcellus, t. II, p. 268.

(2) M. de Lamartine, Foyage en Orient, OEuvr., t. VI, p. 152.

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ses

nations. Elle fut ravagée à différentes reprises par des tremblements de terre et par des inondations. Rhodes semble avoir été le produit d'une des dernières agitations volcaniques qui remuèrent le fond de la Méditerranée et qui donnèrent à ses îles et à ses rivages leur forme et leur état définitifs. Les anciens se souvenaient d'avoir vu naître l'île de Rhodes; et Pindare a recueilli l'antique légende qui racontait comment cette île s'était élevée du sein des flots pour venir offrir campagnes encore humides aux rayons fécondants du soleil. On a remarqué que les rochers voisins de la ville de Rhodes n'étaient qu'un amias de coquillages marins, incrustés dans un sable fin (1), preuve certaine que l'île, formée lentement par l'agglomération de ces coquilles au fond de la mer, a été ensuite lancée à la surface par une éruption volcanique. La même force qui a produit l'île de Rhodes pourrait bien la détruire, et l'histoire a conservé le souvenir des grands tremblements de terre qui en ont ébranlé les fondements. L'an 222 avant l'ère chrétienne, l'île fut violemment secouée par une agitation souterraine. Les murs de la ville s'écroulerent, le colosse tomba et fut brisé, les vaisseaux s'entre-choquèrent dans le port, et plusieurs y furent engloutis (2). Le désastre fut grand, mais l'activité des Rhodiens et les dons de tous les princes grecs de l'Asie, qui avaient intérêt à relever cette ville, si nécessaire à leur commerce, le réparèrent promptement. Le second tremblement de terre dont cette île fut affligée éclata sous le règne d'Antonin. Rhodes, Cos, plusieurs villes de la Carie et de la Lycie furent renversées et relevées aussitôt par la libéralité de l'empereur (3). Sous Constance, sous Anastase 1er le même fléau se renouvela encore, et causa ses ravages ordinaires. Depuis le cinquième siècle il n'est plus fait mention des tremblements de terre de l'ile de Rhodes (4).

(1) Voyez Revue des Deux Mondes, 1844, p. 809; L'ile de Rhodes, art. de M. Coitut. (2) Polyb., V, 88.

(3) Pausan., VIII, 43, 4.

(4) Au moment où j'écris ces lignes on lit dans les journaux du Levant, et surtout dans l'Impartial de Smyrne, en date du 6 mars,

Les anciennes inondations ont laissé aussi de terribles souvenirs. « Au temps des Telchines, dit Diodore de Sicile, FÎle était entièrement couverte par les eaux; le soleil la dessécha, la rendit féconde, et y établit les enfants qu'il avait eus de la nymphe Rhodos. » L'historien qui rapporte cette légende en donne aussi la véritable explication, quand il ajoute que le vrai sens de ce mythe est que le terrain de l'île était primitivement marécageux, que le soleil le dessécha, et qu'il rendit le pays fertile et habitable (1). Depuis ce déluge primitif, contemporain de la naissance même de l'île, Rhodes a subi plusieurs inondations, qui ont été pour elle de véritables calamites. La troisième et la plus désastreuse est celle de l'an 316 avant l'ère chrétienne. Elle fut produite par un orage effroyable qui s'abattit sur l'ile au printemps de cette année. Il tomba des torrents de pluie et une grêle d'une prodigieuse grosseur. Les grêlons étaient du poids d'une mine (436 grammes) et même plus gros; en tombant ils détruisaient les maisons et tuaient les hommes et les animaux. Comme la ville de Rhodes était bâtie en amphithéâtre, les eaux se réunirent en un point et toutes les parties basses furent inondées. On était sur la fin de l'hiver, et on avait négligé de nettoyer les canaux pratiqués pour l'écoulement des eaux. Aussi la ville se remplissaitelle comme un vaste bassin; les habitants, épouvantés, se réfugiaient sur les navires, ou dans les édifices des hauts quartiers. Lorsque tout à coup la pression des eaux renversa un vaste pan de nuraille, et cette ouverture favorisa leur écoulement. Rhodes fut dégagée en peu de temps, et tout rentra dans l'état habituel; mais un grand nombre d'édifices avaient été endommages, et ce désastre avait coûté la vie à plus de cinq cents personnes (2). Telle est la force terrible des orages qui fondent quelquefois sur I'lle de Rhodes.

des détails circonstantiés relatifs à un tremblement de terre qui vient de causer de grands désastres dans l'ile de Rhodes et sur le continent, à Macri. La secousse principale a eu lieu le 28 février 1851.

(1) Diodor., V, 56. (2) Diod., XIX, 45.

Un autre fléau, non moins funeste, vient encore de temps en temps s'abattre sur ses campagnes. Ce sont des sauterelles, que le vent du sud lui apporte d'Afrique. En 1815 elles dévorèrent presque toutes les récoltes. Du temps des chevaliers, quand la population de l'île était nombreuse, à l'approche du fléau, que l'on apercevait de loin comme un nuage noir, on s'assemblait sur la côte en pous. sant des cris et en frappant sur des us. tensiles de cuivre. On parvenait quelquefois à épouvanter les sauterelles, qui evitalent d'aborder au rivage, et passaient à côté de l'ile; ensuite, épuisées de fatigue et toujours poussées par le vent, elles allaient s'abimer dans les flots (1). Aujourd'hui, que l'ile a moins d'habitants, les sauterelles la dévastent tout à leur aise. PRINCIPALES PRODUCTIONS DER HO

DES.

L'ile de Rhodes n'était ni aussi étendue ni aussi féconde que l'ile de Chypre. Elle dut son importance et sa célébrité plutôt au courage et à l'activité de ses habitants qu'à ses richesses naturelles. Cependant on recherchait avec empressement quelques produits qui lui étaient particuliers. Certaines denrées rhodiennes, comme on les appelait, étaient préférées à toutes les autres du même genre. La colle de Rhodes était la plus recherchée des peintres et des médecins. Selon Pline, le cyperus de Rhodes était fort estimé. On appelle cyperus (souchet, cyperus longus) une sorte de jone dont la racine ressemble à une olive noire et est d'un grand usage en médecine. Le cyperus le plus recher ché chez les anciens était celui du pays d'Ammon, en second lieu celui de Rhodes, en troisième celui de Théra, en quatrième celui d'Egypte (2). Pline et Athénée font mention d'un certain onguent de Rhodes qu'ils appellent unguentum crocinum, c'est-à-dire onguent safrané. L'ile de Rhodes produisait une espèce de raisin fort renommée, que Virgile a chantée dans ses Géorgiques (3),

Non ego te, dis et mensis accepta secundis, Transierim, Rhodia, et tumidis, Bumaste, [ racemis.

(1) Rottiers, Monuments de Rhodes, p. 33. (2) Pline, Hist. Nat., XXI, 70 1; Meursius, Rhod., p. 76 et suiv.

(3) Virg., Georg., II, 106.

Le vin de Rhodes était estimé l'égal du vin de Cos; il flattait agréablement le goût et l'odorat. La poix de Rhodes était aussi recherchée que celle du mont Ida; les fruits de cette île étaient excellents. Elles produisait des figues noires et trèssucculentes (1). Le caroubier y est trèsabondant. Le pécher y fleurissait, selon Pline et Théophraste, mais sans produire de fruits. Théophraste parle des palmiers de l'île de Rhodes, que l'on entourait de fumier et qu'on arrosait avec soin. Parmi les produits empruntés au règne minéral, on remarquait le vert de gris, la céruse, la craie, des marbres de diverses couleurs et des agathes. On y trouvait une terre bitumineuse appelée ampelites. On la détrempait dans de l'huile, et on en frottait les ceps pour détruire les vers qui rongent la vigne.

On y pêchait des huîtres, des éponges, plus douces que celles d'Afrique, et le coquillage qui fournit la pourpre. La mer qui l'environne était très-abondante en poissons; un ancien auteur, cité par Athénée, donne à cette île l'épithète de poissonneuse. On recherchait surtout l'élops, que Pline met sur la même ligne que les loups du Tibre, qu'on pêchait entre les deux ponts, le turbot de Ravenne, et la murène de Sicile (2). Mais la plupart de ces poissons ne se prenaient que sur les côtes; car l'île ne possédait qu'une petite rivière, qui n'était pas même navigable, et des ruisseaux souvent à sec. Pline nous apprend que les coqs de Rhodes étaient extrêmement bravés, et ne naissaient que pour la guerre et de perpétuels combats. Ils étaient grands et forts,chargés de chairs et de graisse, peu propres à la reproduction. Les poules de Rhodes pondaient peu, et étaient fort lentes et paresseuses à couver et à élever leurs poussins. On ne voyait point d'aigle dans l'île du Soleil. Aussi Suétone a-t-il mentionné comme un prodige l'apparition d'un aigle qui vint se percher sur la maison qu'habitait Tibère, dans l'île de Rhodes, quelques jours avant son retour en Italie (3). C'était, dit-il, comme le présage de sa Prochaine élévation à l'empire.

(1) Pline, XV, 19, 2. (2) Id., IX, 79, 2. (3) Suet., Tiber., 14.

GÉOGRAPHIE PHYSIQUE DE L'ÎLE DE RHODES. Rhodes est la plus grande des îles grecques voisines de l'Asie, après Cypre et Lesbos. Elle se termine au nord vers la côte de Carie, par une pointe basse et sablonneuse qui est le prolongement du mont Saint-Étienne, et que les géographes modernes ont nommée cap des moulins (1). A côté, vers l'ouest, se trouve le promontoire de Pan, aujourd'hui cap Saint-Antoine. A l'extrémité méridionale de l'île était le cap Milantia aujourd'hui cap Tranquille, qui touche presque à la petite île de Cordylusa, appelée maintenant île de Sainte-Catherine. Dapper et Coronelli placent sur la côte orientale de l'île le cap Bo, à trois lieues au sud de Rhodes, le cap Lindo et le cap Saint-Jean, et à l'occident le cap Candura ou Cavallero. L'intérieur de l'île est couvert de montagnes qui courent dans la direction du nord au sud, et qui forment deux versants tournés l'un à l'ouest, l'autre à l'orient. Le sommet le plus élevé de l'île est le mont Atabyrius, sur lequel Althémène, contraint de quitter la Crète, éleva un temple à Jupiter Atabyrien. On y voyait aussi un temple de Minerve. Du haut de cette montagne on aperçoit non-seulement la Crète, mais même, dit-on, l'île de Chypre (2). Une tradition rapporte qu'on voyait sur le mont Atabyrius deux boeufs de bronze, l'un tourné vers l'orient, l'autre vers l'occident, dont les mugissements se faisaient entendre quand l'île était menacée d'un grand malheur; ce qui nous fait comprendre qu'il y avait un oracle dans le temple de Jupiter Atabyrien. On fait venir le nom de cette montagne d'Atabyrius, ancien roi telchine de l'île ; d'autres en font un mot phénicien, semblable à celui du mont Thabor. La plus haute montagne qui s'élève au centre de l'île s'appelle aujourd'hui Artémira. C'est très-probablement là qu'il faut chercher le mont Atabyris. On se trompe évidemment quand on le place au mont Philerme. Artémira est fort escarpée dit Savary (3); on ne peut y monter

(1) Coronelli, Isola di Rodi, p. 13. (2) Meursius, Rhodus, c. viii, p. 22. (3) Savary, Lettres sur la Grèce, p. 86, 1788.

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