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dont les abus avaient provoqué ce soulèvement. Les campagnes étaient à la merci d'Halil et de sa bande, et les villes éprouvaient de continuelles alarmes. Alors les principaux habitants de l'île résolurent d'employer les consuls européens comme médiateurs entre le gouvernement et les séditieux. Ils s'adressèrent d'abord au consul français; mais celui-ci s'en dé fendit, alléguant que le roi son maître lui avait défendu d'intervenir dans aucune atfaire qui n'aurait point de rapport avec les fonctions dont il était chargé. Alors ils jetèrent les yeux sur le consul anglais, qui se chargea de la négociation, mais sans pouvoir rien conclure.

Le consul ang ais ayant retiré sa médiation, les hostilités recommencèrent, et les rebelles reparurent sous les murs de Nicosie. Cette affaire durait depuis deux ans, et l'insouciance du gouvernement ture lui avait laissé prendre une certaine gravité. A la fin le sultan prit des mesures vigoureuses, et le 27 juin 1766 on vit débarquer à la rale des Salines KiorMahamed, pacha à deux queues, avec plusieurs vaisseaux de guerre et une petite armée de deux mille cinq cents hommes. Le même jour arrivait à Famagouste un certain Ghierghilousght, gouverneur de Selefki dans la Caramanie, qui se hâtait d'accourir, avec une bande de féroces Caramaniens, au pillage de l'île de Chypre. Le pacha força ce brigand à se ranger sous son commandement; mais il ne put l'empêcher de commettre d'affreux ravages. Après avoir pris connaissance de l'état des choses, le pacha marcha vers Nicosie, où il trouva Halil à la tête de cinq mille hommes, qui paraissaient résolus à bien combattre. Mais une amnistie accordée par Mahamed à ceux qui se retireraient en dispersa le plus grand nombre; il ne resta autour d'Halil que deux cents hommes déterminés, avec lesquels il se jette dans la citadelle de Cérines, où tous jurèrent de tenir jusqu'à la dernière extrémité. Ils s'y défendirent bravement, firent éprouver de grandes pertes a l'armée du pacha. Mais Halil, attiré dans un piege, fut livré à Mahamed; la citadelle se rendit le même jour. Halil fut étranglé; on coupa deux cents têtes, la tranquillité fut rétablie, et l'ile de Chypre retomba, plus calme et plus miserable que jamais, sous le

gouvernement de ses muhtassits (1).

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TROUBLES DE L'ÎLE DE CHYPRE AU DIX-NEUVIÈME SIÈCLE; SANGLANT COUP D'ÉTAT de KoutchoUK-MÉHÉMET. Le clergé grec avait conservé dans l'île de Chypre une influence qui ne fut abaissée qu'à la suite des graves événements dont toutes les contrées habitées par la race hellénique furent le théâtre au commencement de ce siècle. L'archevêque de Nicosie, investi du titre de raia-vekili, représentant des raïas avait attiré à lui presque toute l'autorité administrative, et non-seulement il s'était rendu indépendant des muhassils, mais il decidait la plupart du temps de leur choix et de leur revocation. De son palais l'archevêque administrait l'île entière, nommait aux emplois de tous les districts, arrêtait le chiffre des im positions annuelles, envoyait les som mes fixées par le bail à ferme de l'île au grand vizir ou au trésor impérial. Des avantages, concédés à propos, attachaient les agas turcs à la conservation de son pouvoir, et tous les habitants de l'ile, Tures et Grecs, le regardaient comme le véritable gouverneur, et s'ha bituaient à ne plus tenir compte du mu hassil. La toute-puissance des archevêques de Nicosie parvint à son apogée sous les règnes de Selim III et de Mous tapha, prédécesseurs immédiats du sultan Mahmoud, et ne fut ébranlée qu'ati commencement du dix-neuvième siècle, en 1804, par un mouvement insurrectionnel des Turcs, prélude de la catastrophe sanglante qui devait l'anéantir. Les Turcs établis dans l'île de Chypre étaient profondément blessés de se voir tombés sous la dépendance de ceux qu'ils avaient autrefois assujettis. La population turque de Nicosie et des campagnes environnantes, émue par le bruit vrai ou faux de l'insuffisance des approvisionnements nécessaires à la subsistance de l'île, se souleva contre l'autorité ecclésiastique de qui tout dépendait, et fut un instant maîtresse de Nicosie. L'arrivée de deux pachas d'Asie Mineure, avec des forces respectables, l'intervention, toujours respectée, des consuls de France, d'Angleterre et de Russie, qui

(1) Mariti, Foyage dans l'ile de Chy pre, etc., t. I, p. 161 et suiv.

l'archevêque Kyprianos proteste de son attachement à la paix, de sa soumission au gouvernement du grand seigneur. Koutchouk-Méhémet persiste a inventer un complot, persuade de son existence le grand vizir, qui était peut-être de moitié dans le stratagème, et qui permet au gouverneur de faire un exemple par le châtiment rigoureux des chefs. Libre d'agir, Koutchouk-Méhémet ordonna, le 21 juillet 1823, d'arrêter l'ar chevêque et les trois evêques de l'l'e. On les conduisit au sérail, et à peine fu

étaient alors MM. Regnault, Péristiani et Callimeri, apaisèrent cette effervescence passagère, et les choses parurent reprendre leur cours accoutumé. Mais les intrigues des agas turcs contre les primats grecs ne se ralentirent pas, et aboutirent, en 1823, à un coup d'Etat sanglant qui mit fin à l'administration des muhassils, renversa l'autorité du clergé grec et rétablit le pouvoir entre les mains des pachas. L'archevêque Ky prianos occupait alors le siége de Nicosie, et le gouvernement de l'ile était depuis 1820 entre les mains de Kout-rent-ils entrés, qu'ils furent massacrés chouk-Méhémet, homme impérieux et dissimule, que le capitan-pacha avait choisi à dessein pour ruiner l'influence du primat gree. Les circonstances devinrent bientôt favorables à l'exécution de ce projet. Les premières insurrections de la Moldavie et du Péloponnèse, qui avaient éclaté peu après I arrivee de Koutchouk-Méhémet en Chypre, en inspirant les plus vives craintes au gouvernement ottoman, autorisaient toutes les mesures que pouvaient prendre ses agents pour contenir les raias dans les provinces où ils ne s'étaient pas insurgés. Or, les Grecs de l'île de Chypre étaient restés tout à fait étrangers au mouvement national qui avait soulevé les autres i es et le continent de la Grèce. « Ce n'était pas eux qui criaient à la tyrannie et qui songeaient à prendre les armes; c'étaient les Tures, impatients de l'asservissement dans lequel les primats les tenaient depuis une cinquantaine d'années; c'était pour eux que se préparaient la réaction et l'affranchissement (1). » En effet, Koutchouk-Méhémet, sous prétexte de contenir la population grecque, qui ne demandait qu'à rester tranquille, et en réalité pour ressaisir le pouvoir, fait venir des montagnes de l'Anti Liban des bandes d'Arabes, de Bédouins et de brigands Ansariés, et les disperse dans l'ile. Les Grecs, frappés de terreur, se laissent désarmer pour ôter tout prétexte au soupçon:

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par les janissaires. Les primats grees, appelés ensuite, avant que le meurtre des prelats eût transpire, éprouverent le même sort. On ouvrit alors les portes du palais, et l'on jeta sur la place leurs cadavres sanglants. Ce fut le signal d'un massacre general Le couvent de Phaneromeni fut aussitôt investi et ses papas égorgés. On m'a dit, ajoute M de MasLatrie, qu'avant de les massacrer, les Turcs, par un raffinement inouï de vengeance, avaient selle les papas comme des chevaux, leur brisant les dents pour introduire un mors dans la bouche, et les forçant à caracoler sous leurs éperons. Les maisons grecques furent livrées au pillage. Les massacres se renouvelèrent dans toutes les provinces de l'ile; les spoliations vinrent ensuite. Pendant six mois ce fut une terreur universelle parmi la population grecque. Les paysans se sauvaient dans les bois ou en Caramanie; les primats, les prétres, les Grecs aisés échappés aux janissaires se réfugièrent à Larnaca, sous la protection des consuls européens. La plupart passèrent en Italie et en France, et il y a peu de familles grecques chez qui le nom de Marseille ou de Venise ne réveille encore, après plus de vingt ans écoulés depuis son retour dans l'île, d'attendrissantes émotions de reconnaissance. Tel fut pour l'ile de Chypre le funeste contre-coup de la révolution qui, en affranchissant la Grèce continentale et les Cyclades, renouvela toutes les rigueurs de l'occupation musulmane pour les contrées qui restèrent condamnées à la servitude.

ÉTAT ACTUEL DE L'ILE DE CHYPRE -Cette belle et malheureuse île, disait Mariti au siècle dernier, ne se remettra ja

mais des désastres qu'elle souffre depuis tant d'années, si elle continue d'être vendue au plus offrant et au dernier enchérisseur. En effet, quel que fût le titre des gouverneurs qu'on lui imposait, pachas ou muhassils, l'île de Chypre était toujours une ferme qu'on leur donnait à exploiter sans contrôle, et elle alla végétant et s'appauvrissant d'année en année jusqu'aux innovations du dernier sultan. Il faut rendre cette justice aux derniers maîtres de l'empire ottoman, que depuis longtemps ils ont reconnu les vices et les dangers de l'inintelligent despotisme de leurs prédécesseurs, et qu'ils ont entrepris une lutte courageuse contre les abus invétérés qui menaçaient d'entraîner la ruine de leur domination. Vers la fin de l'année 1838, un firman du sultan Mahmoud étendit à l'île de Chypre le nouveau mode de gouvernement qu'il cherchait à introduire dans tous ses pachaliks. Ce firman abolit le fermage de l'île, et décréta qu'elle serait à l'avenir gouvernée par un fonctionnaire à appointements fixes, qui verserait au trésor impérial la totalité des impôts perçus, et ne pourrait plus rien extorquer des habitants. Le nouveau régime fut inauguré dans l'île par OsmanPacha, homme de guerre habile et dévoué, dont la présence en Chypre parut nécessaire pour surveiller Méhémet-Ali, qui venait de se déclarer indépendant et d'enlever la Syrie à la Porte. Le firman de Mahmoud inaugurait un système de réformes administratives qu'Abdul-Medjid a complété en 1839 par le hatti-scheriff de Gulhané, et qui a commencé une ère nouvelle pour l'île de Chypre et pour la Turquie tout entière. Sans doute il ne suffit pas de décréter une réforme pour changer la face d'un pays et guérir les maux dont il est travaillé en Turquie surtout, les mœurs publiques opposent de nombreux obstacles à l'application sincère de ces nouveaux procédés administratifs, tant le Turc est habitué à l'arbitraire du despotisme et le raïa à l'avilissement de la servitude; mais il faut tout attendre de la volonté persévérante des sultans et de l'influence salutaire des principes civilisateurs acceptés et proclamés par le gouvernement ottoman; car, selon la remarque judicieuse de M. de Mas-La

trie, dans un pays où l'autorité souveraine conserve encore son prestige sacré, tout ce que veulent le prince et son gouvernement devient possible.

Depuis la nouvelle organisation (1), le gouverneur de Chypre porte le titre de kaimakan, lieutenant du sultan, et reçoit par mois un traitement de 40,000 piastres, ou 120,000 francs par an. Il est pris indistinctement dans l'armée, dans les services civils, ou parmi les employés supérieurs des ministères à Constantinople; et, quel que soit son rang, pacha, effendi ou aga, les Chypriotes ont l'habitude de lui donner le nom de pacha. Toute l'autorité civile, l'administration financière et le pouvoir exécutif sont concentrés en ses mains. Il a au-dessous de lui, et à sa nomination, douze zabits ou lieutenants administrant chacun des douze districts de l'ile, de concert avec un démogéronte ou khodja-bachi, choisi par les Grecs de la circonscription. Un conseil, que l'on appelle divan ou choura, assiste le pacha à Nicosie dans l'expédition des affaires et la répartition des impôts. Ce conseil tient à la fois de notre conseil d'État, de la cour des comptes, et de la cour de cassation. Les huit membres qui le composent sont le mufti, chef de la religion et interprète de la loi musulmane; le mollah, qui est le cadi ou juge de Nicosie; le commandant des forces militaires, lorsqu'il y a par occasion des troupes dans l'île; les principaux agas turcs de la capitale; l'archevêque grec, et l'un des trois démogérontes élus par les Grecs, dont ils sont les représentants vis-à-vis de l'autorité supérieure. Un délégué des Arméniens est

(1) J'emprunte tous ces renseignements aux lettres adressées au ministre de l'instruction publique par M. de Mas-Latrie et insérées dans les Archives des Missions scienti fiques, mars 1850. Je n'aurai pas toujours des

documents aussi exacts ni aussi récents sur les iles dont l'histoire formera ce recueil : ceux que je dois aux publications de M. de Mas-Latrie me seront d'autant plus précieux. Comme la situation sociale et administrative des îles turques est presque partout la mème, ce que nous disons ici de l'ile de Chypre s'applique en général à toutes les autres. Ab una disce omnes. Je reproduis en l'abrégeaut la lettre de M. de Mas-Lastrie.

admis au choura, pour défendre les intérêts de ses coreligionnaires; les Maronites attendent cette faveur, que la France a demandée pour eux.

Les contributions versées annuellement au trésor du grand seigneur par l'ile de Chypre s'élèvent environ à la somme de quatre millions de piastres ou un million de francs. Les sources de ce revenu sont : 1° le khorach, impôt personnel à la charge exclusive des raïas, grees, maronites et arméniens; 2o le miri, impôt prelevé sur la fortune présumée des contribuables tures ou raïas: ceux-ci en payent injustement les quatre cinquièmes depuis les événements de 1823, bien que leur nombre, double seulement de celui des Turcs, ne dût leur en faire attribuer que les deux tiers; 3o le bail à ferme des douanes de l'île; 4o le fermage des salines de Larnaca et de Limassol; 5° une dîme perçue sur la récolte de la soie et du fermage des différents fiefs ou terres domaniales réservées au grand seigneur dès la conquête de l'île.

La justice est rendue dans chaque district aux Turcs et aux Grecs par un cadi turc; mais certaines causes sont soumises au mufti de Nicosie, et décidées par ses fetwas ou interprétations. Les Grecs dependent encore des tribunaux de leurs évêques pour toutes les questions de foi, de morale et d'état civil, comme les mariages et les cas de divorce, très-fréquents dans l'île. Les cadis n'admettent pas le témoignage des raïas des qu'un musulman est impliqué dans le procès, quel qu'en soit l'objet. Cette procédure, commune à tout l'empire, et qui a son analogue, du reste, dans la législation des croisés, finira par être réformée, tant elle est rigoureuse. On appelle du jugement des cadis à la décision du choura, et dans les questions réservées aux évêques les Grecs peuvent recourir en second ressort à la sentence de l'archevêque.

L'Église de Chypre est divisée en quatre dioceses, qui sont : l'archevêche de Nicosie ou Leukosia, comme disent les Grecs, capitale de l'île, et les évêchés de Larnaca, de Kérinia ou Cérines, de Baffo, l'ancienne Paphos, et de Limassol ou Limisso. Le diocèse de Nicosie, plus grand de moitié que les autres,

fournit à l'archevêque un revenu annuel de 240,000 piastres turques, ou 60,000 francs. Les sources des rentes archiépiscopales sont : 1° la contribution prélevee sur toutes les églises du diocèse, proportionnellement à leurs revenus particuliers; 2° les redevances dues par ses vingt-sept couvents ou benefices; 3o la dime payée par les paysans; 4o le tribut payé par chaque village pour le prix d'une messe pontificale que l'archevêque y va célébrer chaque année; 5o la perception d'un talari (5 francs) pour chaque mariage célébré dans le diocese; 6° enfin le droit de dispenses, si souvent nécessaires dans l'Eglise grecque pour cause de parenté ou de divorce. Chaque évêque preleve des droits analogues dans les limites de son ressort; mais l'étendue du diocèse de Nicosie, qui comprend, outre la ville de ce nom, les districts du Karpas, de la Messorée, de Kythréa et d'Orini, donne à l'archevêque un revenu double au moins de celui de ses suffragants. Outre ces rentes, l'archevêque reçoit encore les redevances en nature qu'apportent les Grecs, quand ils viennent à Nicosie, où l'archevêché est leur caravansérail, et les sommes assez fortes que payent les papas pour recevoir l'ordination, car la simonie la plus deplorable regne toujours dans l'Eglise grecque.

Après avoir assujetti toutes les provinces de l'empire byzantin, les Tures respectèrent la position acquise par le clergé, qui continua à être, apres comme avant la conquête, le corps le plus considéré de la nation. De sorte que les évêques des raïas grecs ont conservé, sous le despotisme tutélaire des Turcs, des prérogatives qui rappellent l'ancienne puissance de l'Église, et qui ne leur ont point été laissées dans la Grèce indépendante. Le clergé grec du royaume fondé par l'affranchissement des Hellènes n'occupe dans l'État, organisé sous l'influence des idées européennes, que la place modeste et secondaire du clergé latin dans la plupart des États catholiques. En Turquie, où l'on a peu d'instincts novateurs, où, par goût pour l'immobilité, on laisse se perpétuer le bien comme le mal, l'Eglise grecque a conservé à peu près la situation qu'elle avait au moyen âge, au temps de la conquête. L'archevêque de Nicosie est resté

indépendant de tout patriarche, même de celui de Constantinople, chef de l'Église d'Orient. Comme celui-ci, il porte la pourpre; et quand il officie, il est accompagné d'un lévite portant le chandelier à deux branches. Au lieu de crosse, il a une canne à pomme d'or, comme les anciens empereurs grecs; il signe toujours à l'encre rouge, et conserve pour sceau l'aigle impériale à deux têtes. Ces priviléges datent du temps de l'empereur Zenon, vers 475, qui l'accordà à Tevêque de Salamine, à l'occasion de la découverte des reliques de saint Barnabé. Ils furent confirmés et étendus par les souverains pontifes, lors de la translation du siège de Famagouste à Nicosie, sous le règne de Guy de Lusignan.

L'archevêque est nommé directement par la Porte, qui consulte rarement dans ses choix le chapitre de Nicosie; mais les chapitres diocésains ont le droit de nommer leurs évêques, sans la sanction de l'archevêque. Leur élection une fois agréée par le gouvernement turc, ils sont sacrés par l'archevêque, et entrent alors dans l'exercice de leurs fonctions; chaque évêque a, comme le métropolitain, trois grands vicaires, un exarque, chargé du recouvrement des dîmes et des autres revenus de l'évêché, un archimandrite, chef des prêtres, un archidiacre, chef des diacres, préposés tous les deux a l'admiuistration du diocèse. Les chapitres des trois évéchés réunis ont ensemble cinquante membres environ, chanoines, vicaires, diacres ou autres dignitaires; le chapitre de Nicosie, a lui seul, est aussi nombreux. Près de quatre cents caloyers, moines, bénéficiaires ou servants, obeissant à quatre-vingt-trois higoumènes, chefs de monastere, et douze cents papas ou prêtres séculiers, répartis dans l'ile, forment, avec les chapitres, un clergé de plus de dix-sept cents membres pour une population grecque d'environ soixante-quinze mille âmes. Les caloyers font vou de célibat ; et c'est presque toujours parmi eux que l'on prend les hauts dignitaires du clergé seculier, nécessairement célibataires ou veufs. Les papas, la plupart mariés et misérables, sont obligés de cultiver la terre ou de se livrer à quelque petit métier pour entretenir leurs enfants: j'en ai trouvé souvent dans les villages, dit M. de Mas-Latrie, gardant

les pourceaux, tissant leur coton, ou faisant des souliers. Leur instruction est entièrement nulle; car tout homme est apte à devenir papas, pourvu qu'il sache lire couramment dans un bréviaire.

Tout est négligé et languissant dans l'île de Chypre; l'agriculture et le commerce y sont bien peu de chose, l'industrie y est à peu près nulle. Les Chypriotes ont à leur disposition un million d'hectares de terres, presque toutes cultivables. Ils n'en exploitent pas au delà de soixante-cinq mille hectares. Ils cultivent les terrains les plus rapprochés de leurs villages; les champs éloignés sont abandonnés, et restent des déserts incultes. Les principaux produits de l'agriculture dans l'île de Chypre sont : le blé et l'orge, le tabac, le coton, la garance, la soie, les caroubes, le sel, l'huile et les vius. D'après les documents recueillis par M. de Mas-Latrie aux consulats de France et de Sardaigne, on peut établir ainsi la quotité annuelle des divers produits de l'ile de Chypre (1) :

(1) On voit par le tableau suivant qu'il n'est plus question du cuivre parmi les produits de l'ile de Chypre. Ses vins sont encore très-renommés. On en distingue ciuq qualités: 1° les vins noirs ordinaires, dont les meilleurs se récoltent à Ghouri, à Palæochori, à Omodos, aux environs de Limassol, sur le Machera; 2° les vins ordinaires roussâtres, qui se trouvent à peu près dans les mêmes localités : les uns et les autres sout capiteux, et ont une forte odeur de goudron, parce que les paysans les conservent dans des outres ou des barils goudronnés : ces vins communs se bruent ou s'exportent à Alexandrie, jamais en Europe; 3° parmi les vins de luxe le plus estimé est le fameux vin de commanderie, qui se récolte dans le district de Limassol, au nord de Kolossi, ancienne commanderie des hospitaliers; roux quand il sort du pressoit, ce vin se clarifie, et prend une couleur topaze, qui devient toujours plus limpide jusqu'à la huitième ou neuvième année; ensuite il se fouce successivement, et sa teinte, d'abord grenat, comme celle du Malaga, passe presque au noir quand il est extrêmement vieux le vin est alors visqueux, épais et plein de force : c'est un excellent stomachique; 4o le muscat est plus doux que le précédent et moins recherché, quoique de très-bonne qualité; 5o le morocanella, moins doux que le muscat, est un excellent vin, mais assez rare: on n'er récolte qu'en très-petite quautité.

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