Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

heureuse; Meionis, par allusion peut être à une colonie de Méoniens qui s'y serait établie dans les temps anciens; Ophiusa, l'fle des Serpents; Paphos, nom d'une ville étendu à l'île entière; Sphekeia, l'île des Guêpes, et Tharsis, nom phénicien qui rappelle celui de Tartessus, et qui paraît signifier la terre des métaux (1). Mais les deux noms seuls usités chez les anciens, et seuls historiques, sont ceux de Kiltim et de Kypros, dont il importe de rechercher l'origine et la signification.

Le nom primitif de l'île de Chypre était celui de Kittim ou Chétim. Tous les pays de l'antiquité portèrent d'abord le nom de la première famille ou tribu qui les occupa. C'était en imposant son nom au sol que l'homme signifiait qu'il en avait pris possession, et l'île de Chypre reçut le sien de ses premiers habitants. « Chétim, fils de Javan, fils de Japhet, dit Josèphe (2), s'établit dans l'ile qu'on nomme maintenant Cypre, à laquelle il donna son nom; d'où vient que les Hébreux nomment Chétim toutes les iles et tous les lieux maritimes. Et encore aujourd'hui une des villes de l'île de Cypre est nommée Citium par ceux qui imposent des noms grecs à toutes choses; ce qui diffère peu du nom de Chétim.» Les Pheniciens, ces descendants de Chanaan, qui donnèrent aussi à l'ile de Chypre la plus grande partie de sa population primitive, ne la designèrent jamais autrement que par les noms de Kittim ou de Chetim. On n'en connaissait pas d'autre dans toute l'Asie occidentale. Au contraire le nom de Kypros est le seul dont les Grecs se soient servis historiquement dès les temps d'Homère et d'Hesiode. « Isidore et Honorius prétendent qu'elle ait reçu ce nom d'une grande et ancienne ville qu'il y avoit autrefois. Quelques autres veulent qu'elle en soit redevable à la déesse Venus, adorée sous celui de Cypris par ses anciens habitants. D'autres soutiennent qu'on en doit rapporter l'origine à la fille de Cinyras, premier roi de cette ile, appelée Cyprus. On pourroit dire avec plus de vraisemblance qu'elle fut appelée ainsi à cause de la grande quantité

(1) Pline, Hist. Nat., V, 35.
(2) Jos., Ant. Jud., I, 7.

de cuivre que ses premiers habitants y trouvèrent, puisque c'est dans ce même sens qu'elle fut nommée Erosa du mot latin Æs, qui signifie du cuivre, de même que cuprum (1). » Or, aucune de ces étymologies ne ramène le nom de Cypre à sa véritable source. Le mot grec Kypros, d'où il dérive évidemment, ne signifie ni cuivre ni cyprès, comme on l'a prétendu quelquefois : c'est le nom d'un arbuste que les Phéniciens et les Hébreux appelaient kopher, mot d'où les Grecs ont tiré celui de kypros, qui est formé des mêmes éléments. De la fleur et du fruit de cet arbuste on composait des huiles et des parfums très-recherchés, qui dans l'antiquité, comme dans les temps modernes, étaient un important article de commerce. Tout porte à croire que les Grecs, qui négociaient avec les Pheniciens de l'île de Kittim, prirent l'habitude de la désigner par le nom de la plante qui produisait un de ses principaux objets d'exportation. Ce fut là qu'ils apprirent à connaître le kypros; et ils appelèrent l'île de son nom, de même qu'ils avaient donné à l'île de Rhodes le nom de la rose, qui y croît en abondance. Voilà l'explication la plus vraisemblable de l'origine du nom de l'île de Chypre elle était admise par les anciens eux-mêmes, et a été recueillie par Etienne de Byzance, d'après lequel sans doute Eustathe l'a répétée (2). Ce nom de Kypros ou Cyprus, employé par les Grecs et les Latins, a passé dans toutes les langues de l'Europe moderne. Les Allemands et les Flamands, dit Dapper, prononcent et écrivent Cyprus (bien que les premiers em ploient quelquefois le mot de Cypres }, les Italiens Cipro et les Français Cypre. Les Arabes nonment cette fle Cupris, et la plupart des Turcs Kibris. Depuis Dapper Torthographe de ce nom s'est modifiée dans notre langue. Fénelon n'e» crit jamais que le mot Cypre. Le traducteur de Dapper, de 1702, écrit de même. Le traducteur du Voyage de l'abbé Mariti, dont le livre parut en 1791, ne se sert jamais que du mot de Chypre, dont l'usage a tout à fait prévalu de nos jours. Il est à croire que même au dix-sep

[blocks in formation]
[ocr errors]

ILE DE CHYPRE.

tième siècle, au temps où l'on écrivait
toujours Cypre, la prononciation de ce
mot se rapprochait de la prononciation
italienne, et qu'en modifiant l'orthogra-
phe on n'a fait que la mettre en confor-
mité avec le son du langage (1).

POSITION GEOGRAPHIQUE ET DI-
MENSIONS DE L'ILE DE CHYPRE.
L'ile de Chypre est située dans la partie
la plus orientale de la Mediterranée,
entre le golfe de Pamphylie (golfe de Sat-
talie) et le golfe d Issus (goife d'Alexan-
drette), la mer de Syrie et la mer d'E-
gyp'e (2). Sa chaîne principale court dans
une direction parallèle à celle des mon-
tagnes de la Cilicie, dont elle est séparée
par un canal de quinze lieues de lar-
geur (Aulon Cilicius). L'ile de Chypre
s'étend a peu près du 30° au 32° degré
de longitude et du 34° 26' au 35°, 30° de-
gre de latitude. Elle forme un triangle
allongé, à côtes inégaux, dont les trois
sommets sont le cap Dinaretum à l'est,
le cap Acamas à l'ouest, et le cap Curias
au sud. Le côté le plus considerable est
celui du nord, qui court de l'ouest à l'est,
avec une légere inclinaison vers le nord, et
qui est compris entre le cap Acamas (cap
Saint-Epiphane) (3) et le cap Dinarete
(cap de Saint-Andre). De cette côte septen-
trionale se détachent deux promontoires,
le cap Callinusa à l'ouest (cap d'Alexan-
drette, ou de Limnito selon Dapper) et le
cap Krommyon à l'est (aujourd'hui eap

(1) Nous nous conformerons à l'usage ordi-
naire eu nous servant du mot Chypre pour l'his-
toire moderne, et toutes les fois que nous par-
lerons de l'ile en general. Mais il nous parait
plus conforme à la verité historique de con-
server l'ancienne orthographe et d'écrire Cy-
pre en traitant spécialement de l'histoire an-
cienne de cette ile.

(2) Danville, Mémoire sur la geographie de l'ile de Cypre (Academ, des Inscr., XXXII, p. 525); Manuert, Geogr. d. Alten., VI, P. 548.

(3) Capo di Sant-Epiphanio, communément capo di San-Pifani. Dans l'atles catalan du quator zieme siecle, publié par MM. Buchon et Tastu dans la Collection des notices et manuscrits, t. XIV, p. 104, ce cap est appelé Sancti-Bifani, et le cap Saint-André est appele cavo Sancto-André. Les noms de la géographie moderne de l'ile de Chypre viennent des Italiens et des Catalans, qui étaient maitres du commerce du Levant au moyen âge.

Cormachitti, Cornaquito dans l'Atlas
catalan). Le côté sud-ouest, qui s'étend
du cap Acamos au cap Curias (cap Della-
Grea), est le plus petit des trois. C'est un
rivage decoupé en baies nombreuses et hé-
risse de plusieurs promontoires, qui sont
dans la geographie ancienne les caps
Drepane, Zephyrium, Arsinoé et Treta
ou Phrurium, aujourd'hui cap Drapano,
Chelidonio, cap Blanc, et cap des Chats
(Biancho, delle Gatte). Le troisieme côté,
tourne vers le sud-est, moins grand que
le premier, mais beaucoup plus etendu
que le second, est compris entre les caps
Curias et Dinarete, et projette au loin
dans la mer le cap que Ptolemiée appelle
Thronoï, et qui est probablement le cap
Pila. Les anciens n'ont pas eu de notions
bien exactes sur l'étendue de l'ile de
Chypre; ils la regardaient comme une
des plus grandes iles connues de leur
temps; mais ils la plaçaient tantôt la cin-
quieme, tantôt là sixième ou même la
dixième dans l'ordre des grandeurs (1).
Strabon évalue le pourtour de Vile, en
suivant toutes les sinuosites, à trois mille
quatre cents stades (2), ce qui fait quatre-
vingt-cinq lieues et demie. Le grand
côté de l'ile a, selon Strabon, quatorze
cents stades ou trente-cinq lieues de lon-
gueur. Danville ne lui donne que trente-
deux lieues et demie. On comprend qu'on
ne peut donner à ce sujet que des éva-
luations approximatives. Les calculs les
plus récents, qui eux-mêmes ne sont
point encore d'une rigueur absolue, don-
nent à l'ile de Chypre une superficie de
cinq cent vingt lieues carrées, ou d'un
million d'hectares (3).

MONTAGNES.-L'lle de Chypre est traversée par deux principales chaines de montagnes que les anciens avaient confondues et désignées par le même nom.

(1) Voy. Engel, Histoire de Chypre, t. I, p. 28. Un seul geographe, Agathemerus, établit exactement le rapport d'étendue des iles de la Mediterranee. Il les classe ainsi : Sicile, Sardaigne, Cypre et Crète.

(2) Strabon, 1. XIV, 6; Tauch., III, 241. (3) Voir dans les Archives des Missions, 1850. p. 161, ou dans le Bulletin de la Société de Geographie, une notice sur la situation actuelle de l'ile de Chypre et sur la cons. truction d'une carte de l'ile par M. de MasLatrie,

Ils les appelaient toutes deux le mont Olympe. La plus considérable de ces deux chaînes s'étend, dans la direction de l'est à l'ouest, depuis le cap Thronoï jusqu'au promontoire Acamas: elle coupe I'lle en deux versants, dont l'un a sa pente vers le nord, c'est le plus considérable, et l'autre, de moindre étendue, forme la région méridionale de l'tle. De cette chaîne centrale, qui renferme le sommet le plus élevé de l'île, le mont Olympe proprement dit, et dont une partie s'appelait l'Aous, se détachent de nom. breux contre-forts, qui vont projeter vers le rivage, dans le canal de Cilicie ou dans la mer d'Égypte, les promontoires dont nous avons énuméré les plus considérables; ces rameaux détachés de la chaîne centrale divisent l'ile de Chypre en bassins d'une médiocre étendue, qu'arrosent de petits cours d'eau, dont quelques-uns ne sont que des torrents. L'autre chaîne forme le prolongement septentrional de l'ile; elle commence au cap Krommyon et aboutit au cap Dinarète, vers l'orient. Dans une grande partie de sa longueur, cette chaine longe le rivage, et se compose de rochers escarpés, coupés à pic, qui de ce côté rendent l'ile inabordable. Entre ces deux chaînes principales s'étend vers l'orient la grande plaine de la Messaria ou Messarée, qui compte soixante-dix-huit milles de longueur sur trente de large, et qui a toujours été la contrée la plus riche et la plus puissante de l'île entière. Les pics culminants du système orographique de l'île de Chypre portent aujourd'hui les noms de Kantara, Saint-Hilarion, Stavro-Vouni ou mont de la Croix, Troodos et Machera; mais on n'en connaît pas exactement la hauteur. Cependant M. de Mas-Latrie, à la suite d'observations barométriques faites récemment, a trouvé, sauf erreur de sa part, dit-il, que le Saint-Hilarion est élevé de 709 mètres, ou 2,129 pieds au-dessus du niveau de la mer (1). C'est ajoute-t-il, à peu près les deux tiers de la hauteur du Vésuve et la moitié du Puy-de-Dôme. Le sommet appelé Troodos ou Throdos (2) paraît correspondre

(1) Archives des Missions, année 1850, p. 180.

(2) Dapper l'appelle Trochodos et Trobodos, p. 26.

à l'Olympe des anciens poëtes et géogrȧphes. Le paganisme consacrait les hautes montagnes à ses dieux. On avait élevé sur celle-ci un temple à Vénus-Olympienne. Les chrétiens le remplacèrent par une chapelle dédiée à saint Michel-Archange, et les pentes de la montagne se couvrirent de couvents grecs. Le Stavro-Vouni, voisin des salines et de Larnaca, près de la côte méridionale, avait été consacré à Jupiter. La tradition rapportait que l'impératrice Hélène, mère de Constantin, avait élevé sur cette hauteur une chapelle où elle déposa un morceau de la vraie croix. Jean Locke, voyageur anglais, qui visita Jérusalem en 1553, donne une description détaillée de cette relique. Aujourd'hui l'occupation des Turcs a transformé ces montagnes en déserts, et a fait disparaître tous ces monuments de la piété du moyen âge.

FLEUVES, TORRENTS.-L'île de Chypre est arrosée par un grand nombre de cours d'eau. Mais la plupart ne sont que des torrents, dont le lit, même en hiver, est presque entièrement desséché, et cela par l'extrême rareté des pluies. Le ciel y est pour ainsi dire d'airain, selon Mariti, et les historiens assurent qu'au temps de Constantin il s'écoula trente années sans que l'île ait été arrosée par la pluie. Si d'un côté l'île est exposée à l'inconvénient des sécheresses prolongées, de l'autre elle est quelquefois exposée à de terribles inondations. « La nuit du dix novembre, veille de Saint-Martin 1330, dit Loredano, la rivière qui passe à Nicosie crut d'une telle force qu'elle inonda non-seulement les endroits les plus bas de la ville, mais encore ceux que l'on croyait par leur situation être le plus en sûreté. Les eaux, arrêtées par un pont, menaçaient de tout engloutir; mais ce pont fut entraîné par le torrent, et sa chute facilita l'écoulement des eaux. Il y eut néanmoins quantité de maisons renversées et bon nombre de personnes entraînées par le torrent. Cette inondation dura trois jours; la ville de Limassol fut entièrement détruite, et il y périt deux mille personnes. Les habitants des campagnes s'étaient retirés sur les hauteurs, d'où ils voyaient au loin les eaux engloutir et entraîner leurs bestiaux et leurs chaumières. » Le cours d'eau le plus considérable de l'île est cette ri

vière qui passe à Nicosie, et que les anciens appelaient le Pedicos, qui arrose la Messarée, la plus vaste et la plus fertile plaine de l'île de Chypre. Le Pedimos coule de l'ouest à l'est, et se jette dans le golfe de Salamine. Sur la côte septentrionale on remarquait le Lapithos, près de la ville de ce nom, et le Clarios, qui coule à l'ouest de la ville de Soli. Le rivage meridional était arrosé, outre de nombreux torrents, par le Tétios, à l'ouest de Citium, le Lycos entre Amathonte et Curium, et le Bokaros entre les deux villes de Paphos.

AIR, CLIMAT, TEMPERATURE.-Le climat, la température de l'île de Chypre ont beaucoup d'analogie avec ceux des régions qui l'avoisinent. Elle a les grandes chaleurs de la Syrie, les vents violents et la sécheresse de la CilicieTrachée, inconvénients dont il est souvent fait mention dans les anciens (1), mais que compensent les douces brises de la mer et les fraîches rosées de la nuit. Dans l'été les habitants de l'lle vont chercher la fraîcheur sur les montagnes, en hiver ils redescendent sur les côtes et dans les vallées. En effet dans cette saison le froid y est plus sensible qu'on ne pourrait le croire d'après la position du pays, surtout dans la partie nord, qui reçoit les vents glacés du Taurus et des côtes de la Caramanie. Les sommets de la chaîne de l'Olympe restent longtemps couverts de neige. Les anciens pretendent que l'air de l'ile de Chypre est mauvais et malsain. On allegue en preuve de cette assertion, la contagion qui fondit sur l'armee de saint Louis, lors de son passage en cette île l'an 1259. Ceux qui ont longtemps habité Chypre sont d'un avis contraire; et voici comment s'exprime à ce sujet l'abbé Mariti (2). « Les fièvres tierces et quartes sont, il est vrai, très-fréquentes et tresopiniâtres à Chypre et dans tout le Levant; mais les causes n'en sont pas dans la malignité de l'air. Il est d'ailleurs

(1) Martial, IX, 91,9. Infamem nimio calore Cyprum; Solin, c. xx: Incitatissimus calor. Daus les Argonautiques attribuées à Orphée elle est appelée vεμósσσa, v. 1290. Cf. Engel, Kypros, p. 31.

facile de les éviter. J'ai souffert pendant dix mois entiers de cette maladie mon expérience peut être utile à d'autres, je vais en conséquence entrer dans quelques détails à ce sujet. Je ne tardai pas à m'apercevoir que je donnais lieu moi-même aux rechutes qui prolongerent ma fièvre si longtemps. La chaleur excessive du climat entretient une transpiration abondante et continuelle : si l'on a l'imprudence de s'exposer dans cet état au moindre vent, les pores se resserrent, et il en résulte une suppression de transpiration qui est infailliblement suivie de la fièvre (1). Une autre cause encore, ce sont les liqueurs fortes et l'usage immodéré de certains fruits, et particulièrement du concombre, de la pastèque et du melon. Les naturels même du pays échappent rarement, et surtout en été, à cette espèce d'epidémie; mais ils se contentent d'une légère saignée, laissent agir la nature, et guérissent sans remède, sans régime, et avec la seule attention de se priver de fruits. Cette méthode, je l'avoue, ne suffirait pas aux Européens. La maladie exige de leur part un peu plus de soin. Elle n'est pas sans danger; on ne le prévient que par un régime austère et soutenu. L'exercice du cheval est encore un remède que les Turcs et les Grecs emploient avec succès, au moins pour empêcher les obstructions occasionnées par cette sorte de fievre. Ces derniers quelquefois, las et ennuyés de la constante opiniâtreté du mal, prennent au moment où le frisson annonce son retour, un grand verre de l'excellent vin de Chypre, et ce remède agréable est un de ceux qui réussissent le mieux. »>

A Chypre, comme dans presque toutes les contrées du Levant, les pluies sont périodiques. Elles commencent vers la mi-octobre, et continuent par intervalle jusqu'à la fin de janvier. Février est moins pluvieux, dit l'abbé Mariti (2), et

(1) C'est à dessein que j'ai reproduit ce passage, qui contient d'utiles conseils. Tous ceux qui ont voyagé dans le Levant reconnaîtront la justesse de ces observations, que j'ai plus d'une fois vérifiée par ma propre expérience ou par celle de mes collègues de l'école française d'Athènes.

(2) Voyage dans l'ile de Chypre, etc., t. I,

(2) Voyage dans l'ile de Chypre, etc., t. I, p. 5. P. 265.

quelquefois offre un ciel sans nuages; mais les eaux recommencent avec force vers le milieu de mars jusqu'à la fin d'avril. Les pluies cessent en mai, et sont suivies de douces rosées qui entretien nent la fraîcheur, activent la végétation, en tempérant les chaleurs de juin. Ce mois écoulé, il ne faut plus attendre ni rosées ni pluies; un ciel brûlant dessèche et appauvrit la terre, et épuise le cultivateur par une excessive transpiration. Ces chaleurs, dont l'intensité augmente de plus en plus, seraient insupportables si l'air n'etait rafraîchi par ce vent bienfaisant qui vient de la mer et tempère les ardeurs du climat sur toutes les côtes de la Méditerranée. Il s'appelle l'embat à Chypre, comme sur tous les autres rivages grecs (1). Le vent cesse de souffler vers le milieu de septembre, et alors commencent les plus fortes chaleurs; mais elles durent peu, et sont tempérées par les nuages pluvieux qui couvrent l'atmosphère vers la fin d'octobre. Ainsi en été le vent du sud est rafraîchissant, parce qu'il s'élève de la mer. Au contraire, le vent du nord entraîne avec lui des vapeurs malsaines et brûlantes. C'est le vent qui vient de l'Asie Mineure. Légèrement rafraîchi par la mer qu'il a traversé, il est moins incommode sur la côte nord de l'ile; mais il est aussi malfaisant qu'insupportable pour les habitants de la région méridionale, où il apporte avec lui la chaleur des terres sèches et brûlantes qu'il a parcourues en franchissant la chaîne de l'Olympe (2). Si par malheur ce vent souffle sept ou huit jours de suite, tous les fruits sont brûlés, les plantes séchées et flétries jusqu'à leurs racines, et la récolte de l'année est anéantie. De là vient que la disette se fait souvent sentir dans cette île, malgré la fertilité, la bonne qualité des terres.

(1) L'enbat, τὸ ἔμβατι, de ἐμβαίνω οτι ἐμ64. C'est le vent qui introduit ou qui s'introduit dans le port, qui envahit la terre. C'est toujours, par conséquent, le vent de mer. Ily a un embat au Pirée, et dans toutes les îles grecques; mais ce nom ne s'applique pas aux vents tumultueux et de tempète, il est réservé aux vents réglés qui soufflent de mer.

(2) De même à Athenes, le vent du nord qui a traversé l'Eubée, la Diacrie et les cimes arides du Parnes et du Pentélique ne procure aucun rafraichissement, malgré sa violence.

Les vents brûlants et la sécheresse sont les deux fléaux du paysan cypriote (1). PRODUCTIONS DE L'ILE DE CHYPRE. Les anciens voyaient l'île de Chypre plus peuplée, mieux cultivée, plus prospère qu'elle ne nous apparaît aujourd'hui sous la déplorable administration des Turcs. Aussi pretendaient-ils, et cela pourrait être encore vrai de nos jours, qu'il n'y avait pas de pays plus fertile et plus riche en productions naturelles. Les approvisionnements y sont encore à si bon marché, que les navires de commerce ont l'habitude de relâcher à Larnaca, où ils se ravitaillent à peu de frais (2). Ammien-Marcellin exprime d'une manière bien sensible la variété et l'abondance des produits de l'île de Chypre, quand il dit qu'on peut y trouver tous les matériaux nécessaires pour construire un vaisseau depuis la quille jusqu'aux voiles, et le lancer en mer chargé de toutes sortes de provisions récoltées dans l'ile même.

MINÉRAUX. Cette assertion n'a rien d'exagéré; on peut s'en convaincre par une énumération rapide des principales richesses naturelles de l'île de Chypre. Le cuivre était le métal le plus employé par l'industrie des anciens. Chypre était si renommée par ses mines de cuivre, qu'on l'avait surnommée Erosa. Le cuivre de Chypre était le plus estimé dans l'antiquité, où il est souvent fait mention du χαλκός κύπριος, de las cyprium. Ce métal enfin s'appela chez les Latins du nom de l'île où il était si abondant et de si bonne qualité; ils le nommèrent cuprum, et notre mot cuivre en dérive. Selon la tradition (3), le héros Cinyras avait le premier découvert et exploité ces mines de cuivre, dont les plus considérables se trouvaient près de Tamassus, d'Amathonte de Soli, de Curion et sur le Crommyon. On y trouvait aussi du fer, mais en moins grande quantité. Pococke a vu dans les environs de Paphos et de Soli des mines de fer creusées dans les montagnes, ainsi que

[merged small][ocr errors][merged small]
« ZurückWeiter »