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glise de Mitylène étant sans pasteur, par la mort de Dorothée, le pape Eugène IV nomma à sa place Léonard de Chio. Deux ans plus tard le même pontife lui donna pour mission d'aller auprès de l'empereur Constantin, que des liens de famille rattachaient, comme nous l'avons dit, au prince de Lesbos, renouveler et confirmer l'alliance des deux Églises Grecque et Latine, conclue au concile de Florence. Il était trop tard. Cette réunion, opérée le 12 décembre 1452, n'arrivait plus à temps pour empêcher Mahomet II d'anéantir l'empire de Constantinople, qui avait refusé jusque là les secours de l'Occident. Après la prise de la capitale de l'empire, Léonard se réfugia à Chio, d'où il envoya au pape le récit authentique des événements auxquels il avait assisté. Il revint à Lesbos, et y resta jusqu'à la prise de l'île par les Turcs. Il n'attendit pas longtemps.

A l'avénement de Mahomet II (1451) les ambassadeurs de Mételin, comme ceux de Rhodes et de Chio, étaient venus le féliciter à Andrinople (1). Le 30 juin 1455, Doria Gateluzio, prince de Lesbos, mourut. Le 1er août suivant l'historien Ducas, qui tenait un rang considérable à la cour de Mételin, partit pour porter au sultan et les tributs de l'année pour les îles de Lesbos et de Lemnos, et les hommages du nouveau prince. Admis tout d'abord à l'audience, il obtint la faveur de baiser la main du sultan et de s'asseoir en face de lui jusqu'à ce qu'il eût achevé de dîner. Les vizirs comptèrent l'argent qu'il apportait, puis, feignant d'ignorer la mort du vieux prince de Metelin, ils s'informèrent de sa santé.a Elle est bonne, répondit Ducas, et il vous salue. Nous parlons, dirent les vizirs, du vieillard. Mais, repartit Ducas, il y a quarante jours qu'il est mort. Le prince actuel est depuis six ans reconnu. Son père, épuisé par la maladie, lui avait dès lors et spontanément confié les affaires; et il a eu déjà l'honneur deux fois d'apporter à Constantinople ses adorations au grand sultan. » Et les vizirs: «< Laissons cela. Aujourd'hui il n'y a qu'un moyen de se dire prince de Mételin, c'est de venir et de recevoir ce titre du très-sublime sultan. Va donc

(1) Ducas, XXXIII, p. 233, in-8°.

à ton maître, et reviens avec lui. Sinon, il sait ce qu'il doit attendre. » Il fallut que Ducas repartît et amenât le nouveau prince à la cour du sultan, qu'il eut grand peine à atteindre près d'Izlati chez les Bulgares. La réception du premier jour fut des plus gracieuses. Mais le lendemain tout changea. Les vizirs, parlant au nom de Mahomet, exigèrent la cession de Thasos; il fallut l'accorder; puis un double tribut: « Hélas! disait le jeune « prince, Lesbos tout entière est à vous; « mais ne me demandez pas l'impos«sible. » On se contenta d'augmenter le tribut d'un tiers; au lieu de trois mille écus (1), il en fallut payer quatre mille. Le sultan rappela de plus au Génois qu'il avait à sa charge la surveillance de l'Archipel et des côtes Asiatiques depuis Baïram (Assos) jusqu'au Krimakh (le Caïcus ), le rendant responsable de toutes les pertes éprouvées par les vaisseaux turcs dans ces parages. Ces conditions acceptées, bon gré mal gré, il offrit à son vassal et aux principaux officiers des vêtements d'honneur. Gateluzio repartit enfin pour Mételin, content d'en être quitte à si bon marché et remerciant le Dieu qui l'arrachait aux mains du barbare (2). A peine était-il de retour, que la flotte ottomane jeta l'ancre en vue de Mételin. Elle revenait de faire une tentative impuissante sur Rhodes, et était montée par le capitan-pacha, Hamza. Ducas, par ordre du prince, fit servir à l'amiral ture un magnifique repas à bord. Déjà, lors de son passage, Hamza s'était arrêté dans les eaux de Mételiu, s'étant fait cependant un scrupule d'entrer dans le port, de peur d'exciter des troubles dans la ville. Ducas s'était lie alors avec lui d'une étroite amitié et lui avait remis les dons de chaque année. C'étaient huit habits de soie et de laine, 6,000 florins d'argent, vingt bœufs, cinquante moutons, plus de huit cents mesures de vin, du pain, du biscuit, dix quintaux de froment et des légumes à foison. La flotte n'avait pris le large qu'après un séjour de quarantehuit heures. Ces prévenances ne pu

(1) Selon Ducas Selon Chalcondyle il était annuellement de deux mille statères d'or. X, p. 520, in-8°.

(2) Ducas, XLIV, p. 328-331, in-8°.

rent rien contre les desseins arrêtés du sultan (1).

CONQUÊTE DE L'ILE DE LESBOS PAR LES TURCS. - Mahomet avait consenti à s'arrêter dans ses exigences, et à ne pas s'emparer de Lesbos pour l'heure. Mais il enleva de force au jeune prince la nouvelle Phocée d'abord, puis Lemnos, une de ses principales dependances, et dès l'année suivante les prétextes ne manquèrent pas de s'attaquer directement à lui. En 1457, onze trirèmes, envoyées par le pape Callixte III, arriverent dans l'Archipel, montées par de hardis pirates, et s'emparèrent de Lemnos, de Samothrace, de Thasos. Il est à croire aussi que les Gateluzi ne devaient pas mettre grand zele à réprimer les brigandages des pirates; le commerce des esclaves qui en résultait leur rapportait d'assez gros bénéfices. Partant de Lesbos pour piller les mers, les corsaires y revenaient à leur aise chargés de butin, conduisant de nombreuses prises; ils faisaient alors les parts, et celle du duc de Lesbos n'était pas la plus mince (2). Mahomet, irrité de la conduite équivoque du prince de Mételin, envoya contre lui une flotte considérable, commandée par Ismael. Encouragés par les paroles et l'exemple d'une jeune fille inspirée, les Lesbiens attendirent de pied ferme, et anéantirent complétement l'armée musulmane. La victoire fut telle, que le pape la fit annoncer dans toutes les cours chrétiennes, pour y réveiller le zèle endormi. Le sultan, occupé ailleurs, laissa pendant cinq ans reposer son ressentiment; mais vers la fin de l'été 1462, à son retour de Valachie, il songea au vassal qui recevait ainsi ses armées.

Mételin était alors gouvernée par Nicolas Gateluzio, qui pour s'emparer du pouvoir avait étranglé son frère Dominique (3). Mahomet, pour se faire un parti dans l'ile même, s'annonça

(1) Ducas, c. XLIII, p. 321 ; p. 326, in-8°. (2) Chalcondyle, X, p. 519, in-8°. (3) Dominique avait épousé Marie Justiniani, fille d'un riche habitant de Chio. Marie ayant été atteinte de la lépre, il refusa constamment de se séparer d'elle, garda le même lit, la même table, et fut tué dans ses bras. Annali... di Genoa per... Giustiniano; Genoa, 1537, in-4o, folio 206, 5.

comme le vengeur du prince assassiné. Soixante galères et sept navires, chargés d'un grand nombre de canons, de mortiers, et de plus de deux mille boulets de pierre, arriverent sous les murs de Mételin, conduits par MahmoudPacha. En même temps Mahomet amenait par terre plusieurs milliers de janissaires. Il donna ses instructions a son lieutenant, surveilla les travaux commencés, et, confiant dans l'activité éprouvée de Mahmoud, il repassa sur le continent. La ville assiégée était en état complet de défense. Nicolas Gateluzio commandait dans la citadelle, son cousin Lucio dans la ville proprement dite. Cinq mille soldats, vingt mille habitants, détermines à se défendre, se tenaient derrière les murailles. Après un bombardement de vingt-sept jours; la partie de la cité nommée Melanudion (1), se trouva ruinée; mais le courage de ses défenseurs repoussa tous les assauts. Mahmoud, impuissant à vaincre, eut recours à l'intrigue. Des offres furent faites à Lucio, qui défendait la ville. La promesse de la souveraineté de l'île le tenta. La ville fut livrée aux Turcs. Nicolas, pressé dans la citadelle consent à partir, si on lui assure une existence honorable. Mahmoud promet tout; mais il exige que Nicolas installe lui-même les troupes ottomanes dans les différents postes de l'île.

Cependant Mahomet lui épargna cette humiliation; il fit grâce aux deux Génois, qui vinrent l'implorer à Coustantinople. Il installa dans l'île deux cents janissaires et trois cents soldats, et ayant saisi à Mételin trois cents corsaires, auxiliaires des Génois, il les fit scier en deux. Il fit ensuite trois catégories des habitants de l'île : 1o la classe pauvre, qui resta dans la ville; 2° la classe moyenne, qu'il donna en propriété aux janissaires; 3° la classe des riches, qu'il envoya à Constantinople (2). Pour luimême, il se réserva dans les familles nobles huit cents filles et garçons choisis. La population de l'ile fut ainsi à peu près renouvelée. Une partie même des an

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ciens habitants qui avaient obtenu d'y rester, fut bientôt après transportée par Kílidj-Ali-Pacha à Samos, qu'il s'agissait de repeupler (1). En revanche, une foule d'étrangers vinrent s'établir à Mételin. Parmi ces derniers se trouvait le spahis roumiliote Yacoub d'Yenidjewardar, qui vint se fixer dans la capitale de l'île avec ses quatre fils Ishak, Ouroudj, Khizr ou Khaïreddin et Élias. Le premier se fit commerçant, les trois autres corsaires; Elias périt dans un combat contre les chevaliers de SaintJean; les deux autres devinrent les corsaires si fameux sous le nom de Barberousse (2).

Quant aux Gateluzi, ils ne jouirent pas longtemps de la bienveillance du vainqueur. Lucio, qui était resté à Lesbos, fut mandé bientôt à Constantinople sous l'inculpation d'avoir converti un jeune enfant à la religion chrétienne. Il y répondit en se faisant circoncire, et son cousin l'imita. La réponse parut bonne, et Mahomet eut l'air de s'apaiser; mais bientôt, sous le plus léger prétexte, il leur fit à tous deux trancher la tête (1462).

EFFORTS DES CHRÉTIENS POUR RECONQUÉRIR LESBOS. La conquête de l'ile fut complète et définitive; mais c'était une place trop importante pour que la possession n'en fût pas longtemps encore contestée par les armes chrétiennes. Le jour de Pâques 1464, Orsato Giustiniano, successeur de l'amiral vénitien Loredano, fait une descente à Mételin, dont il assiège la capitale pendant six semaines. Le 15 mai un dernir assaut est repoussé, et l'approche d'une flotte considérable, conduite par Mahmoud-Pacha, force l'amiral vénitien à lever le siége (3). It se rembarqua, emmenant avec lui tous les Grecs qu'il put recueillir. I alla les déposer à Négrepont, et revint le 10 juillet jeter l'ancre au port San-Théodoro, où l'attendaient encore de nombreux proscrits.

Raves

En 1500 l'amiral francais tein, nominé gouverneur de Gênes par

(1) Nouvelles Annales des Voyages, première série, t. XXV: Géographie de Samos. (2) De Hammer, t. V, p. 237.

(3) Historia Veneta di Alessandro Maria Vianoli, nobile Veneto; in-4°, Venetia, 1680, t. II, p. 662.

Louis XII, équipeune flotte et va eroiser dans les mers de l'Orient. Ses dix-huit vaisseaux se réunissent à trente-quatre trirèmes vénitiennes qu'ils rencontrent, et d'un commun concert on fait voile sur Mételin. La ville soutenait le siége depuis vingt jours, quand Korkoud, gouverneur de Magnésie, accourt avec de nombreux renforts. A son approche, Ravestein repart, sans attendre l'arrivée de vingt-neuf voiles que lui amenait le grand-maître de Rhodes. A la hauteur de Cérigo, la flotte française, surprise par un ouragan, périt presque tout entière (1).

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ÉTAT DE LESBOS SOUS LA DOMINATION DES TURCS. · Dès lors Mételin futà l'abri de toute agression de ce genre. Respectée par les galères européennes, elle n'eut plus guère à souffrir que de ces corsaires asiatiques qu'elle avait si longtemps protégés. La population de Pile, presque entièrement renouvelée, s'attacha à ses derniers maîtres, et prit parti pour eux au besoin. En 1560 la flotte du sandjak de Mételin, commandée par Mustafa-Beg, prend part à la conquête de l'île de Djerbé (l'ancienne Méninx, ou île des lotophages). Mustafa-Beg fut même un instant généralissime de la flotte turque tout entière. En 1565 cinq cents spahis et deux galères de Mételin se trouvaient dans l'armée qui tenta inutilement de prendre Malte. Enfin à la bataille de Lépante (1571) peu s'en fallut que Mahmoud, sandjak de Mételin, ne décidât la défaite des chrétiens. Survenant à propos avec cinq vaisseaux au secours de l'amiral turc, il fut sur le point de faire prisonniers les trois chefs de la flotte alliée. L'arrivée en toute hâte de l'arrière-garde, commandée par Santa-Croce, vint changer la fortune. Mahmoud périt dans l'action,

En 1632, au commencement de la déeadence ottomane, profitant de toutes les tentatives d'usurpation et de l'anarchie militaire qui agitaient Constantinople, Elias-Pacha, gouverneur de Karasi, s'était proclamé en pleine révolte contre la Porte. Deux de ses lieutenants, Kara-Mahmoud et Sari-Osman,

(1) Bizarus, Senatus populique Genuensis Rerum domi forisque gestarum Historiæ ; Anvers, 1759, in-folio, p. 404.'

à la tête de forces considérables, se dirigerent par son ordre sur Metelin. Mais les habitants résistèrent à l'usurpation, et les deux chefs furent extermines avec tous leurs soldats.

C'est à la hauteur de Mételin que se rencontrèrent en 1698 la flotte vénitienne et la flotte turque, commandées celle-là par Dolfino, celle-ci par MezzoMorto. La bataille n'eut qu'un résultat douteux, et les deux amiraux s'attribué rent la victoire.

Le dix-huitième siècle ne nous offre aucun fait remarquable à recueillir. Les corsaires qui s'abritent derrière les Musconisi, ou dans les profondeurs du golfe d'Adramitti, s'enhardissent et ravagent fréquemment les côtes de l'île. Ils passent de l'Asie sur de petits bateaux, s'embusquent derrière les rochers et dans les bois, pillent et s'en retournent impunément (1). En 1755 la ville de Mételin, que de violents tremblements de terre avaient réduite depuis longtemps à n'être plus qu'une chètive bourgade en comparaison de sa grandeur passée (2), manque d'être anéantie par une dernière secousse qui ébranle l'ile dans toute son étendue. Au commencement du dix-neuvième siècle c'est le feu qui la détruit tout entière; on relève chaque fois les ruines, on rebâtit à la place où l'on habitait la veille, mais sans ordre, sans précautions; sans que le désastre du jour serve de leçon pour le lendemain.

LESBOS AU TEMPS DE LA GUERRE DE L'INDÉPENDANCE. - Quand éclata l'insurrection grecque, les raias de Mételin étaient de beaucoup inférieurs en nombre aux Tures. Ils furent tous désarmés sans résistance. Les plus riches, soupçonnes d'être en secret favorables à la cause de l'indépendance, furent pris et décapités. L'ile, considérée dès lors comme un poste sûr, devint l'entrepôt général et le rendez-vous de la marine ottomane. Cependant l'un des premiers exploits des Hydriotes se passa sur les côtes de Mételin. La flotte turque s'y était donné rendez-vous; elle n'y ar

(1) Pococke, t. IV, p. 383.

(2) Benedetto Bordonne, Libro nel quale se ragiona de tutte l'Isole del Mondo, overo l'Isolario... in-folio, 1547, fol. 51.

riva que poursuivie par soixante-dix bricks des insurgés, et eut le temps à peine de se réfugier dans le port Olivetti. Dix-huit brûlots grecs s'apprêtent à l'y aller chercher. Sur l'ordre de l'amiral ottoman, un conseil de guerre s'assemble en toute hâte. Il s'agit de sortir de ce mauvais pas. La flotte turque, comptant cinq vaisseaux de ligne, quatre frégates, quatre corvettes ne se eroit pas de force à livrer bataille; et tandis que l'amiral gree, changeant de dessein, se retire vers Samos, pour engager les ennemis à prendre le large, un vaisseau ture, portant soixante-quatorze eanons, fait force de voiles pour aller chercher du secours à Constantinople. Il avait traversé le golfe d'Adramitti, et touchait déjà au cap Baba, quand quatre bricks, envoyés en éclaireurs, l'atteignent et lui barrent le passage. Le vaisseau turc veut rebrousser chemin, et se lance à pleines voiles dans le port Sigri; l'eau lui manque; il s'échoue. Les Grees s'avaneent sur lui, d'avant et d'arrière, par brigades de deux bricks, portant chacun douze eanons et 150 hommes d'équipage; et tandis que le vaisseau ennemni, immobile, fait feu de toutes pièces, ils l'abordent dirigés par un vieux marin, Papa Nicolas, qui avait assisté à l'incendie de Tchesmé; ils s'y cramponnent, elouent dans son immense carène des chemises de soufre et de goudron, et y mettent le feu. Quelques instants après le vaisseau ture éclaté et saute avec ses neuf cent-cinquante matelots. A peine une barque montée par quelques hommes parvint-elle à gagner la terre. A cette nouvelle l'amiral ottoman, qui manquait de résolution pour combattre, en trouve pour fuir et donne l'ordre de regagner Constantinople ( mai 1821 ) (1).

Par ce brillant début les Grees préludaient aux triomphes qui les attendaient à Ténédos. Mais ils ne tentèrent pas de descentes à Mételin; ils se contentaient de croiser le long des côtes, bien défendues, bien surveillées, et ne se hasardaient que sur le continent, où le butin était abondant et facile et les villes

(1) Pouqueville, Hist. de la Régénérat, de la Grèce, t. III, p. 13; Jucherault de SaintDenis, Hist. de l'Empire Ottoman, t. III, P. 147.

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mal protégées. En janvier 1823 les matelots d'Ipsara, pénétrant dans le golfe d'Adramiti, enlèvent de riches magasins turcs déposés aux Mosconisi, et parviennent à débarquer à Sigri. Mais la garnison, aidée des musulmans des campagnes, intercepte toute communication avec les chrétiens. Dans l'impossibilité de s'établirà terre, force est de se rembarquer. Une trentaine de Grecs restent morts sur la plage. A peine les assaillants partis, un massacre général des raias commence à Sigri et à Molivo. Les chrétiens, co ons pour la plupart, et répandus dans les champs, se réfugient sur les montagnes. L'Olympe surtout se peuple de fugitifs. Mais les marins d'Ipsara en partant avaient promis au vizir, campé alors à Mételin, de revenir lui faire visite. Une grande expédition grecque est résolue. On comptait sur des intelligences dans l'île, sur les proscrits des montagnes, sur le courage des opprimés, sur la fortune de la bonne cause. Au commencement d'octobre, deux escadres abordent à Mételin, l'une au port Sigri, l'autre à Coloni. 4,000 soldats se précipitent à terre; tout ce qui est musulman tombe sous leurs coups. La petite armée grecque est bientôt plus que doublée par les auxiliaires qui lui arrivent de toutes parts. Elle se divise: la moitié marche sur Molivo; le reste ravage la campagne. En peu de jours le nord de l'ile est aux chrétiens; c'est pour eux le moment de la vengeance. Les vainqueurs font partout place nette sur leur passage d'abominables représailles ensanglantent tout le pays.

Cependant l'aga de l'île rassemble des troupes, et, sans plus attendre, marche au-devant des Grecs. 12,000 hommes sont bientôt réunis sous ses ordres; chaque jour grossit cette armée des fuyards de Sigri et de Coloni. Les chrétiens, atteints deux fois, sont deux fois battus ; ils sont contraints de laisser la plage et de reprendre le large. Avec eux partent tous les proscrits qui peuvent les suivre. Ceux que leur malheureux sort condamne à rester regagnent leurs montagnes; mais là, soutenus par l'espérance de secours prochains, ils ne déposent pas les armes, et entretiennent une guerre de partisans contre les Turcs de la plaine. Ce fut là le seul avantage que retira la cause grec

que d'une expédition si heureusement (1) commencée. De temps en temps les hardis insulaires d'Ipsara tentaient bien quelque course nouvelle, pillant la côte, rançonnant les villages; mais les Turcs étaient maîtres du pays. Dans la seule année 1824 leur flotte vient s'y rallier deux fois. Lors de l'expédition de Samos, les bâtiments de transport et une division de guerre y restèrent en permanence. L'amiral ottoman ne sortait jamais qu'à regret de cette bonne rade de Mételin, où il était à l'abri des brûlots des Grecs. A la paix définitive, Mételin resta à l'empire ottoman, comme toutes les autres îles grecques de l'Asie Mineure.

SITUATION ACTUELLE DE L'île de LESBOS. - S'il est une terre qui porte la trace des funestes effets de la conquête ottomane, c'est Mételin. Ses campagnes, autrefois si fertiles, sont devenues des marais ou des déserts, et l'on ne voit plus que des ruines sur l'emplacement de ses antiques cités. De ces treize cents châteaux, qu'y laissait, dit-on, la domination génoise, de cette prospérité qui la désignait encore à un auteur du dixseptième siècle (2) pour y placer l'idéal de sa république aristocratique, il ne reste plus que d'informes débris. C'est une possession oubliée, dont on ne parle au divan que lorsqu'il s'agit d'y nommer un gouverneur ou de lever un impôt. La population générale de l'île monte à peine à 60,000 habitants, dont les Turcs forment la majorité. Les Grecs disséminés dans l'île, rares dans les villes, plus nombreux dans les campagnes, vivent dans un grand dénûment. Mais, comme tous les paysans grecs, ils se sont faits des mœurs simples, et savent supporter patiemment la misère. Leur plus grand fléau était la fiscalité des Turcs; il n'y a pas longtemps encore que l'aga comptait les gerbes de la moisson; que les gerbes battues il mesurait le blé; que le muzelim de l'île venait ensuite prendre la dîme, lever la capitation, puis fixer le

(1) Raffenel, Récit des derniers Événements de la Grèce, t. II, p. 265; Pouqueville, t. III, p. 305.

(3) Republica di Lesbo, overo della Ragione di Stato in un Dominio Aristocratico, Libri X, dell' abbate D. Vicenzo Sgualdi Casinense; Bologne, 1642, in-12.

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