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dont il fit présent au roi quand il fut en âge de régner. Mais, après avoir longtemps servi avec zèle, il trahit les intérêts de Ptolémée Philométor, et passa dans le parti d'Antiochus Épiphane, qui méditait la conquête de l'Egypte (1). Il reçut en dédommagement le gouvernement de la Palestine, où il déploya les mêmes qualités de bon administrateur qui l'avaient fait apprécier en Égypte. « Il «Il résolut, dit l'historien du livre des Machabées (2), d'observer religieusement la justice envers les Juifs, et d'agir toujours avec un esprit de paix à leur égard. Cette modération le perdit: les ennemis des Juifs le calomnièrent auprès d'Antiochus V. Eupator, fils d'Epiphane. Ils lui inspirèrent des soupçons sur la fidélité d'un homme qui avait déjà abandonné son ancien maître. Ptolémée n'échappa à la haine de ses ennemis qu'en prenant du poison.

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INTERVENTION DES ROMAINS DANS LES AFFAIRES DE CYPRE ET D'ÉGYPTE. Cependant la dynastie des Lagides tombait dans un tel état de faiblesse, qu'elle ne se soutenait contre les rois de Syrie que grâce à la protection des Romains. Popilius avait arrêté d'un mot Antiochus Epiphane, qui exigeait de Philométor et de son frère Ptolémée VII, Évergète II, la cession de l'île de Cypre, de Péluse et de son territoire, afin d'avoir, quand il le voudrait, toutes les portes de l'Égypte ouvertes à ses armées (3) (168). Ce fut encore Popilius qui termina les différents survenus entre Philométor et Évergète ou Physcon. Il assigna au premier l'Égypte et Cypre, au second la Libye et la Cyrénaïque. Évergète mécontent de son lot, se rendit à Rome pour réclamer auprès du sénat (4). On ceda à ses instances, et, pour affaiblir davantage le royaume d'Égypte, on ajouta Cypre à la portion du roi de Cyrène. Le sénat nomma deux commissaires, Titus Torquatus et Cn. Mé

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rula, pour installer le jeune Ptolémée dans la possession de l'île de Cypre, et la détacher doucement et sans guerre du royaume d'Égypte. Physcon s'était hâté de passer en Grèce, d'y soudoyer des mercenaires, avec lesquels il prétendait assurer l'exécution du sénatus-consulte rendu en sa faveur. Mais les Romains n'employaient les armes qu'après avoir reconnu l'impossibilité de réussir par les négociations et la ruse. Les commissaires du sénat exigèrent de Physcon qu'il renvoyât ses mercenaires, et ils se rendirent à Alexandrie pour décider Philométor à renoncer à File de Cypre (1). Loin de céder sur ce point, Philométor attaqua la Cyrénaïque, qui s'était soulevée contre l'odieux prince que lui avait imposé le sénat, et força Phys. con à recourir encore aux Romains. Ceux-ci étaient bien décidés à morceler l'empire des Lagides et à ne point laisser Philométor en réunir toutes les parties sous sa domination. On accueillit avec faveur le lâche Physcon; on n'admit aucune des justifications présentées par les ambassadeurs de Philométor, et une commission de cinq légats fut nommée pour appuyer les réclamations du protégé des Romains. Cette fois on permit a Physcon de lever des troupes, et les alliés de Grèce et d'Asie furent invités à seconder de tout leur pouvoir l'entreprise de ce prince sur l'île de Cypre (2). Ici les documents historiques manquent absolument, et l'on ne peut dire quelle fut l'issue de cette querelle entre les deux frères et si l'intervention romaine fit réussir les prétentions de Physcon. Quoi qu'il en soit du résultat de cette affaire, elle tournait toujours au profit de Rome, qui préparait ainsi de loin la séparation de l'île de Cypre et de l'Égypte (161).

La mort de Philométor, survenue en l'an 146, termina ce différend. Malgré la répugnance de l'Égypte à reconnaître pour roi Ptolémée Physcon, ce prince s'empara du trône, et réunit entre ses mains toutes les possessions des Lagides. Sa perfidie, sa cruauté et ses vices le firent surnommer Kakergète par ses

(1) Polyb., XXXI, 25 et suiv.

(2) Id., XLIII, 5; Engel, Kypros, I,

P. 415.

sujets, au lieu du surnom d'Évergète, qu'il s'était donné. Sous son regne Alexandrie, si frequentée par les savants, les artistes, les négociants, fut delaissée, et vit décliner sa splendeur. La proscription frappait toutes les têtes illustres. Un grand nombre de lettrés furent bannis, et parmi eux Aristarque, qui se retira en Cypre, où il acheva sa longue carrière (1). Après un règne honteux et troublé par des révoltes, dont l'une avait forcé Physcon à se réfugier en Cypre, ce prince mourut, l'an 117, laissant deux fils, Alexandre I ét Ptolemée Soter II, surnommé Lathyros (pois chiche): leur mere Cléopâtre, qui avait été aussi la femme de Philométor, et qui était la sœur de ses deux époux, troubla tout le royaume d'Égypte par son ambition et ses violences. Elle détestait son fils aîné, Soter, qui avait été reconnu roi par les Alexandrins, et voulait lui sub. stituer Alexandre. Elle le contraria dans tous ses projets, et plongea l'Égypte dans l'anarchie. Enfin elle parvint a exciter un soulèvement contre Ptolémée Lathyre ou Soter II, et à mettre Alexandre en sa place.

L'ÎLE DE CYPRE SE SÉPARE DE L'ÉGYPTE. Lîle de Cypre profita de ces désordres, à la faveur desquels elle recouvra une sorte d'indépendance. Le roi banni y trouva un refuge, et s'en fit un petit royaume (2), qu'il détacha de l'Egypte. Deux pretendants se disputaient alors le trône de Syrie, Antiochus Grypus et Antiochus Cyzicénus. Le premier était soutenu par Cleopâtre, le second par Soler II. Cette guerre, commencée avant l'expulsion de ce prince, continua quand il fut réduit à l'île de Cypre, qui lui fournit assez de ressources pour le mettre en état de tenir tête à ses ennemis. Les affaires de la Judée donnaient aussi beaucoup d'occupation à tous les princes Seleucides et Lagides. La Palestine était gouvernée par la dynastie des Asmonéeus, qui devait son élé vation au courage qu'elle avait déployé en arrachant la nation juive à la domi. nation des princes syriens. Continuellement en lutte avec les Séleucides, le

(1) Voy. Justin, XXXVIII, 8; Val. Max., IX, 2.

(2) Josèphe, Ant. Jud., XIII, 19 et suiv.

3 Livraison. (ILE DE CHYPRE. )

peuple juif avait recherché l'appui de l'Egypte, comme au temps de ses guerres avec l'Assyrie. Pendant les persecutions qu'ils avaient endurees de la part des successeurs de Seleucus Nicator, les Juifs avaient émigré en grand nombre, et s'étaient établis dans les Etats des Ptolémées. Ils etaient très-puissants, dit Josèphe, dans Alexandrie, en Egypte et dans l'île de Cypre. Les fils d'Onias, qui avait fait construire le temple d'Héliopolis, Helcias et Ananias, s'étaient mis au service de la reine Cléopâtre, la veuve de Physcon, et avaient été placés à la tête de son armée. Quand Soter II fut chassé de l'Égypte, les Juifs établis à Cypre contribuèrent puissamment à lui assurer la possession de cette île, d'où il put exercer une grande influence sur les affaires générales de la Palestine. Alexandre Jannée, fils de Jean Hyrean, était monté sur le trône l'an 106. Ptolemaïs, Gaza et quelques autres villes de la côte refusaient de lui obéir. Alexandre leur fit une guerre active, et ces villes appelèrent à leur secours Ptolémée Lathyre, qui vint de Cypre en Judee avec une armee de trente mille hommes. De son côté Alexandre fit alliance avec la reine Cléopâtre, dont les secours ne purent arrêter les progrès de Ptolémée Lathyre. En effet, ce prince s'empara de Ptolémais, de Gaza et de Sephoris. Il rencontra sur les bords du Jourdain l'armée d'Alexandre, la tailla en pièces, et en fit un horrible carnage. Trente mille hommes périrent dans cette journée, dont Ptolémée souilla la gloire par d'atroces cruautés. Après cet éclataut succès, il attaqua l'Egypte; mais Cléopâtre lui opposa Helcias et Ananias, ses juifs fidèles; et Ptolémée, obligé de renoncer à son entreprise, revint dans son royaume de Cypre. Dix ans apres (88 av. J. C.), Ptolémée Latbyre reprit pos session de l'Égypte, d'où son frère Alexandre avait été chassé, après avoir assassiné sa mère, et régna paisiblement jusqu'à sa tort, en l'an 81.

Après quelque mois de troubles, pendant lesquels Alexandrie fut ensanglantée par des insurrections populaires et des usurpations de palais l'Egypte echut à Ptoléniée XI, Aulétès, fils adoptif de Lathyre, et Cypre fut donnée comme apanage à un autre Ptolémée, fils natu

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rel du même roi. Affaiblie par ses dissensions, dégradée par ses vices, détestée pour ses crimes, la dynastie lagide avait perdu tout prestige aux yeux des peuples. Elle ne se soutenait que par l'appui des Romains, qui n'attendaient que l'occasion favorable pour renvoyer ces misérables princes et réduire leurs Etats en provinces. L'île de Cypre était déjà réellement séparée du royaume d'E gypte aussi devint-elle la première la proie des Romains, qui étaient alors assez puissants pour disposer en maitres du sort des rois et des peuples. On parla longtemps à Rome de la réunion des provinces de la monarchie égyptienne à l'empire romain. C'était une question que l'on agitait fréquemment au sénat ou au Forum. Ou faisait valoir un prétendu testament que le roi Ptolémée X Alexandre II aurait fait en faveur des Romains pour se venger de ses sujets qui l'avaient chassé. Déjà l'Égypte avait ete comprise comme domaine de la république dans le projet de loi agraire proposé par le tribun Rullus et combattu par Cicéron (63 av. J. C.). Malgré cette proposition, l'Egypte conserva encore son indé pendance pendant plus de trente ans; mais le caprice d'un autre tribun dé termina bientôt la réunion de l'ile de Cypre. App us Clodius, ayant été fait prisonnier par les pirates de la Cilicie, fit demander à Ptolemée, roi de Cypre, de lui envoyer l'argent nécessaire à sa rancon. Ptolemée était riche, avare et lâche. Il n'osa refuser; mais il n'envoya que deux talents, dont les pirates ne voufurent pas se contenter. Ils relâchèrent leur prisonnier sur sa parole, et Clodius jura de se venger d'un roi qui l'avait estimé si peu.

CATON RÉDUIT L'ÎLE DE CYPRE EN PROVINCE ROMAINE. Étant devenu tribun l'an 59, Clodius fit rendre un décret qui déclarait l'ile de Cypre province romaine, et qui ordonnait la confiscation des biens de Ptolémée. Ce n'était pas assez pour Clodius d'écraser le faible Ptolémée, il se donna aussi le plaisir de mortifier, d'humilier le fier Caton, en le chargeant de cette honteuse mission. A mes yeux, lui dit-il, tu es de tous les Romains l'homme dont la conduite est la plus pure; et je veux te prouver que j'ai réellement de toi cette

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haute idée. Bien des gens demandent qu'on les envoie en Cypre; mais je te crois seul digne de ce gouvernement, et je me fais un plaisir de t'y nommer. Caton répondit en homme qui se sent offensé, et refusa cet emploi. « Eh bien ! reprit Clodius avec hauteur, si tu ne veux pas y aller de gré tu partiras de force. » Et il se rendit aussitôt à l'assemblée du peuple, et y fit passer le décret qui envoyait Caton en Cypre (1), sans lui accorder ni vaisseaux ni soldats pour exécuter cette odieuse spoliation. La lâcheté du roi de Cypre rendait, au reste, c tte précaution inutile. Caton envoya devant lui en Cypre Canidius, un de ses amis, pour engager Ptolémée à se retirer sans combat, en lui promettant qu'il ne manquerait jamais, sa vie durant, ni de richesses ni d honneurs, et que le peuple romain lui confererait la grande prêtrise de Venus à Paphos. Quant à lui, il s'arrêta à Rhodes pour y faire ses préparatifs et attendre la réponse de Ptolémée. Ce malheureux prince ne savait que résoudre. D'abord il prit le parti de charger ses trésors sur ses navires et de s'engloutir avec eux dans les flots. I n'osa ou ne put exécuter ce dessein, et il se resigna à prendre du poison. Cette mort delivra Caton d'un grand embarras; la victime s'était immolée ellemême, il n'y avait plus qu'à recueillir sa succession. Caton se rendit en Cypre, où il trouva des richesses prodigieuses et vraiment royales en vaisselle d'or et d'argent, en tables precieuses, en pierreries, en étoffes de pourpre. Au fond, c'était là ce qui avait tenté la cupidité des hommes avides et ambitieux qui se disputaient le gouvernement de la république et qui mettaient le monde au pillagè (2). Aussi avaient-ils envoyé Caton pour ne rien perdre de leur proie. « Caton, dit Plutarque, jaloux que tout se passât dans les règles, et qui voulait faire monter les effets à leur plus haute valeur, assista lui-même à la vente, et

Kypros, I, 439. (1) Plut., Caton, c. XLIV et suiv.; Engel,

(2) Cette honteuse conquête est flétrie comme il convient par les anciens eux-mêmes. Voir Velleius Paterculus, II, 38, 5; Valer. Maxime, IX, 48; XV, 10; Ammien-Marcelin, XIV, 27, 8.

porta en compte jusqu'aux moindres somines; car il ne s'en tint pas aux formes ordinaires des encans: il avait pour également suspects les officiers, les crieurs, les enchérisseurs, et jusqu'à ses amis. I s'adressait lui-même aux acheteurs, et les poussait à mettre de plus hautes enche res, et de cette façon tout fut vendu à sa plus juste valeur. Caton rapporta de Cypre pres de sept mille talents (quarante millions de francs); il en chargea des caisses qui contenaient chacune deux talents cinq cents drachmes. Il fit attacher à chaque caisse une longue corde, au bout de laquelle on mit une grande pièce de liége, afin que si le vaisseau venait à se briser, les pièces de liege, nageant sur l'eau, indiquassent l'endroit où seraient les caisses. Tout cet argent, à peu de chose près, arriva heureusement à Rome.

Jamais général romain revenant chargé de dépouilles glorieusement enlevées à l'ennemi ne fut reçu avec plus d'empressement et d'honneur que Caton rapportant dans sa patrie la honteuse conquête des trésors de Ptolémée. Comme il approchait avec ses vaisseaux, les Romains, instruits de son arrivée, magistrats, prêtres, le sénat en corps et la plus grande partie du peuple, tous enfin allerent au-devant de lui le long du fleuve, pendant que Caton, dédaiguant de s'arrêter pour recevoir les consuls et les préteurs, remontait vers Rome sur une galère royale à six rangs de rames. Quand on vit porter à travers le Forum ces sommes immenses d'or et d'argent, l'admiration ne connut plus de bornes; le senat s'assembla, complimenta Caton de sa conduite, et lui décerna une préture extraordinaire, avec le privilege d'assister aux jeux vêtu d'une robe bordée de pourpre. Caton refusa ces honneurs, et demanda seulement la liberté de Nicias, intendant du feu roi Prolémée, dont il attesta les soins et la fidelite. De tant de richesses qui etaient à sa disposition, Caton ne s'etait réservé qu'une statue de Zenon de Citium; néanmoins il ne put échapper aux calomnies de ce même Clodius, qui l'accusait d'avoir detourné des somines énormes à son profit. Caton avait envoyé ses comptes à Rome; mais une tempête engloutit le navire qui les portait. Cepen

dant il n'eut pas de peine à repousser les imputations de Clodius, lui qui, sans avoir jamais reçu de la république, comme il le disait, ni un cheval ni un soldat, lui avait rapporté de Cypre plus d'or et d'argent que Pompée n'en avait conquis par tant de guerres et de triom phes, après avoir bouleversé la terre.

ETAT DE L'ILE DE CYPRE SOUS L'ADMINISTRATION DES ROMAINS. Caton avait érigé l'ile de Cypre en province pretorienne. On y envoya pour le gouverner te questeur C. Sextius, avec des pouvoirs de préteur. Bientôt on reunit l'île de Cypre à la Cilicie, et on en fit une province proconsulaire, dont le gouvernement fut donné à Lentulus (55 av. J. C.), un des amis les plus intimes de Cicéron. L'an 52, Cicéron luimême fut pourvu de ce procousulat, et passa un an dans sa province. Ses lettres à Atticus sont remplies de curieux détails sur l'état de l'ile de Cypre, sur laquelle s'étaient abattus les publicains, qui la pressuraient avec une rigueur impitoyable. Quand ces publicains étaient d'accord avec les gouverneurs, rien n'égalait la détresse des provinciaux. La ville de Salamine avait contracté une dette envers M. Scaptius et P. Matinius, deux financiers négociants établis dans l'ile, très-bien appuyés à Rome, puisque Brutus avait charge Cicéron de de leur faire obtenir le remboursement de leur créance. Déjà ces deux hommes avaient fait éprouver aux habitants de Salamine mille vexations (1). Appius, prédécesseur de Cicéron, avait mis à leur disposition un corps de cavalerie avec lequel ils avaient bouleversé toute l'île, entierement désarmée. Ils avaient tenu le sénat de Salamine assiégé pendant cinq jours, et cinq sénateurs étaient morts de faim. « Appius, dit Ciceron, qui a traité la province par le fer et par le feu, qui l'a saignée, épuisée, qui me l'a remise expirante, trouve mauvais que je répare le mal qu'il a fait. Ce qui l'irrite, c'est que je ne lui ressemble pas; on ne peut en effet se ressembler mois: la province a été sous son gouvernement ruinee de toutes les manieres, sous le mien il n'en a été rien exigé sous aucun

(1) Cicér., Ep. ad Att., VI, 1, 2, 3, pas

sim.

prétexte. Que ne pourrais-je pas dire des prefets d'Appius, de ceux de sa suite, de ses lieutenants, de leurs rapines, de leurs violences, de leurs brutalités? Maintenant, au contraire, la maison la mieux réglée ne présente pas autant d'ordre, de régularité, d'économie que cette province. Scaptius et Matinius insistaient auprès de Cicéron pour qu'il leur permit d'exiger des Salaminiens non-seulernent leur capital, mais encore un intérêt de quatre pour cent par mois. Cicéron, indigné de cette odieuse usure, refusa de mettre des troupes à leur disposition, et les fit payer sur le pied d'un pour cent par mois. « Voilà ce que j'ai fait, dit-il à Atticus, je pense que Brutus m'approuvera; je ne sais si vous serez content. Caton sera certainement pour moi. » Cicéron s'était fait aimer des Cypriens; il s'intéressa toujours vivement à leur sort, comme on le voit par la lettre qu'il écrivit en 44 à C. Sextius, le premier questeur de Cypre, qui se retrouvait alors questeur de Cilicie, avec l'île de Cypre dans son département. « Je vous recommande tous les Cypriens en général, et les Paphiens en particulier; je vous saurai un gré infini de ce que vous ferez pour eux. J'insiste d'autant plus, qu'il me paraît importer à votre honneur, dont je suis jaloux, que le premier questeur romain dans l'île laisse sa trace et marque la voie à ses successeurs. Ce vous sera chose facile, je m'en flatte, si vous suivez les directions et les lois de votre intime ami P. Lentulus, et les institutions diverses que j'ai moimême établies. Ou je me trompe, ou vous vous feriez par là un honneur infini (1). »

Habituée depuis plusieurs siècles à subir la domination étrangère, l'île de Cypre avait accepté celle des Romains avec une résignation qui prouve qu'elle ne sentait plus le prix de la liberté et qu'elle n'avait conservé aucun de ces sentiments généreux par lesquels on sait la défendre. L'assujettissement politique où ils étaient tombés depuis longtemps et leur corruption morale avaient rendu les Cy. priens indifférents à ces changements de fortune où les peuples libres comprennent que leur dignité est en question.

(1) Cic., Ad Fam., XIII, 52.

Tandis que les Crétois et les Rhodiens ne se livrèrent à Rome qu'après de longues résistances, Cypre, toute façonnée au joug, toute résignée d'avance, se soumit à la première sommation, et resta la plus paisible des provinces de l'empire romain. Indifférente à tout, les plus grands événements s'accomplissaient autour d'elle, et elle passait de main en main, sans qu'elle parût s'en apercevoir. Après la bataille de Pharsale, Cypre, qui vit passer tour à tour la famille de Pompée fugitif et César victorieux, retourna, après être restée dix ans au pouvoir de Rome, à la famille des Ptolémées. Aulète, l'indigne protégé du sénat, était mort l'an 52, plus méprisé, plus détesté que jamais des Alexandrins, qui n'avaient pu le décider à agir pour recouvrer l'île de Cypre. Il laissait en mourant deux fils, Ptolémée Dionysius et Ptolémée Néotéros, et deux filles, Arsinoé et la fameuse Cléopâtre. Les Alexandrins mirent sur le trône l'aîné des deux fils avec sa sœur Cléopâtre. Mais les ministres du jeune roi chassèrent Cléopâtre, qui se retira en Syrie avec sa sœur Arsinoé. A son passage en Égypte, César se fit l'arbitre de tous ces différends, et, après avoir placé sur le trône d'Égypte les deux aînés des enfants d'Aulète, il donna au couple le plus jeune, à Néotéros et à Arsinoé, l'investiture de l'île de Cypre. La guerre d'Alexandrie, qui suivit de près, empêcha ce partage d'être mis à exécution; la reine de Cypre Arsinoé fut emmenée captive à Rome, où elle mourut, l'an 41. Plus tard Antoine, maître de l'Orient, mais subjugué par Cléopâtre, lui fit don de l'île de Cypre, qui resta province de l'Égypte jusqu'à la conquête de ce royaume par Octave, l'an 30 av. J. C. On sait qu'Auguste, devenu maître de l'empire, partagea avec le peuple le gouvernement des provinces: Cypre fut d'abord comprise parmi les provinces impériales. Mais il l'abandonna peu de temps après au peuple en échange de la Dalmatie, dont les insurrections rendaient nécessaire l'intervention directe du chef militaire de l'empire romain. Cypre devint une province consulaire Elle se divisa en quatre districts: celui de Salamine à l'est, celui de la nouvelle Paphos, à l'ouest, le district de Lapathos au nord, et celui d'Amathonte au

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