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cette flotte dans les eaux de Cypre, et l'acheva à l'embouchure de l'Eurymédon, fleuve de la Pamphylie, sur des bords duquel il vainquit également l'armée de terre. Thucydide ne parle que des deux victoires de l'Eurymédon. Dans Plutarque et Diodore il est fait mention, quoique avec peu de clarté, d'une bataille navale près de Cypre, qui ne peut être confondue avec celle de l'Eurymédon, et de quelques autres opérations militaires dans le voisinage de l'île et dans l'île elle même, dont on se disputait vivement la conquête; car la possession de l'ile de Cypre assurait la domination de la Méditerranée orientale. Entre les mains des Perses Cypre couvrait les côtes de Phé nicie, de Cilicie et d'Égypte, et observait, comme une sentinelle avancée, toutes les tentatives des Athéniens contre ces provinces. Entre les mains d'Athènes elle devenait le point d'appui de toutes ses opérations sur les contrées mari times des Perses, qu'elle avait juré d'expulser pour toujours de la Méditerranée.

NOUVEAUX EFFORTS DES ATHENIENS POUR DÉTACHER CYPRE ET L'ÉGYPTE DE L'EMPIRE DES PERSES (462). - Malgré l'expedition de Pausanias et d'Aristide et les victoires de Cimon, le roi de Perse maintenait son autorité sur une partie des villes de Cypre, celles surtout de la région sud-ouest, qui étaient d'origine phénicienne, et qui se rangeaient volontiers sous les lois des Perses pour disputer aux Grecs la domination des mers. Les Athéniens, d'un autre côté, devaient trouver de nombreux adhérents et des alliés dans les villes fondées autrefois par des colonies sorties de l'Attique et du Péloponnèse. L'ile de Cypre était done partagee entre ces deux puissances, qui se tenaient en équilibre, sans que l'une pût entièrement prévaloir sur l'autre. En 462 les Egyptiens, soulevés par le Libyen Inarus, appelèrent les Athéniens a leur secours (1). Athènes avait envoyé en Cypre une flotte de deux cents galères. Sur l'invitation d'Inarus, ordre fut donné à cette flotte de se rendre en Égypte pour y soutenir cette révolte, qui pouvait puissamment contribuer à la conquête de l'île de Cypre. Les Athéniens entrèrent dans le Nil, le remon

(1) Thuc., I, 103; Diod. Sicul., XI, 74.

tèrent jusqu'à Memphis, s'emparèrent de deux quartiers de cette ville, et assiégèrent le troisième, qui se nommait le Mur Blanc. Mais les Perses firent une vigoureuse résistance. Artaxerxe envoya deux généraux, Artabaze et Mégabyze, avec une armée considérable, et une flotte qui comptait beaucoup de vaisseaux cypriens. Les Athéniens, assiégés à leur tour, conclurent un traité qui leur permettait de retourner dans leur patrie. Cet échec interrompit pendant dix ans les tentatives des Athéniens sur l'ile de Cypre.

DERNIERE EXPÉDITION DE CIMON BN CYPRE; SA MORT (449). — Dans cet intervalle, l'exil de Cimon et les dissensions par lesquelles les Grecs preludaient à la guerre du Peloponnese permirent aux Perses de se raffermir dans l'île de Cypre. Ils l'avaient entièrement recouvrée quand Cimon, de retour dans sa patrie, après avoir réconcilié les Grecs, dirigea de nouveau leurs efforts contre l'ennemi commun. Il partit avec deux cents navires (450), et vogua vers Cypre, qu'Artabaze et Megabyze furent charges de défendre. Il mit le siége devant Citium. Informé de l'approche de la flotte ennemie, il marcha à sa rencontre, la dispersa, et la poursuivit jusque sur les côtes de Phénicie. Puis, cinglant vers la Cilicie, où campait Mégabyze, il lui livra bataille, le vainquit, et revint dans l'ile qui, livrée à ses propres forces, devait bientôt succomber. Salamine avait dans ses murs une forte garnison de Perses, et elle était abondamment pourvue de munitions de guerre. Cimon investit cette place. Alors, selon Diodore de Sicile (1), Artaxerxe, effrayé, demanda la paix et subit ce traité si glorieux pour Cimon, qui y attacha son nom, si humiliant pour la Perse, qui signait ainsi l'aveu de sa défaite. « Toutes les villes grecques, selon ce traité, se gouverneront par leurs propres lois. Les satrapes perses ne descendront pas avec leurs troupes à plus de trois journées de marche vers la côte de la mer, et aucun de leurs vaisseaux longs ne naviguera entre Phaselis et les roches Cyanees. » Du reste, la realité de ce traité a été contestée avec raison. Plutarque le place vingt ans plus

(1) Diod., XII, 5.

tôt après la victoire de l'Eurymédon. Ni Thucydide ni Cornélius Nepos n'en font mention (1). En général les faits de cette époque sont peu connus : la mort de Cimon est rapportée de diverses manières : selon les uns, il mourut des sui tes d'une blessure, pendant le siége de Citium. Selon d'autres, une maladie l'emporta au moment où il stationnait dans les mers de Cypre, prêt à conduire sa flotte en Egypte pour y soutenir Amyrtée contre les Perses. Selon Thucydide, il avait déjà dépêché soixante navires au secours du roi égyptien. Après la mort de Cimon, la famine survint, et les Athé niens abandonnèrent leur double tentative sur Cypre et sur l'Égypte, qui retomberent bientôt sous le soug des Perses. Depuis cet événement, aucun des généraux grecs ne se signala désormais contre les barbares par quelque éclatant exploit. Les Grecs s'acharnerent les uns sur les autres, excités par des démagogues et des artisans de querelles, sans que personne se mit entre eux pour les séparer. Ces guerres intestines laisserent respirer le royaume des Perses, et frapperent la puissance des Grecs de coups irréparables (2). »

HISTOIRE D'ÉVAGORAS; SA NAIS

SANCE; SES COMMENCEMENTS.

L'œuvre dont le génie de Cimon, dont la politique d'Athènes avaient poursuivi l'exécution avec tant de persévérance, fut reprise à la fin du cinquième siecle avant l'ère chrétienne par un Grec de l'île de Cypre, qui osa seul se mesurer contre toutes les forces du grand roi, et qui déploya dans cette lutte inégale une habileté, une énergie et un courage à toute épreuve. Il se nommait Evagoras. Evagoras naquit à Salamine l'an 445, quatre ans après l'expédition et la mort de Cimon. Il descendait des anciens rois de Salamine; le sang de Teucer coulait dans ses veines, et son panégyriste Isocrate, transportant dans l'histoire de son héros d'anciennes fictions poétiques, fait remonter sa généalogie jusqu'à Jupiter (3). Le descendant de Jupiter et des Eacides fut réduit d'abord à une condition

(1) Cf. Engel, Kypros, I, 281.'

(2) Plutarq., Cimon., trad. Pierron, t. III, p. 31.

(3) Isocrat., Evag., 12.

privée dans la ville of avaient régné ses ancêtres. Peu de temps auparavant la race de Teucer s'était vue depossédée du trône de Salamine. Grâce sans doute à l'appui de la Perse, un Phénicien, nomme Abdémon, s'etait emparé du pouvoir dans cette ville, l'avait remplie de soldats barbares, et travaillait à soumettre toutes les autres cités à la domination du grand roi, son protecteur (1). Evagoras etait de sang royal. Il avait de l'ambition et toutes les qualités brillantes qui subjuguent les hommes. Ii devint suspect au tyran, conspira ou fut accusé de le faire, fut contraint de s'expatrier pour sauver sa tête, et se retira à Soli, ville voisine de Cypre, située sur la côte de Cilicie. Loin de l'abattre, la persécution aiguisa son courage; il jura d'affranchir Salamine ou de perir, et, reparaissant à l'improviste dans l'ile avee cinquante partisans dévoues, il parvint, soutenu par les bonnes dispositions de la population grecque, à chasser le tyran etranger et à détruire le parti des Perses (410).

PROGRES DE LA PUISSANCE D'EVAGORAS; SES RELATIONS AVEC ATHENES. Le succès de cette entreprise les progrès de la puissance d'Évagoras, qui travailla avec persévérance à s'emparer de l'île entière, montrent assez que Cypre ne tenait que par de faibles liens à l'empire persan, qui commençait à se dissoudre. Darius Nothus et ArtaxerxèsMnemon, qui lui succéda, absorbés par les embarras de la politique extérieure et les révoltes du dedans, laissèrent Evagoras s'affermir et s'étendre. Il paraît même, par ses relations avec les satrapes perses, qu'il n'était plus consideré comme un ennemi, et que la cour de Suse s'était résignée à son élévation. Isocrate remarque qu Evagoras consolida son pouvoir par son excellente adminis tration. Il rendit le commerce et l'agriculture très-florissants dans son petit royaume, et créa une armée et une marine respectables. La guerre du Péloponnèse durait encore. Evagoras prit parti pour Athenes, qui lui avait accordé le titre de citoyen et qui avait tant combattu pour l'indépendance de l'île de Cypre; et,

(1) Engel, Kypros, I, 288; Diod., Sicul., XIV 08.

après la bataille d'Agos-Potamos, ce fut auprès d'Évagoras que l'Athénien Conon se retira avec les débris de sa flotte, moins pour sa sûreté, dit Plutarque (1), que pour attendre quelque changement dans les affaires, comme on attend pour s'embarquer le retour de la marée (405). Conon et Évagoras contractèrent une étroite amitié, et se rendirent de mutuels services. Conon avait quelque crédit à la cour du roi de Perse: il parvint, par l'entremise de l'historien Ctésias, médecin d'Artaxerxe, à apaiser les mécontentements de ce prince contre Evagoras, qui rentra en grâce auprès de lui. Tranquille de ce côté, les deux amis concurent le grand dessein d'abattre ou du moins d'affaiblir la puissance de Sparte, tyrannique pour la Grèce, menaçante pour la Perse, et de relever la gloire et le nom d'Athènes, leur commune patrie. Les victoires d'Agesilas en Orient facilitèrent la réussite de leur projet. De tous côtés, les satrapes de l'Asie Mineure adressaient des plaintes à Artaxerxe contre les Lacédémoniens, qui ravageaient leurs provinces, et auxquels ils ne pouvaient tenir tête. Alors les Perses, qui avaient soutenu Sparte dans le temps qu'Athènes était puissante, sougèrent à relever Athènes pour l'opposer aux projets des Spartiates, formidables à leur tour. Recommandé au grand roi, soutenu par Évagoras et Pharnabaze, Conon équipe dans les ports de Phénicie et de Cilicie une flotte de trois cents voiles. Puis, pour vaincre l'indécision de la cour du grand roi, Conon, dans son impatience de réparer la honte d'Egos-Potamos, quitte sa flotte, traverse la Syrie, passe l'Euphrate à Thap saque, se rend à Babylone, obtient une audience d'Artaxerxe, qui lui accorde des subsides et le nomme au commandement de sa flotte. Ses efforts ne furent pas sans récompense. Conon remporta sur Pisandre, frère d'Agésilas, sa célèbre victoire de Cnide, qui porta à la puissance de Sparte un coup mortel (394). En reconnaissance des services importants que leur avaient rendus Conon et Évagoras, les Athéniens leur érigèrent des statues (2).

(1) Plut., Artax., c. xxi. (2) Isocr., in Evag.; Paus., I, 3, Į,

ÉVAGORAS EST ATTAQUÉ PAR LES PERSES; SIÉGE DE SALAMINE.-Encouragé par les succès de Conon et la restauration de la puissance athénienne, Evagoras, qui songeait toujours à faire de l'île de Cypre un seul royaume, reprit l'exécution de ce grand projet. Emplovant tour à tour la force ou la ruse, il s'empara de presque toutes les villes de Cypre, excepté Amathonte, Soli et Citium. Ces trois cités, vivement pressées par Évagoras, implorèrent l'appui d'Artaxerxe. Le roi leur fit une réponse favorable, ordonna aux gouverneurs des provinces maritimes d'équiper une flotte, et il chargea Hecatomnus, satrape de Carie, du commandement de la guerre contre Évagoras. Mais, occupé ailleurs par des soins plus importants, Artaxerxe ne put donner à cette affaire une sérieuse attention. La guerre, mollement conduite, languit pendant six ans (392-387), et cette résistance d'un petit prince d'une île grecque couvrait de confusion le nom persan, déjà tant compromis par le succès de la retraite des Dix-Mille. Enfin, quand Artaxerxe eut conclu le traité d'Antalcidas, quand il fut libre du côté des Grecs, il se tourna tout entier vers la guerre de Cypre, et attaqua Evagoras avec toutes ses forces (386) (1).

Une armée de trois cent mille hommes, sous la conduite d'Oronte, gendre du roi, une flotte de trois cents trirèmes confiée à Téribaze, partirent de la Cilicie et abordèrent à l'île de Cypre. Évagoras avait une flotte de quatre-vingt-dix trirèmes, dont vingt etaient fournies par les Tyriens, qui lui obéissaient, et soixantedix par les Cypriens. Son armée de terre se composait de six mille hommes et d'un plus grand nombre de troupes alliées. Il avait pris à sa solde un grand nombre de mercenaires. Il avait fait un traité d'alliance avec Achoris, roi d'Égypte, dont il obtint des secours considérables. Il entretenait des intelligences secretes avec tous les ennemis du grand roi; un chef de tribus arabes et d'autres souverains mécontents lui fournirent des corps nombreux d'auxiliaires. La réunion de toutes ces forces était peu de choses en comparaison du formidable

(1) Diod. Sicul., XV, 2.

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appareil des Perses. Mais Évagoras comptait sur son courage et sur sa fortune. I couvrit la mer de bâtiments légers, qui arrêtèrent les convois de vivres envoyés aux Perses, qui souffrirent beaucoup de la famine. Une sedition éclata dans leur camp, et ne s'apaisa qu'à l'arrivée des blés de Cilicie. Quant à Evagoras, il avait reçu des approvisionnements considerables de son allié Achoris

Cependant Évagoras, ayant porté sa flotte à deux cents navires, attaqua les Perses, pour décider son sort par une grande bataille. Victorieux dans une première action, il en vint une seconde fois aux mains, et fut vaincu. Bientôt Salamine fut investie par mer et par terre; et réduit à ses seules forces, Evagoras ne pouvait tenir longtemps. Il le sentait bien aussi, laissant à son fils Protagoras le soin de defendre Salamine, il s'échappa de nuit avec dix galères, et se dirigea vers l'Egypte. Il pressa vivement son allié Achoris de le soutenir contre un ennemi qui était aussi le sien.

Evagoras n'obtint pas d'Achoris tout ce qu'il en avait attendu (1). A son retour, il trouva Salamine vivement pressée par les Perses; et, se voyant aban donné de ses alliés, il demanda à capituler. Téribaze lui imposa pour condition d'évacuer toutes les villes de Cypre, à l'exception de Salamine, dont Évagoras resterait souverain en payant un tribut annuel au roi de Perse, en lui obéissant comme un serviteur à son maître. L'extrémité où Évagoras était réduit l'obligea d'accepter les autres conditions, quelque dures qu'elles fussent; mais il ne put jamais se résoudre à consentir à la dernière, et persista toujours à déclarer qu'il ne pouvait traiter que de roi à roi. De son côté, Téribaze ne rabattait rien de ses prétentions; et il paraissait inévitable qu'Evagoras devait céder ou périr, lorsque la basse jalousie d'Oronte, l'autre général, fit retirer le commandement à Téribaze. Il écrivit secrètement à Artaxerxe que Téribaze songeait à se révolter; et le roi, trompé par cette calomnie habilement présentée, charge Oronte luimême d'arrêter Téribaze, et lui confie le soin d'achever seul la guerre. Pendant

(1) Diod. Sicul., XV, 8.

ces intrigues, le siége languissait. Évagoras reprit courage; il rompit les négociations, et se remit à résister vigoureusement. Oronte se vit bientôt dans un cruel embarras : l'ennemi le bravait, ses soldats, mécontents du départ de Téribaze, se débandaient et refusaient de lui obeir. Alors il désira un accommodement. Il fait parler sous main & Évagoras: on reprend la négociation au point où l'avait laissée Teribaze, mais on en retranche la condition humiliante qui avait empêché la conclusion du traité. Evagoras conserve le titre de roi de Salamine, en payant un tribut annuel et en se soumettant comme un roi qui obéit à un roi qui ordonne. Ainsi, après dix ans d'hostilités et un déploiement de forces immenses, Artaxerxes n'avait pu renverser du trône un petit prince grec qui l'avait bravé. Évagoras restait roi, et Artaxerxe n'obtenait qu'une incomplète satisfaction (385). C'était pour les Grecs un nouvel encouragement à tout entreprendre contre l'empire des Perses. Après cette guerre, Evagoras régna encore treize ans à Salamine. Il fut assassiné, selon Diodore, par un eunuque, appelé Nicoclès, qui usurpa le pouvoir. Theopompe appelle cet eunuque Thrasydee, et il donne pour raison de ce meurtre l'outrage fait par Evagoras à la fille de Nicocréon, autre roi de Cypre (1). Si telle fut vraiment la fin d'Evagoras, on doit singulièrement rabattre de l'éloge pompeux qu'en fait Isocrate dans son panégyrique. Il est vrai que ce discours était un éloge funebre commandé et payé à Isocrate par Nicoclès, fils d'Évagoras, et un panégyrique d'Isocrate n'est pas plus de l'histoire que la Cyropédie de Xénophon.

REGNE DE NICOCLÈS (374). — Évagoras eut deux fils, dont l'aîné s'appelait Protagoras et l'autre Nicoclès, qui lui succéda. Il nous reste encore deux harangues d'Isocrate à Nicoclès, l'une qui traite de la royauté et de la politique des princes, et l'autre où l'écrivain présente Nicoclès comme le modèle des rois, et où il trace les devoirs des sujets envers le souverain. On sent dans tous ces écrits

(1) Diod., XV, 47; Arist., Polit., V, 8, 10; Theopomp., ap. Phot., 176; frag. Hist. Græc., coll. Didot, I, p. 295.

l'influence des munificences du prince cyprien; mais il faut savoir gré à Isocrate de les avoir remplis de sentiments honnêtes et d'idées justes, capables de tourner au bien un jeune prince qui avait été son disciple. Nicoclès avait été envoyé à Athènes par son père, et il avait fréquenté l'école d'Isocrate, avec lequel il entretint toujours d'amicales relations. On peut juger du caractère de Nicoclès d'après ce que rapportent Théopompe(1), Anaximène et Elien de la singulière émulation de plaisirs, de luxe et de débauches qui s'établit entre le roi de Salamine et le roi de Tyr, Straton, prince également magnifique et voluptueux. Chacun s'efforçait d'éclipser son rival par la recherche et la somptuosité de ses fêtes et de ses réjouissances. Au plus fort de cette lutte épicurienne, la mort les surprit violemment et à l'improviste. Le règne de Nicoclès avait toujours été fort agité, comme le fait assez comprendre le second discours qui lui fut adressé par Isocrate. On lui imputait le trépas de son père, et ses sujets lui contestaient le droit de régner. A la suite de longues agitations, qu'Isocrate essaye vainement de calmer par ses harmonieuses périodes, une insurrection éclata. Nicoclès tomba du trône, et fut mis en prison, où il mourut (351). Évagoras II lui succéda.

ÉVAGORAS II (352); PROTAGORAS; NOUVELLE TENTATIVE DES PERSES POUR RÉDUIRE L'ÎLE DE CYPRE. Il est probable que cet Evagoras était fils de Nicoclès. A peine établi sur le trône, il en fut renversé par Pythagoras ou Protagoras, que l'on croit être le fils d'Éva goras I. Sur ces entrefaites, une nouvelle révolution éclate dans les provinces maritimes de l'empire persan. La Phénicie, l'Egypte, l'île de Cypre se soulèvent à la fois contre l'autorité d'Artaxerxe Ochus. Les neuf rois de l'île de Cypre refusent de payer tribu au grand roi (2), qui ordonne à Idriée, roi tributaire de Carie, de les faire rentrer dans le devoir. Idriée fit construire rapidement quarante trirèmes, mit sur pied une armée de huit mille mercenaires, qu'il envoya en Cypre sous les ordres de Phocion l'Athénien

(1) Dans Athénée, XII, 521; Ælian., Hist. var., VII, 2; Engel, Kypros, I, p. 330. (2) Diod. Sicul., XVI, 42.

et du prince détrôné Évagoras. Tel était l'abaissement politique des Grecs : après avoir mendié les secours des Perses pour se déchirer entre eux, ils combattaient à leur service pour rétablir leur domination, et Phocion allait leur rendre une ile qu'autrefois Cimon avait essayé d'affranchir. Phocion et Évagoras vinrent assiéger Salamine, dont la prise devait assurer la soumission des autres villes. Les petits rois de Cypre n'attendirent même pas que Salamine ait succombé; ils se replacèrent sous le joug. Seul, Protagoras osa résister. Il savait qu'Evagoras réclamait la souveraineté de Salamine et qu'il se faisait fort de la recevoir des mains des Perses. Il n'y avait de salut pour lui que dans une résistance désespérée. L'événement justifia cette courageuse résolution. Évagoras devint suspect à Ochus; rappelé auprès du roi, il se justifia; mais on ne parla plus de lui rendre Salamine. Protagoras, s'étant soumis volontairement, régna paisiblement à Salamine jusqu'à la fin de sa vie Quant à Évagoras, il avait obtenu en Asie une souveraineté plus considérable que son patrimoine de Cypre. Mais il se compromit encore par sa turbulence, reparut dans l'île de Cypre, où il fut arrêté et mis à mort.

L'ILE DE CYPRE SOUS LA DOMINATION D'ALEXANDRE LE GRAND (330).

Vingt ans après ces derniers événements, l'édifice de la monarchie persane, mal consolidé par un despotisme inintelligent et ébranlé par tant de commotions intérieures, s'écroula sous les coups du héros macédonien. L'ile de Cypre fut une des premières provinces qui se détacha de l'empire de Darius. Pendant que Tyr arrêtait par une résistance opiniâtrela marche triomphale d'Alexandre, les rois de Cypre se donnèrent à lui avec empressement, et mirent à sa disposition toutes leurs forces navales. Les contingents fournis par les villes cypriennes venaient fort à propos dans cette guerre maritime qu'Alexandre n'avait pas prévue, et il leur dut en grande partie l'heureuse conclusion de ce siége mémorable (1). Pythagoras s'y distingua par

(1) Arrien, II, 17, 20; Quint.-Curt., IV, 3; les historiens d'Alexandre appellent Pnytagoras le roi de Salamine. On peut douler

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