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trois plus braves officiers, Damophile, Menedeme et Amyntas. Ceux-ci revinrent chargés d'un riche butin, emmenant avec eux quelques galères et plusieurs barques enlevées à l'ennemi et un grand nombre de prisonniers. Ménédème captura, entre autres, un navire ayant à bord des lettres, des vêtements, des ornements royaux que Phila, femme de Démétrius. faisait passer à son mari. Ménédème envoya tous ces objets à Ptolémée, roi d'Egypte, action qui manquait de délicatesse, et bien différente de la conduite honnête et loyale des Athéniens, qui, selon Plutarque, ayant arrêté les courriers de Philippe, avec qui ils étaient en guerre, ouvrirent toutes les lettres qu'ils portaient, mais ne touchèrent point à celles d'Olympias, qu'ils renvoyèrent sans les avoir décachetées. Quelque temps après, on proposa dans l'assemblée du peuple, à Rhodes, de renverser les statues élevées autrefois à Antigone et à Démétrius; mais le peuple, n'écoutant que ses sentiments naturels de respect pour les règles de bienséance et d'honneur, repoussa unanimement cette proposition. Une résolution si équitable et si prudente, quelle que fût l'issue du siége, faisait infiniment d'honneur aux Rhodiens; et dans le cas où la ville serait prise, elle pouvait leur servir beaucoup auprès du vainqueur.

On travaillait aussi très-activement, du côté de Démétrius, à creuser des mines, du côté des Rhodiens à les éventer. Pendant que ces travaux souterrains s'exécutaient secrètement de part et d'autre, quelques agents de Démétrius entreprirent de corrompre le Milésien Athénagore, chef de la garde des Rhodiens. Celui-ci feignit de se laisser gagner, et s'engagea a introduire l'ennemi dans la place; et en même temps il dévoilait toute l'intrigue au sénat de Rhodes. Sur la foi des promesses d'Athénagore, une troupe de soldats commandée par le Macédonien Alexandre, ami de Démétrius, s'engagea dans la mine et se laissa surprendre. Le peuple décerna à Athénagore une couronne d'or et un présent de cinq talents.

Enfin, Démétrius ordonna un grand assaut. L'hélépole, garnie à tous ses étages de balistes et de catapultes, flanquée de deux béliers de cent vingt coudées de

longueur, fut approchée des murailles, et à un signal donné, les troupes poussèrent le cri de guerre, et l'attaque commença sur tous les points. Pendant que les béliers et les catapultes ébranlaient la muraille, une députation de Cnidiens se présenta à Démétrius, le priant de cesser le siége et lui promettant d'obtenir des Rhodiens tout ce qu'on pourrait exiger d'eux. L'attaque fut suspendue; on négocia, mais on ne put s'entendre, et le siége recommença avec plus d'ardeur. Demétrius parvint à abattre une des plus grosses tours de l'enceinte; mais la résistance des Rhodiens fut si vigoureuse, qu'il fut impossible aux assiégeants de pénétrer par la brèche. Sur ces entrefaites les assiégés, qui commençaient à manquer de vivres, reçurent un convoi de vivres envoyé par Ptolémée. Il ne montait pas à moins de trois cent mille artabes (138,000 hectolitres) de blé et de légumes. De son côté, Cassandre leur envoya dix mille médimnes d'orge, et Lysimaque quarante mille médimnes de froment et autant d'orge.

Ranimés par ces renforts, soutenus par les témoignages d'intérêt qu'ils recevaient de tous côtés, les Rhodiens prirent l'offensive, et résolurent de mettre le feu aux machines de l'ennemi. Pendant une nuit obscure, ils font une sortie, attaquent impétueusement la garde du camp ennemi, et accablent les machines de projectiles enflammés. Quelques plaques de fer étant tombées de l'hélépole, les Rhodiens essayèrent de mettre le feu au bois; mais les gens de service l'éteignaient aussitôt au moyen de l'eau contenue dans des réservoirs dont chaque étage était pourvu, et les Rhodiens furent obligés de renoncer à leur tentative. Ainsi ni les Rhodiens ni Démétrius ne réussissaient dans aucune de leurs attaques, et de part et d'autre on avait toujours le dessus dans la défense. Au lever du jour, Démétrius fit ramasser par ses serviteurs les traits qui avaient été lancés par les Rhodiens. On compta ainsi plus de huit cents projectiles enflammés, et au moins quinze cents traits lancés par les balistes. Ce nombre étonna Démétrius, qui ne croyait pas que les Rhodiens eussent des moyens de defense si redoutables. Il fit inhumer ses morts, panser ses blessés et réparer

les machines qui avaient été démontées et mises hors de service.

Dans la prévision d'un nouvel assaut, les Rhodiens mirent à profit ce temps de relâche pour construire un troisième mur d'enceinte, dans la partie la plus exposée aux attaques de l'ennemi. Puis, ils creusèrent un fossé large et profond, derrière la brèche, pour empêcher le roi de pénétrer par un coup de main dans l'intérieur de la ville. Encouragés par le succès de leurs dernières tentatives, ils ordonnèrent de nouvelles courses en mer. Le navarque Amyntas prit les meilleurs navires de la flotte, et alla croiser sur les côtes de l'Asie, où il captura des pirates au service de Démétrius, des navires marchands et des bâtiments chargés de blé. Il rentra heureusement, pendant la nuit, dans le port de Rhodes avec tout son butin.

Cependant, les machines étant répa rées, les hostilités avaient recommencé avec la même vivacité qu'auparavant. Mais le siége ne faisait aucun progrès; Rhodes recevait de nouveaux renforts. Ptolémée lui envoya un convoi de blé, aussi considérable que le premier, et un secours de quinze cents hommes commandés par Antigone le macédonien. En même temps arrivèrent auprès de Démétrius plus de cinquante députés, envoyés tant par les Athéniens que par les autres villes de la Grèce. Tous ces députés vinrent solliciter le roi de faire la paix avec les Rhodiens. Un armistice fut accordé; mais après de longs pour parlers entre le peuple de Rhodes et Démetrius, on ne put s'entendre, et les députés partirent sans avoir rien obtenu.

Démétrius tenta encore un dernier effort. Voulant diriger une attaque nocturne contre la brèche ouverte, il choisit quinze cents soldats d'élite, en confia le commandement à Alcime et à Mantias, et leur ordonna d'approcher en silence de l'enceinte vers l'heure de la seconde veille, de forcer les retranchements élevés derrière la brèche et de pénétrer dans la ville. Pour faciliter l'exécution d'un ordre si important, mais si dangereux, il fit en même temps sonner la charge, et mena toutes ses autres troupes à l'attaque des murs tant par mer que par terre. Il espérait que les assiéges, obligés de se défendre sur tous les

points, ne pourraient repousser la troupe d'Alcime et de Mantias; cette feinte eut d'abord tout le succès que le prince en avait espéré. A la faveur de la confusion générale, le détachement des quinze cents franchit la brèche, renversa tous ceux qui défendaient les retranchements, et vint occuper les environs du théâtre. L'alarme fut grande dans la ville; mais les chefs firent face au danger avec sang-froid et courage : ils ordonnèrent à tous les officiers et soldats de rester chacun à leur poste et de repousser les assaillants. Après cela, prenant l'élite de leurs troupes et celles qui étaient arrivées tout récemment d'Egypte, ils vinrent fondre sur le détachement qui s'était avancé jusqu'au théâtre. Cependant le jour parut, et Démétrius donna le signal d'un assaut général. Aussitôt toute son armée poussa le cri de guerre, et l'on se battit sur tous les points et dans l'intérieur de la ville qui retentissait des clameurs des combattants et des gémissements des enfants et des femmes, qui s'imaginaient que la ville était prise. Les remparts et le port furent si bien défendus que l'ennemi ne put les forcer. On se battit vivement auprès du théâtre, et les soldats de Démétrius garderent longtemps leur poste. Mais enfin les Rhodiens, qui combattaient pour leur patrie, pour leurs familles, pour leurs temples, firent des prodiges, et écrasèrent les troupes du roi. Alcimus et Mantias périrent pendant l'action. La plupart des soldats restèrent sur le terrain, les autres furent faits prisonniers. Un petit nombre seulement parvint à s'échapper.

Il y avait plus d'un an que ce siege était commencé, et il n'était pas plus avancé qu'au premier jour. On paraissait toujours déterminé des deux côtés à se battre, et Démétrius se préparait à un nouvel assaut, quand on vint lui apporter des lettres d'Antigone, son père, qui lui mandait de traiter avec les Rhodiens à la première occasion favorable. D'un autre côté, Ptolémée, tout en promettant aux Rhodiens des secours encore plus considérables que les premiers, les avaient exhortés à traiter dès qu'ils pourraient le faire honorablement. IIs sentaient l'extrême besoin de faire finir un siége où ils auraient enfin succombé. De sorte que les deux par

tis inclinaient également vers la paix. Sur ces entrefaites arrivèrent des députés de la ligue étolienne, qui servirent de médiateurs. La paix fut enfin conclue aux conditions suivantes : la ville de Rhodes gardera son indépendance et ses revenus; les Rhodiens fourniront à Antigone des troupes auxiliaires, excepté dans le cas où il marcherait contre Ptolémée. Ils donnèrent cent otages comme garants du traité, après lequel Démétrius mit à la voile, et passa en Grèce où son pere l'envoyait contre Cassandre. Pline (1) raconte qu'au moment où Demetrius assiégeait Rhodes le célèbre peintre Protogene de Caunus composait alors un tableau représentant quelques traits de l'histoire du héros Jalysus. L'atelier de Protogène était dans un petit jardin situé dans un faubourg de la ville dont s'était emparé Démétrius. La présence de l'ennemi et le tumulte de la guerre ne troublerent point Protogène; il resta dans sa demeure, et continua son travail. Démétrius en fut surpris; il le fit venir, et il lui demanda comment il restait avec tant d'assurance hors des murs: « Je sais, répondit l'artiste, que vous faites la guerre aux Rhodiens, et non aux arts.» Demétrius était capable de comprendre un si noble langage. Touché de la confiance que lui témoignait Protogène, il lui donna des gardes pour le protéger, afin qu'au milieu du camp même il fut en repos ou du moins en sûreté. Il allait souvent le voir travailler, et ne se lassait point d'admirer son application à l'ouvrage et son extrême habileté. Plutarque ajoute que les Rhodiens, craignant d'abord que Démétrius ne détruisît ce chef-d'œuvre, lui avaient envoyé des députés pour le supplier de Fépargner. « Je brûlerais plutôt tous les portraits de mon pere, avait répondu le prince, que de détruire un si bel ouvrage. » Cette conduite fait infiniment d'honneur à Démétrius, en ce qu'elle montre qu'il avait un esprit délicat et un caractère généreux. Mais il eût poussé son goût pour les arts jusqu'à un exces ridicule si, comme le prétend Pline, il s'était abstenu de prendre Rhodes par respect pour ce tableau, et s'il eût mieux aimé renon

40.

(1) Pline, Hist. Nat., 1, XXXV, c. xxxvi,

cer à la victoire que de s'exposer à faire périr par le feu un si précieux monument de l'art. Nous avons vu les veritables raisons qui obligerent Démétrius à lever le siege; le tableau de Protogène n'y fut pour rien. Une autre circonstance, que Diodore de Sicile n'a pas rapportée, et qui se trouve dans Végece (1), contribua peut-être réellement a disposer Demétrius à la paix. Ce prince, se préparant à approcher de nouveau l'helepole contre les murailles, un ingénieur rhodien imagina un moyen de la rendre tout à fait inutile. Il ouvrit une galerie souterraine, qui passait par dessous les murs de la ville, et il la poussa sous le chemin par où la tour devait rouler jusqu'aux murs. Cette mine fut pratiquée à l'insu des assiégeants, qui conduisirent l'helepole jusqu'a l'endroit où le terrain était creusé; le poids de la tour fit fendre la terre, dans laquelle elle s'abima sans qu'on pût jamais la retirer. Végece et Vitruve, qui semble confirmer ce récit en en changeant néanmoins quelques circonstances, disent que cet accident détermina Démétrius à accorder la paix aux Rhodiens. Il est au moins certain, dit Rollin, qu'il eut beaucoup de part à lui faire prendre enfin ce parti.

En quittant Rhodes, Démétrius laissa aux Rhodiens toutes les machines qu'il avait fabriquées pour s'emparer de leur ville. Ils les vendirent pour 300 talents, et consacrèrent cet argent à faire ce fameux colosse que l'on comptait parmi les sept merveilles du monde, et qui était consacré à Apollon. Les Rhodiens témoignèrent aussi leur reconnaissance envers les princes qui les avaient secourus. Ils éleverent des statues à Cassandre et à Lysimaque, et à d'autres alliés moins célèbres. Mais ils se surpasserent pour honorer Ptolémée, dont ils avaient reçu le plus de secours. Après avoir consulté l'oracle d'Ammon, pour savoir s'ils devaient honorer ce prince comme un dieu, et obtenu de l'oracle une réponse affirmative, ils élevèrent dans leur ville un temple auquel ils donnèrent le nom de Ptolemeum (2). Ce temple était de forme carrée, et chaque côté, d'un stade de long, avait un portique. On n'oublia

(1) Veget., De Re Milit., c. 1v. (2) Diod. de Sicile, l. XX, c. 1oo.

pas de récompenser le zèle des particuliers par de flatteuses distinctions, et les services des esclaves en leur donnant la liberté et le rang de citoyen. Puis on reconstruisit le théâtre, on répara les murailles et tous les points qui avaient souffert pendant le siége. En peu de temps on fit disparaître toutes les traces de la guerre, et Rhodes sortit de cette terrible épreuve plus puissante et plus glorieuse que jamais.

ÉTAT DE RHODES AU TROISIÈME SIÈCLE AVANT J.-C. Il en est d'un peuple comine d'un homme; une grande action le rehausse et l'ennoblit. Après avoir repoussé Démétrius, les Rhodiens devinrent un État considérable et une puissance maritime de premier ordre. Leur commerce ne fit que s'étendre et prospérer de plus en plus, et tous les rois de l'Asie, tous les États grecs recherchaient leur amitié et vivaient en bonne intelligence avec eux. Rhodes éprouva bientôt les effets de cette bienveillance générale qu'elle avait inspirée, après le tremblement de terre de l'an 222, qui faillit la bouleverser de fond en comble. Dans leur détresse, les Rhodiens députèrent à tous les princes, leurs alliés, et aux cités grecques pour implorer leurs secours (1). Chacun s'empressa de contribuer, selon ses ressources, au soulagement de cette ville infortunée. Hiéron et Gélon en Sicile, et Ptolémée Evergète en Égypte se signalèrent entre tous les autres. Les premiers fournirent plus de 100 talents en argent, des vases de prix, des machines, des matériaux, et firent dresser sur une place de Syracuse deux statues représentant le peuple Rhodien et le peu ple Syracusain qui mettait au premier une couronne sur la tête. Ptolémée, sans parler de beaucoup d'autres dépenses, qui montaient à des sommes considérables, envoya 300 talents, un million de mesures de froment, des matériaux pour construire dix navires à cinq rangs de rames, et autant à trois rangs, des architectes pour relever la ville, et en particulier la somme énorme de 3,000 talents pour rétablir le colosse qui avait été renversé par le tremblement de terre. Antigone Doson, roi de Macédoine, et sa femme Chryseis, Séleucus roi de Syrie,

(1) Polyb., V, 88-91,

Prusias de Bithynie, Mithridate V, roi de Pont, tous les dynastes de l'Asie, aussi bien que toutes les villes, signalèrent leur libéralité. Outre les présents qu'on leur faisait, on accordait aussi aux Rhodiens des immunités et des franchises, qui accrurent encore leur prospérité commerciale, de sorte qu'en peu de temps Rhodes se retrouva plus opulente et plus magnifique qu'elle n'avait jamais été. Il n'y eut que le colosse qui ne fut pas rétabli. Les Rhodiens prétendirent que l'oracle de Delphes leur avait défendu de le relever, et ses débris restèrent gisant à la place où il s'était abattu, pendant près de neuf siècles.

Pendant la plus grande partie du troisième siècle avant l'ère chrétienne, on manque de renseignements sur l'histoire de l'île de Rhodes. Cette lacune, qui est de près de quatre-vingts ans, ne cesse qu'avec Polybe, dont les écrits nous rendent la suite interrompue des événements relatifs à cette île. L'an 221 Philippe III montait sur le trône de Macédoine. La Grèce était partagée en deux ligues, celle des Achéens et celle des Etoliens, qui s'affaiblissaient l'une l'autre par leur rivalité. Au milieu des conflits qui s'élevèrent entre ces différentes puissances, les Rhodiens, dont l'intérêt suprême était de faire respecter la liberté du commerce, devaient intervenir en faveur des Achéens, peuple paisible et ami des lois, contre la ligue étolienne, adonnée au brigandage et à la piraterie, et contre Philippe, qui prétendait à l'empire de la mer. Telle est la politique des Rhodiens à cette époque, dans tous les événements où nous les voyons mêlés: assurer la liberté des mers et combattre toute puissance qui aspire à y dominer. Une marine considerable protège leur commerce, qui sert à l'entretenir, les fait respecter de tous les États voisins et rivaux, et assure la garantie de tous leurs intérêts commerciaux et politiques.

Ainsi l'Illyrien Démétrius de Pharos, s'étant ligué avec les Étoliens et Sparte, ennemis des Achéens, et ayant armé en course cinquante légers navires, vint parcourir et piller les Cyclades (1). En agissant ainsi, Démétrius de Pharos

(1) Polyb., Hist., I. IV, 17, 19.

violait le traité de paix que lui avaient imposé les Romains, et qui lui interdisait de naviguer au delà de l'île de Lissa. Les Rhodiens réprimèrent ce brigandage, et forcèrent Démétrius à fuir devant leur escadre, qui dominait dans la mer Égée (321).

GUERRE ENTRE RHODES ET BYZANCE. Quelque temps après, la libre navigation du Pont-Euxin fut menacée par une tentative des habitants de Byzance, qui exigèrent un droit de tous les navires qui franchissaient le Bosphore (1). Les intérêts des négociants de Rhodes étaient lésés par cette mesure, qu'ils essayèrent vainement de faire révoquer. Les Byzantins, qui avaient de lourdes dépenses à supporter pour se défendre contre les Thraces, ne voulurent pas renoncer à l'exploitation de cet impôt lucratif. On ne put s'en tendre, et la guerre fut déclarée (220). Les Rhodiens entraînèrent dans leur parti Prusias, roi de Bithynie, à qui Byzance avait refusé des statues; et les Byzantins obtinrent l'appui d'Achæus, beau-frère de Seleucus III, roi de Syrie, qui, profitant de la jeunesse du nouveau roi Antiochus III, venait de se déclarer indépendant en Asie Mineure. Tant que Byzance put compter sur l'appui d'Achæus, elle fit bonne contenance; elle suscita un prétendant au trône de Bithynie, et soutint vigoureusement la guerre. Mais les Rhodiens détachèrent Achæus de leur alliance en lui rendant son père Andromachus, qui était prisonnier en Égypte, et que le roi Ptolémée Philopator renvoya sur la demande des ambassadeurs de Rhodes. Gagné par ce bon office, et charmé des honneurs que la cité de Rhodes lui décerna, Achæus refusa ses secours aux Byzantins. Ceux-ci, trop faibles pour continuer seuls les hostilités, demandèrent la paix, dont les Rhodiens leur dictèrent les conditions. Byzance renonça au droit de péage qu'elle avait voulu percevoir, et le passage du Bosphore resta libre. Le succès de cette guerre ajouta encore à la puissance de Rhodes: les rois la traitaient avec la plus grande considération; bon nombre de villes recherchaient son patronage. C'est ainsi que les habitants

(1) Polyb., I. IV, 46-52.

de Cnosse demandèrent son appui contre les autres villes crétoises, et que ceux de Simope implorerent son secours contre les agressions du roi de Pont Mithridate V (1).

RELATIONS DE RHODES AVEC LA MACÉDOINE.-C'était le temps de cette lutte engagée entre les Adriens et les Etoliens que l'on appelle la guerre des deux ligues. Les Achéens avaient été obligés de se placer de nouveau sous la protection de la Macédoine, et Philippe III, vainqueur des Étoliens, marchait rapidement à la conquête de toute la Grèce. Les Rhodiens et leurs alliés s'inquiétaient des progrès de cette puissance macédonienne, qui prétendait toujours à la suprématie sur tout le corps hellénique, tandis que celui-ci s'épuisait et se livrait par ses dissensions. Des députés de Rhodes et de Chio vinrent trouver Philippe à Corinthe (2) et l'engagèrent à accorder la paix aux Etoliens. Le roi feignit d'y consentir, et se débarrassa d'eux en les envoyant chez les Etoliens pour qu'ils travaillassent à les amener à un accommodement. Il n'en continua pas moins la guerre avec vigueur, et ne se réconcilia avec les Étoliens qu'au moment où il se préparait à attaquer Rome. C'était l'usage parmi les États grecs que les cites neutres s'interposassent, par leurs ambassadeurs, pour rapprocher les États qui se faisaient la guerre et faire cesser des conflits contraires à l'intérêt général. Les cités maritimes étaient toujours les plus empressées à offrir leur mediation, parce qu'elles avaient toujours plus à gagner à la paix qu'à la guerre. Ainsi, dans le même temps les Rhodiens, aidés de ceux de Byzance et de Cyzique, faisaient tous leurs efforts pour réconcilier l'Égypte et la Syrie (3). Ce genre d'intervention n'avait pas toujours le résultat qu'on se proposait, et les puissances belligérantes pouvaient bien n'en pas tenir compte. Mais les députés qui

(1) Polyb., Hist., l. IV, 53, 56.

(2) Polyb., V, 24. Voyez dans Tite-Live, XXVII, 30, XXVIII, 7, d'autres ambassades des cités de Rhodes et de Chio pour mettre fin à cette guerre entre Philippe et les Étoliens.

(3) Polyb., V, 63.

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