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plébéiens (conscripti), qui furent quel ques années après remplaces dans les centuries équestres par quatre cents nouveaux chevalers. En même temps, il distribuait au peuple les terres du domaine royal, abolissait les douanes, faisait baisser le prix du sel, et assignait a chacun sept arpents de terre. Tactique doublement habile, qui, satisfaisant l'ambition des chefs, laissait la foule sans direction, tout en l'interessant par l'accroissement de sou bien-être à la cause des grands.

On rapporte encore a la première année de la république les lois du consul Valérius, qui rendit libre la candidature au consulat, prononça la peine de mort contre celui qui aspirerait a la royauté, fit baisser les faisceaux consulaires devant l'assemblée du peuple, et reconnut sa juridiction souveraine en portant la loi de l'appel. En signe du droit de vie ou de mort enlevé aux consuls, on ôta les haches des faisceaux dans l'intérieur de la ville et jusqu'à un mille de ses murs; au delà, les haches étaient rendues aux licteurs. Car les consuls en passant le premier mille recouvraient ce pouvoir illimité qui leur était aussi nécessaire à l'armée qu'il eût été dangereux dans la cité.

Ainsi les patriciens et les plébéiens restaient deux ordres distincts, profondément séparés par l'inegalité de leur condition : les uns descendants des premiers conquérants, et gardiens de l'ancien culte; les autres, foule mêlée, hommes de toute origine et de toutes religions, longtemps sujets du peuple souverain des Quirites et placés encore, comme n'ayant ni le même sang ni les mêmes dieux, sous l'outrageante interdiction des mariages. Heureusement l'assemblée centuriate les réunissait tous en un seul peuple, et cette union les sauva. Elle ne profita d'abord, il est vrai, qu'aux seuls patriciens, qui s'étaient faits dans les dépouilles royales la part du lion; mais les plebeiens les forceront peu a peu à un partage équitable.

LE TRIBUNAT PLEBEIEN. L'établissement du tribunat fut la première et la plus sûre victoire du peuple, car avant d'attaquer il fallait pouvoir se defendre. On a vu dans la première partie, page 63, comment se forma et

s'acerut durant les guerres royales l'irritation populaire. Ruine par la continuite du service militaire, par les ravages de Tennemi, par le taux écrasant du prêt à intérêt, le peuple, a bout de patience et de misère, se retira, dix-sept ans après l'expulsion de Tarquin, sur le mont Sacré, laissant les patriciens seuls dans leur ville, que l'ennemi menaçait lis n'en descendirent que quand Meneni is Agrippa leur eut fait sentir la nec ssité de l'union en leur contant l'apologue des membres et de l'estomac. Le senat, mettant en pratique le conseil doune par son propre envoyé, abolit la plus grande partie des dettes, et delivra tous les plebeiens retenus prisonniers comme insolvables.

Mais avant de rentrer dans la ville le peuple voulut une garantie que ces concessions seraient fidèlement executees; et les comices centuriates nommerent deux tribuns, Sicinnius et Brutus, qui eurent le droit de venir en aide au debiteur maltraite et d'arrêter par leur veto l'effet des sentences consulaires. Ces représentants des pauvres n'avaient ni le laticlave bordé de pourpre, ni les licteurs armés de faisceaux. Aucun signe exterieur ne les distinguait de la foule, au milieu de laquel e ils s'avançaient précedes d'un simple appariteur, et ils n'étaient même pas considérés comme magistrats. Mais, comme les féciaux sur le territoire ennemi, leur personne était inviolable: celui qui les trappait était dévoué aux dieux, et ses biens étaient confisqués au profit du temple de Cérès. Nul patricien ne pouvait devenir tribun (493).

Par cette création de deux chets du peuple (bientôt après cinq, plus tard dix), la révolte, purement civile, si je puis dire, dans son principe, se changeait presqu'en revolution, et devenait le plus grand événement de l'histoire interieure de Rome. « Ce fut, dit Ciceron, une première diminution de la puissance consulaire, que l'existence d'un magistrat qui n'en dépendait pas. La seconde fut le secours qu'il préta aux autres magistrats et aux citoyens qui refusaient d'obeir aux consuls. » Aussi les riches plebeiens adoptèrent ces chefs des pauvres comme ceux de l'ordre entier, et par leur influence dans les assemblées centuriates ils empê

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chèrent les patriciens de remplir le tribunat de leurs créatures, en attendant que le peuple arrachât, par une nouvelle victoire, le droit de les nommer luiinême dans des assemblées par tribus.

Ainsi soutenu de toute la classe plébéienne, ce pouvoir protecteur deviendra bientôt agressif, et nous verrons les tribuns, d'une part, étendre leur veto à tous les actes contraires aux intérêts populaires, de l'autre organiser le peuple politiquement, et lui faire reconnaître le droit de délibérer, de voter et d'élire. Plus tard, ils effaceront la distinction des ordres en proclamant le principe que la souveraineté réside dans le peuple, et un temps viendra où nul ne sera si puissant dans Rome qu'un tribun populaire. Ce pouvoir se souillera sans doute par des excès; mais sans lui la république, soumise à une oligarchie oppressive, n'aurait jamais rempli ses grandes destinées. « Ou Rome devait rester une monarchie, disait encore Cicéron, qui avait tant à se plaindre du tribunat, ou il fallait accorder aux plébéiens une liberté qui ne consistât pas en de vaines paroles. » Cette liberté, voici qu'elle commence pour eux, puisqu'il n'y a de libre que ce qui est fort, et de force pour les sociétés que dans la discipline. Disciplinée par ces nouveaux chefs, la commune populaire pourra maintenant soutenir une lutte régulière contre les grands, et conquérir, l'une après l'autre, toutes les magistratures. La cité patricienne, forcée de les recevoir, s'ouvrira aussi pour les Italiens, plus tard pour le monde ; et un grand empire sera le prix de cette union demandée et arrachée par les tribuns.

Dès l'origine, tous, patriciens et plébéiens, comprirent instinctivement l'importance de la révolution qui venait de s'opérer. Ce fut avec les cérémonies les plus solennelles, par des sacrifices et le ministère des féciaux, que la paix fut conclue et célébrée. Chaque citoyen jura l'eternelle observation de ces lois saintes, leges sacratas; et un autel élevé à Jupiter Tonnant sur l'emplacement du camp plebeien consacra la montagne où le peuple avait conquis ses premieres libertés. La vénération publique entoura jusqu'à son dernier jour l'homme qui avait réconcilié les deux ordres ; et quand

Agrippa mourut le peuple lui fit, comme à Brutus et à Publicola, de splendides funérailles.

PROGRÈS DE LA PUISSANCE TRIBUNITIENNE. Les tribuns, investis du seul droit d'opposition, veto, n'avaient aux mains qu'un bouclier pour en couvrir le peuple contre les violences des grands, du sénat et des consuls. Forts pour défendre, ils étaient impuissants dans l'attaque. Un patricien leur donna cette arme, qui leur manquait. En proposant sa loi agraire, qui lui coûta la vie, Spurius Cassius avait révélé aux tribuns le secret de leur puissance, l'agitation populaire. Le premier il jeta dans la foule ce grand mot: une nouvelle distribution de terre, et les tribuns après lui n'eurent qu'à le prononcer pour soulever au forum les plus furieuses tempêtes. Pour arrêter cette guerre inattendue et combattre le peuple avec ses propres armes, le sénat gagna d'abord quelques membres du college des tribuns, dont l'opposition arrêta le veto de leurs collègues. Tactique bonne pour un moment, mais au fond dangereuse, puisqu'elle montrait le sénat obligé de s'appuyer sur une partie du tribunat pour balancer l'influence de l'autre. De toutes manieres, soit en arrêtant l'effet des volontés du sénat et des consuls, soit en les favorisant, les tribuns gagnaient à ces manoeuvres un crédit, une autorité, qui tiraient ces chefs du peuple de l'obscurité où le senat aurait voulu les maintenir.

On

DROIT POUR LES TRIBUNS DU PEUPLE D'ACCUSER LES CONSULS. s'aperçut bien du chemin qu'ils avaient fait dans l'opinion quand, en 476, après la destruction de la petite armée des Fabius par les Véiens, sur les bords du Crémère, ils accusèrent de trahison le consul Ménénius, qui, commandant une armée dans le voisinage du champ de bataille, n'avait rien fait pour secourir et sauver les Fabius. Ménénius, accablé de honte et de douleur, se laissa mourir de faim. Ce succès était important. Jusqu'alors la puissance des tribuns avait été renfermée dans leur veto, que les consuls savaient bien rendre illusoire. Mais voici qu'ils se saisissent d'une arme nouvelle. Le désastre du Crémère et la douleur publique leur servent à conquérir le droit de citer des consuls, et

désormais les accusations tribunitiennes attendront au sortir de leur charge les magistrats qui se seront opposés à la loi agraire. Exclus des curies du sénat et des magistratures, annulés dans les centuries par l'influence prépondérante des patriciens; privés par la dictature de la protection tribunitienne, les plébeiens viennent de trouver le moyen d'intimider leurs plus violents adversaires, en les appelant devant leurs tribus, qui pour se rassembler et agir n'ont besoin ni de la permission du sénat ni de la consécration des augures. En moins de vingt-six années, sept consuls, des patriciens des plus illustres familles, furent accusés, condamnés, ou n'échappèrent à cette honte que par un exil ou une mort volontaires.

DROIT POUR LES PLÉBÉIENS DE FAIRE DES PLÉBISCITES. — Cette victoire fut bientôt suivie d'une autre. Voléro, nommé tribun en 472, à la suite d'une émeute qui avait chassé du forum les consuls avec leurs faisceaux brisés, proposa une rogation par laquelle les tribuns seraient élus à l'avenir, non dans les assemblées centuriates, où les patriciens obtenaient toujours quelques places pour leurs partisans ou leurs créatures, mais dans les assemblées par tribus, où les suffrages, comptés par tête et directement donnés, assuraient la majorité au petit peuple et à ses candidats. Cette loi devait rendre au tribunat toute sa séve démocratique. Les patriciens le comprirent, et pendant une année ils surent l'empêcher de passer; mais les plebéiens furent assez forts, même dans les centuries, pour réélire Voléro et lui adjoindre Lætorius, qui ajouta a la proposition Publilia : Les édiles seront nommés par les tribus, et les tribus pourront connaître des affaires générales de l'Etat, c'est-à-dire l'assemblee plébéienne aura le droit de faire des plébiscites. De son côté, le sénat fit arriver au consulat Appius Claudius, le plus violent défenseur des priviléges patriciens. La lutte fut vive; c'était le plus sérieux combat que le sénat avait eu à soutenir depuis la création des tribuns: on en vint aux mains, et le peuple, resté maître du forum, y vota la loi; puis en s'emparant du Capitole il força le sénat de l'accepter.

Vingt-quatre ans auparavant le peuple n'avait arraché aux patriciens la création des tribuns qu'en quittant la ville; aujourd'hui pour achever cette victoire commencée au mont Sacré, c'était la citadelle même de Rome qu'il occupait en armes. Quelle audace dans ces affranchis d'hier! quelle force dans ce peuple naguère si humble! La défaite de l'aris tocratie est maintenant certaine pour un avenir plus ou moins rapproche; car le peuple trouvera dans le tribunat, désor mais soustrait à l'influence des grands, une protection sérieuse, dans ses assemblees, qui ont le droit de faire des plébiscites (1), un moyen d'action dans son nombre, et enfin dans sa discipline une force toujours croissante.

Parmi les tribuns nommés après l'adoption de la loi Publilia se trouvait Sp. Icilius, qui, pour prévenir le retour de pareilles violences, se servit du droit de faire des plebiscites, qui venait d'être reconnu à la commune populaire, et fit passer cette loi : Que personne n'interrompe un tribun parlant devant le peuple; si quelqu'un enfreint cette defense, qu'il donne caution de se représenter. S'il y manque qu'il soit puni de mort et ses biens confisques.

En 493 les tribuns n'avaient que leur veto, en 476 ils s'attribuent le droit d'accuser les consulaires, et en 471 celui de faire rendre par le peuple des plébiscites. Ainsi vingt-trois années leur ont suffi pour organiser l'assemblée politique des plébéiens et en faire déjà dans de certaines limites un pouvoir législatif et judiciaire.

CONQUÊTE PAR LES PLÉBÉIENS DE L'ÉGALITÉ CIVILE. Quelque temps se passa dans le calme. Les chefs du peuple, satisfaits de leurs récentes conquêtes, laissèrent en paix pendant dix ans le sénat et les grands. Mais en 461 la lutte éclate avec plus de violence que jamais. Les plébeiens demandent cette fois la révision de l'ancienne constitution et une législation nouvelle; c'était trop

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vouloir à la fois, car ils n'étaient pas assez forts pour triompher d'un coup. Aussi leur victoire se fractionnera, si je puis dire: en 450 ils arracheront l'égalité civile; en 367, l'égalité politique; en 339 et 306, l'égalité judiciaire; en 302, l'égalité religieuse. Le décemvirat fut la conquête de l'égalité devant la loi civile.

Les consuls et les juges patriciens avaient jusque alors rendu la justice non d'après des lois écrites et connues de tous, mais en suivant d'anciennes et obscures coutumes qu'ils interprétaient arbitrairement, et qui livraient à leur pouvoir discrétionnaire le plaideur plebéien. Dans la constitution même rien n'était fixé, déterminé; nul ne savait où s'arrêtait la juridiction des magistrats, où cessaient les pouvoirs du sénat. Ce fut pour détruire cet arbitraire et ces incertitudes que le tribun Terentillus Arsa demanda en 461 que dix hommes fussent nommés pour rédiger et publier un code de lois; le sénat repoussa avec violence cette proposition, et pour gagner du temps il chercha à arrêter le tribun par le veto d'un de ses collègues. Mais ils avaient tous juré de rester inébranla. blement unis; et ni ruses, ni menaces, ni présages sinistres ne purent les détourner du but.

Le sénat essaya de détourner l'attention du peuple par des concessions qui semblaient d'un intérêt plus immédiat. En 454 il accepta la loi Icilia, qui distri buait au peuple les terres du domaine public sur l'Aventin, après avoir autorisé le tribun Icilius, auteur de cette rogation, à la venir defendre au sein même de la curie. Innovation de laquelle sortit le droit pour les tribuns de siéger et de parler dans le sénat; plus tard, même celui de le convoquer. L'année suivante le consul Aternius mit un terme à l'arbitraire des consuls dans la fixation des amendes, en determinant quels en seraient le minimum et le maximum. On espérait donner ainsi le change au peuple; mais les tribuns ne laissèrent au sénat ni trêve ni relâche, et il fallut accepter les décemvirs.

Nous n'avons pas à raconter leur gouvernement et leur chute, ni même à exposer l'ensemble de leurs lois. Nous relèverons seulement celles des disposi

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1o Dispositions favorables aux plébéiens. « Celui qui prêtera à plus de 8 un tiers pour 100 rendra au quadruple; que le nexus (l'esclave pour dettes) ne soit pas regardé comme infâme. » Protection pour le débiteur contre l'usurier.

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« Dans les questions d'État, qu'on adjuge la provision en faveur de la liberté. » Protection pour le faible contre le puissant. Que le faux témoin et le juge corrompus soient précipités. » Protection pour le plaideur pauvre contre le plaideur riche et le juge patricien. — Qu'il y ait toujours appel au peuple des sentences des magistrats. Consécration nouvelle de la loi Valéria et restriction mise au pouvoir illimité de la dictature. - Que le peuple seul, dans les comices centuriates, ait pouvoir de rendre des sentences capitales. » Attribution au peuple de la juridiction criminelle, enlevee en même temps aux curies et aux tribus; c'est à l'assemblée des centuries, où tous, patriciens et plébéiens, sont confondus d'après l'ordre de leur fortune, que passent et le pouvoir et les titres. Les XII Tables l'appellent maximus comitiatus, la véritable assemblée du peuple romain.

2o Caractère général de la loi « Plus de lois personnelles ; ne privilegia inroganto. La législation civile des XII Tables ne connaît que des citoyens romains. Ses dispositions ne sont faites ni pour un ordre ni pour une classe, et la formule est toujours, si quis, si quelqu'un; car le patricien et le plébéien, le sénateur, le pontife et le prolétaire sont égaux à ses yeux. Ainsi est enfin proclamée, par cet oubli de distinctions autrefois si profondes, la définitive union des deux peuples; et c'est ce peuple nouveau, c'est l'universalité des citoyens, qui a maintenant l'autorité souveraine, qui est la source de tout pouvoir et de tout droit. « Ce que le peuple aura ordonné en dernier lieu sera la loi. »

L'esprit aristocratique perce cependant dans ce code rédigé par des patri

ciens. Je ne veux point parler des peines sévères qu'ils prononcèrent contre les auteurs des vers outrageants et contre les rassemblements nocturnes, mais d'un seul article, un des derniers écrits par Appius : « Qu'il n'y ait point de mariages entre les familles patriciennes et plébéiennes. » C'est une protestation des patriciens au nom de leurs ancêtres, de la noblesse de leur race, de la religion des familles contre le caractère nouveau de la loi. Qu'il y ait égalité, puisqu'ils ne peuvent l'empêcher; que les mêmes juges, la même loi, la même peine frappent Fabius et Icilius; mais, hors du tribunat, que l'un retourne à la foule d'où il est sorti; l'autre, à la curie, aux temples des dieux, à l'atrium héréditaire.

Les patriciens n'avaient en effet rien laissé cbanger à la constitution. Ils restaient consuls et sénateurs, augures et pontifes, juges surtout; et par les formes multipliées de la procédure, que les plébéiens ignoraient, ils pouvaient rendre vaine cette publication de la loi et cette égalité civile qu'ils venaient eux-mêmes de proclamer.

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EF FORTS POUR OBTENIR L'ÉGALITÉ POLITIQUE; NOUVELLE CONSTITUTION DE L'AN 444. Mais si la legislation nouvelle trompait les espérances du peuple en ne réglant rien sur la constitution, les décemvirs n'en avaient pas moins donné à la puissance plebeienne une irresistible impulsion, si ce n'etait par leurs lois, c'était par leur chute. La révolution de 510, faite par les patriciens, n'avait profite qu'à l'aristocratie; celle de 448, faite par le peuple, ne profita qu'au peuple. Des l'année 445 le tribun Canuléius demanda l'abolition de la defense relative aux mariages, et ses collegues le partage du consulat. C'était demander l'égalite politique.

Nous l'avons déjà dit, toute aristocratie qui ferme ses rangs périt bientôt, car le temps et le pouvoir usent vite les familles, comme les individus. Heureusement pour la grandeur de Rome, ses patriciens, après une resistance habilement calculée pour opposer au torrent populaire une digue qui amortît sa force, au lieu de l'exciter, cédaient toujours; mais comme une armee disciplinée, quijamais ne se laisse rompre, ils ne reculaient

que pour reprendre sur un autre point une forte defensive. Ainsi s'éternisa cette lutte qui fit la force de Rome, car le repos dans les Etats libres n'est souvent qu'un signe de mort. Cette fois encore l'indignation éclata. Ainsi done, disait un Claudius, dans son orgueil héréditaire, ainsi rien ne restera pur, l'ambition plébeienne viendra tout souiller, et l'autorité cons crée par le temps, et la religion et les droits des familles, et les auspices et les images des dieux. Mais le peuple usa du moyen qui lui avait deux fois servi; il se retira en armes sur le Janicule; et le sénat, pensant que les mœurs seraient plus fortes que la loi, accepta la proposition du tribun.

Cette barrière tombée, il n'était plus possible d'interdire aux plebeiens l'acces des charges curules. Cependant, a force d'habileté, le patriciat, à demi vaincu, se défendit quarante-cinq ans encore; car il avait dans cette lutte les dieux mêmes pour alliés, par cette croyance profondement enracinée dans le peuple que la main d'un noble pouvait seule offrir des sacrifices favorables. Les collegues de Canuleius demandaient pour leur ordre une place de consul et deux de questeurs du trésor. Le sénat accorda que les questeurs du trésor seraient indistinctement choisis dans les deux ordres; et grâce à cette latitude on ne vit pendant longtemps que des patriciens dans cette charge. Quant au consulat, il le demembra. A ce pouvoir royal on avait enleve deja le droit d'accomplir certains sacrifices (rer sacrificiorum ), la garde du trésor ( quæstores ærarii), et l'instruction des affaires criminelles (quæstores parricidii). Deux nouveaux magistrats, les censeurs créés, en 444, pour cinq ans d'abord, pour dix-huit mois ensuite, héritèrent encore du droit des consuls de faire le cens, d'administrer les domaines et les finances de l'Etat, de régler les classes, de dresser la liste du sénat et des chevaliers, d'avoir enfin la haute police de la ville. Restaient aux consuls les fonctions militaires, la justice civile, la présidence du sénat et des comices, la garde de la ville et des lois; on les donna, mais divisées entre plusieurs, sans les honneurs curules, avec six licteurs au lieu de douze et sous le nom plebeien de tribun,

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