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bourgeoisie souveraine, le poputus, les chefs et les membres des gentes, les patriciens. L'autre, foule sans nom, se composait d'hommes qui n'étaient ni serviteurs, ni membres des gentes, qui ne pouvaient entrer par mariage légal dans les maisons patriciennes, qui n'avaient ni la puissance paternelle, ni le droit de tester, ni celui d'adopter; qui n'intervemaient dans aucune affaire d'intérêt pu blic et ne prenaient part à aucune délibération; qui restaient en un mot en dehors de la cité politique, comme ils habitaient en dehors de la cité matérielle, au delà du Pomarium, sur les collines qui entouraient le Palatin. Ces hommes, c'était la plebs, les plébéiens. Transportés autour de Rome par la conquête, ou attirés par l'asile, ils vivaient comme sujets du peuple qui les avait reçus ou forcés d'habiter sur ses terres, étrangers aux tribus, aux curies, au sénat; et, comme un Appius le leur dira plus tard, sans auspices, sans familles, sans aïeux; mais libres, ayant des propriétés, exerçant des métiers et le commerce qui les enrichiront, réglant par des juges choisis dans leur sein leurs contestations, ne recevant d'ordres que du roi et combattant dans les rangs de l'armée romaine, pour défendre les champs qu'ils cultivent et la cité à l'abri de laquelle ils ont bâti leurs cabanes.

Tarquin l'Ancien, roi étranger, modifia une première fois l'organisation de la société romaine. Cette superposition de deux peuples perpétuellement en présence, en contact, et cependant rigoureusement sépares, avait ses dangers. Les haines s'envenimaient et pouvaient éclater en une guerre civile qui eût étouffé la fortune de Rome dans son berceau. D'ailleurs de ces deux peuples, l'un, qui fermait hermétiquement ses rangs, se voyait décimé par la guerre et la mort; l'autre, se recrutant sans cesse de nouveaux venus, croissait chaque jour en force. Le nombre des plébéiens dépas sait maintenant de beaucoup celui des patriciens; il devenait prudent de rattacher ceux-ci par quelques concessions à la patrie commune. Tarquin usa d'un moyen qui a souvent réussi, il doubla l'ancien patriciat par l'adjonction de nouvelles familles prises parmi les plébéiens. C'était enlever à ceux-ci leurs chefs pour les faire

passer dans le camp aristocratique, dont ils ne pouvaient manquer d'épouser bientôt les intérêts. Les nouveaux patriciens formèrent les patres minorum gentium, les anciens furent les patres majorum gentium, et au sénat ils votaient avec les premiers.

Cette grave innovation était comme une préparation aux grandes réformes de Servius. Mais si elle avait momentanément désarmé la plèbe en la décapitant de ses plus influentes maisons, elle laissait toujours subsister l'ancien antagonisme. Šervius conçut un plan plus radical, et qui força l'aristocratie, déjà ébranlée par Tarquin, à recevoir enfin les plébéiens comme membres d'une même cité.

Réformes du roi Servius. - Deux moyens lui servirent pour atteindre ce but les tribus et les centuries, c'està-dire l'organisation administrative et l'organisation militaire et politique de l'Etat.

Il partagea le territoire romain en vingt-six régions et la ville en quatre quartiers; en somme trente tribus. Cette division toute geographique fut aussi religieuse, car il institua des fêtes pour chaque district : les Compitalia pour les tribus urbaines, les Paganalia pour les tribus rurales; administrative, car chaque district eut ses juges pour les affaires civiles, ses tribuns pour tenir note des fortunes et répartir l'impôt; militaire enfin, car ces tribuns réglaient aussi le service militaire de leurs tribus, et en cas d'invasion soudaine les réunissaient dans un fort construit au centre du canton. L'État se composa donc de trente communes ayant leurs chefs, leurs juges, leurs dieux particuliers, mais sans droits politiques, ces droits n'étant exercés que par les centuries et dans la capitale même. Sans toucher aux privileges des patriciens, Servius donnait aux plebéiens cette organisation municipale qui précède toujours et amène la liberté politique. Les patriciens qui donnaient leur nom aux trente tribus conservaient dans chaque district leur influence, et remplissaient probablement seuls les charges de juges et de tribuns municipaux. Mais pour la première fois ils se trouvaient confondus avec les plebeiens dans une division territoriale où la naissance et la fortune n'étaient pas comp

tées. Dans cela seul il y avait toute une révolution. Un temps viendra où ces tribus, qui ne reconnaissent point de priviléges, voudront et obtiendront des droits politiques. Ce jour-là sera la victoire du nombre; les centuries assurerent celle des riches.

Servius avait fait le cens ou dénombrement (1), et chaque citoyen était venu déclarer sous serment son nom, son âge, sa famille, le nombre de ses esclaves et la valeur de son bien. Une fausse déclaration aurait entraîné la perte des biens, de la liberté et même de la vie. Connais sant ainsi toutes les fortunes, il partagea les citoyens en raison de leurs biens en cing classes, et chaque classe en un nombre différent de centuries. Denys reconnaît six classes, et donne à la première quatre-vingt-dix-huit centuries,

tandis que les cinq autres réunies n'eu avaient que quatre-vingt-quinze. Dans chaque classe on distinguait les juniores, de dix-sept a quarante-six ans, qui composaient l'armée active, et les seniores, qui gardaient la ville. La premiere classe renfermait aussi dix-huit centuries de chevaliers, c'est-à-dire les six anciennes centuries équestres de Tarquin et douze nouvelles formees par Servius des plus riches et des plus distingués d'entre les plebeiens. L'Etat leur donnait un cheval, et pour son entretien une soide annuelle de 2,000 as (æs hordearium), que les veuves et les femmes nou mariees payaient. A la seconde classe étaient attachées deux centuries d'ouvriers ( /abri), et à la quatrième deux de musiciens. Voici le tableau de Denys (1) :

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CENTURIES.

FORTUNE.

ARMES.

40 seniores, 40 junio- Au moins 100,000 as,
res, 18 equites.
environ 8,000 fr.

Casque, bouclier rond d'airain (clypeus), cuirasse, cuissard, javelot, épée ( Pol. IV, 23).

10 seniores, 10 junio- 75,000 as = 6,000 fr. Mémes armes, moins la cuirasse, et avec res, 2 fabri. un bouclier de bois oblong (scutum ). 10 seniores, 10 junio- 50,000 as == 4,000 fr. Mémes armes sans cuissards ni cotte de mailles.

res.

10 seniores, 10 junio- 25,000 as = 2,000 fr. Piques et flèches, sans armes défensives. res, 2 tubicines.

15 seniores, 15 junio- 11,000 as 880 fr. 'Des frondes.

res.

I capite censi vel pro- Moins de 11,000 as ou Point de service.
letarii.
rien.

Total 193

Cicéron, dans le passage tant controversé du II livre De la République, ne parle que de cinq classes formées des assidui ( asses dare, contribuables). A la première il donne quatre-vingt-neuf centuries et aux quatre autres centquatre; en tout cent quatre-vingt-treize comme dans le compte de Denys, et une de moins que dans celui de TiteLive. Cicéron parle aussi des musiciens,

(1) Le cens de Servius donna, suivant TiteLive 80,000 citoyens, ou selon Den. (IV, 22) 87,700, wc Ev tois tiμntixois pepetaι yрáμ

μασι.

des prolétaires qui n'étaient point reçus dans l'armée, et dont le cens ne s'e

(1) Böckh, dans ses recherches métrologiques, XXIX, 4-7, croit que, originairement, quand l'as pesait réellement une livre de cuivre, le cens exigé pour chaque classe était de 20,009, 15,000, 10,000, 5,000 et 2,000 as. Plus tard, quand l'as ne fut plus qu'une partie de la livre ou quintupla, ou alla même plus loin, et le cens de la premiere classe fut élevé de 100,000 à 110.000 (Plin. H. N., XXXIII, 13) et à 125,000 as (Aulug. VII, 13), et celui de la dernière à 11,000 et 12,500.

levait pas à quinze cents as; des accensi et des velati, qui suivaient sans armes les légions, pour remplacer les morts, combattre à la légère ou faire auprès des chefs le service d'ordonnances. Mais son texte malheureusement mutilé en cet endroit comme en tant d'autres de la République, ne laisse pas même soupconuer sa pensée. Peut-être les regardait-il comme formant cette sixième classe que comptent Tite-Live et Denys.

Cette incertitude sur quelques chiffres n'empêche pas d'apprécier l'importance politique de cette réforme. Ce n'est plus la naissance qui divise les citoyens en patriciens et plébéiens, c'est d'après la fortune que sont à la fois réglés leur répartition dans les classes, leur place dans la légion, la nature de leurs armes, la quotité de l'impôt que chacun d'eux payera. Toutes les centuries contribueront au trésor pour une même somme et auront au champ de Mars les mêmes droits politiques. Mais la première classe compte quatre-vingt dix-huit centuries, bien qu'elle soit de beaucoup la moins nombreuse, puisqu'elle ne renferme que les riches; elle fournira donc plus de la moitié de l'impôt, et ses légionnaires, en raison même de leur petit nombre, seront plus souvent appelés sous les enseignes. Mais c'est aussi par centuries qu'à l'avenir se compteront les suffrages pour décider de la paix ou de la guerre, nommer aux charges et faire les lois. Les riches, divisés en quatre-vingt-dix-huit centuries, auront quatre-vingt-dix-huit voix sur cent quatre-vingt treize, c'est-à-dire la majorité; c'est-à-dire encore une influence décisive dans le gouvernement. Leur unanimité, acquise d'avance à toute proposition favorable à leurs intérêts, rendra le droit des autres classes illusoires. Quelquefois, en cas de désaccord entre les centuries de la première classe, celles de la deuxième pourront être appelées à voter, très-rarement celles de la troisième, jamais celles des dernières, bien que chacune d'elles renferme peutêtre plus de citoyens que les trois premieres réunies. Servius, dit Cicéron, ne voulut pas donner la puissance au nombre. Ce fut par les suffrages des riches, non par ceux du peuple, que tout se décida. Il aurait pu ajouter: Ce ne fut pas

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à la richesse seule qu'appartint la prépondérance, mais à la sagesse et à l'expérience, puisque les seniores, naturellement moins nombreux que les juniores, avaient cependant autant de suffrages.

Dans les lois nouvelles les rangs étaient aussi nettement marqués que dans l'ancienne constitution. Mais cette inégalité s'effaçait aux yeux des pauvres devant l'honneur d'être enfin comptés au nombre des citoyens et devant les avantages matériels faits à leur condition. Si les riches ont plus de pouvoir politique, sur eux aussi pèsent toutes les charges dans la ville, la plus lourde part de l'impôt; à l'armée, le service le plus fréquent, l'armement le plus coûteux et les positions les plus dangereuses. Mais à cette époque il n'y avait guère à Rome d'autres richesses que les propriétés territoriales; or presque tout l'ager Romanus et la plus grande partie des terres conquises se trouvant entre les mains des patriciens, c'étaient ceux-ci qui restaient, comme par le passé, les maîtres de l'État. Aussi ces nouvelles lois qui reconnaissaient les plébéiens comme citoyens libres de Rome, et les appelaient, dans la proportion de leur fortune, à délibérer et à voter sur les affaires publiques, ne changeaient pas en réalité la condition présente des deux ordres. Cependant un progrès immense était accompli. En remplaçant l'aristocratie de naissance, puissance immuable, par l'aristocratie d'argent, puissance mobile et accessible à tous, ces lois préparaient les révolutions par lesquelles passa Rome républicaine.

Cette constitution portait un autre coup fatal à l'aristocratie; elle attaquait indirectement la clientelle. Elle n'abolissait, il est vrai, ni les curies, dont la sanction restait nécessaire pour tous les actes des centuries, ni le patronage, qui donnait aux grands la force matérielle sans laquelle les priviléges ne peuvent longtemps se défendre; mais elle assurait une place dans l'Etat aux clients, qui jusque alors avaient vécu sous la protection des Quirites. Elle les sépara de leurs patrons, le jour des comices, pour les confondre, suivant leur fortune, avec les riches ou les pauvres. Elle ouvrait la route du forum à ceux

qui n'avaient jamais suivi que celle de l'atrium patricien. Une autre loi de Servius autorisa les affranchis à retourner dans leur patrie, ou, s'ils restaient à Rome, à se faire inscrire dans les tribus urbaines, en se choisissant un patron, même parmi les plébéiens. Le riche plébeien put dès lors se montrer dans la ville entouré, comme un Fabius, d'une troupe bruyante et devouée. Mais la clientelle s'affaiblit en se multipliant; et Rome, le siége de l'Empire, se peupla, pour la ruine de ses institutions, d'esclaves affranchis.

Servius promulgua plus de cinquante lois encore sur les contrats, les delits, les affranchissements, les formes d'acquérir la propriété, etc., toutes generalement empreintes de ce caractere liberal que portent ses lois politiques, comme celle-ci par exemple, que Tarquin abolit et que le peuple mit près de deux siècles à reconquerir: la propriete seule du debiteur, et non sa personne, répondra de sa dette. Aussi la reconnaissance populaire protégea la mémoire du roi plebéien, né dans la servitude ou sur la terre étrangère, et l'on alla jusqu'à croire qu'il avait voulu déposer la couronne pour établir le gouvernement consulaire.

Quelques années auparavant, Solon avait, comme Servius, réparti les droits en proportion des biens. Ainsi les deux plus grandes villes de l'ancien monde renonçaient dans le même moment aux idées orientales, au gouvernement immobile des castes, et adoptaient le principe moderne et révolutionnaire que le pouvoir dépend de la fortune. Mais à Athenes les mœurs avaient depuis longtemps préparé la réforme de Solon; elle fut immédiatement appliquée. A Rome celle de Servius devançait les temps, elle ne put lui survivre. Tarquin le Superbe l'abolit.

« Si elle s'était maintenue, dit Niebuhr, Rome aurait atteint deux cents ans plus tôt, et sans sacrifices, a une felicité qu'elle ne put ressaisir qu'au prix de rudes combats et de grandes souffrances. Il est vrai que dans l'histoire d'un peuple, comme dans la vie d'un homme, le bien sort souvent du mal. Cette lutte pénible forma la jeunesse de Rome, et retarda sa décadence. Mais malheur à ceux de qui

vint l'offense et malédiction sur ceux qui détruisirent, autant qu'il était en eux, la liberté plébéienne!»

CARACTERE ARISTOCRATIQUE DE LA REVOLUTION DE L'AN 510.—Tarquin l'Ancien avait renversé l'œuvre de son beau-pere. Mais l'égale oppression qu'il fit peser sur tous amena sa chute; cette révolution faite par les grands fut toute à leur profit. Sous les rois ils avaient un chef qui pouvait, comme Servius, elever à la vie politique la foule sujette des plébéiens, ou comme Tarquin abattre les plus hautes têtes. L'abolition de la royauté délivra les patriciens de ce double danger; et pour en prévenir le retour, ils substituerent au roi deux consuls ou preteurs choisis dans leur sein et investis de tous les droits et de tous les insignes de la royauté, moins la couronne et le manteau de pourpre broché d'or. A la fois ministres et presidents du sénat, administrateurs, juges et generaux, les consuls avaient le souverain pouvoir, regium imperium, mais seulement pour une annee. Dans l'intérieur même de la ville, les grands n'avaient point permis qu'ils exerçassent tous deux en même temps les prerogatives de leur magistrature, et chacun avait pendant un mois les douze licteurs et le pouvoir. Au sortir de charge, ils pouvaient être appelés à rendre compte et être mis en accusation; car des ce moment ils redevenaient simples citoyens, en conser vant cependant, comme membres du senat, où ils étaient entrés du droit de leur charge, une part dans le gouvernement.

Ce gouvernement restait tout entier aux mains des patriciens. Maîtres du sénat, conseil suprême de la cité et par lequel devaient prealablement passer toutes les propositions faites dans les comices, ils dominaient dans les assemblees centuriates par leurs richesses et leurs clients. Si des plebeiens arrivés, grâce à leur fortune, dans les premieres classes, modifiaient le vote des centuries de manière à le rendre moins contraire aux intérêts populaires, les patriciens pouvaient toujours, comme augures, rompre l'assemblee ou annuller ses décisions; et s'ils manquaient de mauvais présages, refuser dans le senat l'autorisation préalable; et dans leurs assemblées curiates, d'où les plébéiens étaient ex

clus, la sanction nécessaire à tous les actes des comices centuriates. C'étaient donc eux en réalité qui faisaient les lois, décidaient de la paix et de la guerre, et nommaient à toutes les charges, qu'ils remplissaient toutes. Ils avaient le sacerdoce qui, au nom du ciel, exerçait une si grande influence, et les auspices, qui les consacraient comme familles aimées des dieux. Ils étaient prêtres, augures, juges, et ils cachaient avec soin aux yeux du peuple les formules mystérieuses du culte et du droit. Seuls enfin ils avaient le droit d'images qui nourrissait l'orgueil héréditaire des familles ; et l'interdiction des mariages entre les deux ordres semblait devoir repousser à jamais le peuple des positions occupées par l'aristocratie.

Mais les plébéiens ont pour eux leur nombre et jusqu'à leur misère qui les poussera bientôt à une révolte heureuse. Ce n'est plus un peuple étranger; c'est un second ordre dans l'État, qui grandit obscurément et sans relâche en face du premier, et que les patriciens seront forcés d'armer pour résister à Tarquin, aux Eques, aux Voisques, aux Etrusques. Mais ce concours il faudra le payer. Déjà on lui a rendu ses juges, qui décident dans la plupart des causes civiles, et ses fêtes religieuses, où les plébeiens réunis pourront se compter et prendre confiance en leurs forces. Enfin c'est aux centuries militaires qu'on a demandé, comme le voulait Servius, la nomination des deux consuls. C'est l'assemblée centuriate qui fera désormais les lois que le sénat propose et que les curies confirment; c'est elle qui nommera à toutes les charges, qui decidera de la paix ou de la guerre; et cette grave innovation suffit, pour l'heure, à l'ambition populaire, parce que les plebéiens voient dans la première classe des gens de leur ordre et dans la dernière des patriciens, même des plus illustres, comme Cincinnatus, qui n'aura pour tout bien que quatre arpents.

La plebe romaine n'était pas d'ailleurs cette populace des grandes villes qui s'irrite, combat et s'apaise au hasard; force aveugle, qui n'est redoutable que le jour où elle se donne un chef. Les plébéiens avaient aussi leur noblesse, leurs vieilles familles et jusqu'à des

races royales. Car les patriciens des villes conquises, comme plus tard, les Mamilius, les Papius, les Cilnius, les Cocina, n'avaient pas tous été reçus dans le patriciat romain. D'autres familles, patriciennes d'origine, mais que des circonstances pour nous inconnues firent sortir des curies, ou empêchèrent d'y entrer, les Virginius, les Génucius, les Mænius, les Mælius, les Oppius, les Métellus et les Octavius se plaçaient à la tête du peuple; et ces hommes qui pouvaient disputer de noblesse avec les plus fiers sénateurs, attachant leur fortune à celle de l'ordre vers lequel ils étaient repoussés, donnèrent à la plèbe des chefs ambitieux et à ses efforts une direction habile. Comme prix des secours prêtés aux grands contre Tarquin, ils avaient obtenu la mise en vigueur de la constitution de Servius; ils vont arracher d'autres concessions encore, car l'Etrurie s'arme pour la cause du roi, et derrière les Veiens et les Tarquiniens on peut voir déjà les préparatifs de Porsenna. Un malheur commun, en humiliant l'orgueil militaire des grands, rapprochera les deux ordres.

Les aristocraties meurent quand elles ne se renouvellent pas, surtout dans les républiques militaires où les nobles doivent se trouver au premier rang, sur tous les champs de bataille, et payer de leur sang leurs priviléges. Décimée par les combats et par cette loi mystérieuse du développement de l'espèce humaine, qui éteint les vieilles familles et nivelle peu à peu les rangs, toute aristocratie qui ne se recrute pas au dehors est vite épuisée et détruite, par la seule action du temps. Les neuf mille Spartiates de Lycurgue n'étaient plus que cinq mille à Platée, sept cents à Leuctres, moins encore à Sellasie. Mais la noblesse de Rome ne ferma jamais son livre d'or. Sous Tullus, les grandes familles d'Albe, sous le premier Tarquin cent plébeiens avaient été admis dans le sénat. Après l'abolition de la royauté, l'aristocratie sentit le besoin de se fortitier en attirant à elle tout ce qu'il y avait d'illustre et de riche dans l'autre ordre. Pour compléter le sénat, privé d'une partie de ses membres par la cruauté de Tarquin et l'exil de ses partisans, Brutus y appela cent chevaliers

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