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PAULINE (courant au curé)

C'est mal d'aimer la gloire? dites, monsieur le curé?

NICOLAS BART (souriant)

Je ne le pense pas, mademoiselle.

PAULINE

C'est mal de regretter d'être femme et bonne à rien?

NICOLAS BART (riant)

Mais peut-être n'est-on pas forcément bonne à rien parce qu'on est femme!

PAULINE

C'est vrai, je manierais le mousquet aussi bien qu'un homme.

NICOLAS BART (toujours souriant)

Vous ne m'avez pas bien compris; le pays a besoin de la vertu de ses femmes, autant que de la bravoure de ses soldats... il vit au prix d'efforts variés à l'infini, quoiqu'unis dans la pensée qui vous anime.

PAULINE (rêveuse)

Je le sais, monsieur le curé... vous me l'avez dit souvent et c'est vous qui m'avez inspiré la grande envie que j'ai de m'unir à tous ces beaux efforts... Mais, que ferai je... moi?..

NICOLAS BART

Jusqu'ici, vous avez été l'enfant qui charme et fait sourire... sait-on ce que l'avenir vous réserve ?... Gardez seulement au cœur votre vaillant désir de bien faire... l'occasion de l'exercer, pénible ou douce, le ciel saura bien vous l'envoyer.

PAULINE (qui a écouté, rêveuse)

Et vous, monsieur le curé... vous venez de me faire du bien à moi. (Reprenant sa gaieté) Mais, malgré tout... je regrette les coups de mousquet.

DU BOSQUET (se coulant près du curé et l'attirant un peu à part)

Vous venez de parler d'une façon bien touchante, monsieur le curé; n'oubliez pas que, moi aussi, je veux... m'unir à... enfin, comme vous le dites si agréablement, et que voici le moment de m'y aider (il montre la marquise).

NICOLAS BART

De grand cœur, monsieur... (A la marquise.) Si j'osais, madame, vous parler en faveur d'un galant homme qui sollicite...

LA MARQUISE (ironique)

Je sais... M. l'intendant m'a déjà prévenue; mais tous ces nouveaux venus... on ne sait d'où, ne me disent rien qui vaille.

NICOLAS BART

M. du Bosquet est un commerçant honorable et bienfaisant; ceci je le sais, et les pauvres aussi.

LA MARQUISE

Vous êtes un saint, monsieur le curé, mais moyennant quelques louis donnés à vos pauvres, vous introduiriez Satan en paradis et des espions chez le roi. Monsieur de Lavaux, soyez sur vos gardes, et ne recommandez pas cet inconnu à M. de Pontchartrain.

L'OFFICIER

Permettez-moi done, madame, de m'en remettre à l'avis de monsieur l'intendant. (L'intendant s'incline).

Deuxième roulement de tambour.

L'INTENDANT (à la marquise)

Madame, voici le second appel... si vous voulez monter... j'ai fait préparer des rafraichissements, et de ces fenêtres vous pourrez voir à votre aise les enrôlements.

LA MARQUISE (en entrant dans la maison)

...Et montrer à ma petite fille comment le roi sait reconnaître le mérite.

MADAME D'ARBEVILLE (la suivant)

Et voir Jean Bart; il doit avoir l'air féroce! (Elle entre dans la maison).

FORBIN (entrant à sa suite)

Et le carnaval de Dunkerque! je doute qu'il éclipse. celui de Venise! Figurez-vous, mademoiselle, lorsque j'y étais, je vis sur la...

Ils sont tous entrés dans la Maison du roi, l'officier et l'intendant les ont suivis ; celui-ci, après les avoir introduits, revient aussitôt ; un assez grand nombre de pêcheurs sont réunis ; les uns assis à la deuxiême table, les autres debout près d'eux au second plan. A la première table, les trois matelots et Lafrousse.

PREMIER MATELOT (continuant de parler)

Et la première affaire? Celle de l'Homme Sauvage... Ah! mes vingthieu, ça rounquait... On doutait un peu d'un commandant si jeune... Ya ma, il avait le courage et l'habileté d'un vétéran... Du feu et du sang-froid, et il ne fallait pas ramoure avec lui.

DEUXIÈME MARIN

Et les Armes de Hambourg donc, le Levrier. et le Canard Doré, son ancien bâtiment, du temps qu'il servait en Hollande... c'est ça qui fut enlevé! Vast chez zunn mann !

PREMIER MARIN

Et le Dauphin! (A Lafrousse.) Va petit, signe; tu appren dras à devenir un vrai marin, et les Hollandais auront peur de toi... C'est vrai... Un des hommes d'équipage prisonniers m'a dit ça : ils l'appellent le duvlen à qui rien ne résiste.

LAFROUSSE

Mais comment qu'il s'y prend?

PREMIER MARIN

C'est pas plus malin que ça; tiens, voilà comment que ça s'emmanche il va tout droit sur eux au moment où ils ne s'y attendent pas et il tape jusqu'à ce qu'on se rende!

LAFROUSSE

Il doit être sterk au commander...

PREMIER MARIN

Ça dépend; il n'y a pas meilleur bouthieu, il vous consulte avant l'action, comme si on était des officiers; mais après qu'on a décidé, faut qu'on bourlingue. Du reste, on n'a pas la moindre envie de leuler avec lui... Il vous excite... à le suivre ; on croit qu'on devient lui.

PREMIER PÊCHEUR (à la deuxième table)

Tout ça c'est bel et bon, si on avait la guerre de temps en temps... Mais après l'une, c'est l'autre ; on en a assez de partir pour laisser la misère derrière soi... Pas un de nous ne s'enrôlera, M'sieu l'Intendant.

L'INTENDANT (ironique, à part)

Ils manquent d'ardeur.

SCÈNE IV

Les mêmes; JEAN BART, puis MARIE TUGGHE.

Peu à peu la foule de curieux grossit, on se range sous les fenêtres de la maison à droite; pêcheurs et matelots se lèvent devant Jean Bart; les marins vont à lui.

JEAN BART (les arrête de la main)

Bonjour, les amis... Je suis à vous tout à l'heure, au troisième appel. Il va vers Nicolas) Cousin, vous m'aviez promis... (Il retourne au fond et regarde anxieusement).

Pendant la conversation suivante, les marins cherchent à attirer les pêcheurs à leur table; ils refusent en secouant la tête. Un marin tire un pêcheur qui résiste.

NICOLAS BART

Patience... La voici. (Il va au fond et prend la main de Marie Tugghe qu'il amène sur le devant du côté droit, dans un coin à part).

JEAN BART (saluant Marie avec empressement)

Je n'espérais plus vous voir.

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Vous me faites jouer un singulier rôle, mes enfants... Je ne sais vraiment pas si je dois continuer à protéger vos entrevues...

JEAN BART

Oh! cousin, j'en suis si heureux... Et vous m'avez dit que M. Tugghe semblait fléchir...

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