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HISTOIRE

DES DEUX

RESTAURATIONS

JUSQU'A L'AVÉNEMENT DE LOUIS-PHILIPPE

CHAPITRE PREMIER

l'émigration à la mort de Louis XVI.

Départ du comte d'Artois pour Saint-Pétersbourg, et de MONSIEUR pour l'Italie; séjour de ce dernier à Turin, puis à Vérone. Mort de Louis XVII. Manifeste de Louis XVIII à son avénement. - Journée du 13 vendémiaire. - Expédition de Quiberon et de l'Ile-Dieu; lettre de Charette; sa mort. - -La Prusse traite avec la République.-Continuation de la guerre avec l'Autriche; invasion de l'Italie par le Directoire; le Sénat de Venise et Louis XVIII; départ de ce prince pour l'armée de Condé; Pichegru; sa première négociation avec les Bourbons; ce général est rappelé par le Directoire. Louis XVIII se retire à Blackenbourg; lettre de ce prince à Pichegru. Agences royalistes; arrestations; conspiration de Pichegru et d'une partie des membres des conseils; journée du 18 fructidor.-L'Autriche traite avec la République.-Louis XVIH quitte Blackenbourg et se retire à Mittau; sa cour. Coalition entre la Russie, l'Angleterre et l'Autriche; passage de Souwaroff à Mittau. Chouannerie. Négociation de Louis XVIII avec Barras; lettres patentes. - Succès des alliés en Hollande et en Italie; situation de la République; victoires de Brune et de Masséna, à Berghem et à Zurich. - Bonaparte arrive d'Égypte; journées des 18 et 19 brumaire.

Tous les pouvoirs tombés accusent de leur chute les complots de leurs adversaires ou les intrigues de leurs successeurs. Ces reproches, invariablement renouvelés à chaque renversement de dynastie, ont été reproduits de notre temps par les partisans et par les membres eux-mêmes des deux familles descendues du trône, l'une en 1814, l'autre en 1830. Ce ne sont

pourtant pas les partisans de l'ancienne royauté qui ont amené l'abdication de Fontainebleau! Napoléon avait creusé lui-même l'abîme dans lequel il est tombé; et, malgré leur nombre, les alliés se seraient probablement épuisés en vains efforts, si l'empereur, dans l'enivrement de sa puissance, n'avait pas brisé un à un tous les liens qui pouvaient attacher la France au maintien et à la durée de l'édifice impérial. La branche aînée des Bourbons ne saurait pas davantage imputer sa perte aux Bourbons substitués à sa place. Louis XVIII et Charles X mirent quinze ans à préparer de leurs propres mains les éléments de la tempête au milieu de laquelle leur dynastie disparut. A ces deux époques, points extrêmes de cette histoire, l'élévation des successeurs du pouvoir tombé fut, chaque fois, un résultat, pour ainsi dire, inattendu, et le fruit d'intrigues ou de calculs nés au sein même de l'événement.

Vingt-deux ans séparent la chute de l'ancienne monarchie, en 1792, du rétablissement de ses princes, en 1814. Durant la première moitié de cette période, les frères de Louis XVI demandèrent successivement le renversement du nouvel ordre

politique à l'invasion étrangère, à la guerre civile, aux conspirations et aux complots. C'est à l'histoire de la République et du Consulat qu'appartient le récit des efforts alors tentés par les royalistes et par les Bourbons; les intrigues, puis les protestations de ces princes, après 1804, sont du domaine des historiens de l'Empire. Nous n'emprunterons donc à ces deux époques que les faits indispensables à la parfaite intelligence des événements qui ont amené la première Restauration.

1793-1799. Louis-Stanislas-Xavier, depuis Louis XVIII, et alors connu sous le titre de MONSIEUR, se trouvait en Westphalie, dans la petite ville de Ham, près Dusseldorf, quand, le 28 janvier 1793, il apprit la mort de son frère aîné, le roi Louis XVI. Les nombreux émigrés réunis à ce moment de

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l'autre côté du Rhin se partageaient en deux catégories principales les émigrés de première origine, c'est-à-dire ceux qui, déniant à Louis XVI et aux états généraux le droit de modifier l'exercice du pouvoir royal, d'amoindrir les priviléges de la noblesse et du clergé, n'avaient pas même voulu rester les témoins de ce qu'ils appelaient les « audacieuses usurpations des révolutionnaires, » et étaient allés, dès 1789, 90 et 91, solliciter l'intervention des puissances voisines; puis les retardataires, c'est-à-dire les royalistes qui, demeurés en France tant que le trône de Louis XVI était demeuré debout, n'avaient franchi la frontière que pour échapper aux menaces ou aux coups de la dictature conventionnelle.

Les premiers, fiers de l'antériorité de leur recours à l'étranger et de leur fidélité intraitable à tous les abus de l'ancienne monarchie, auraient repoussé MONSIEUR, s'ils l'avaient osé, lui reprochant avec amertume d'avoir pactisé, au début de la Révolution, avec quelques-unes des idées nouvelles. Les derniers venus étaient surtout l'objet de leurs dédains; ils les accusaient de n'avoir émigré que dans le but de partager la gloire ainsi les benéfices d'une rentrée victorieuse préparée par que eux seuls, achetée au prix de plusieurs années d'exil volontaire et de coûteux sacrifices. « Mais nous sommes déjà beaucoup trop nombreux ! s'écriaient-ils à la vue de chaque nouvel arrivant; si cela continue, la France entière sera bientôt de notre côté; et, au retour, nous n'aurons plus personne à punir! »

Outre les retardataires, la seconde catégorie comprenait les politiques, c'est-à-dire les émigrés magistrats, membres des deux assemblées, Constituante ou Législative, financiers, etc., qui affectaient d'apporter au service de l'émigration quelque expérience des affaires ou des opinions conciliables avec les progrès du siècle. Les émigrés de cette catégorie, comme les retardataires, se ralliaient autour de MONSIEUR. Les premiers, ainsi que les officiers de tous les grades et de toutes les ar

mes, les femmes, les jeunes gens, se groupaient autour du comte d'Artois.

La mort de Louis XVI aurait dû suspendre toutes les querelles. Loin de là: accueillie par les amis du comte d'Artois comme une expiation de la sanction donnée aux décrets qui avaient aboli les droits féodaux et constitué civilement le clergé; regardée par les amis de MONSIEUR comme le résultat douloureux mais inévitable de la faiblesse et des hésitations du monarque, cette mort souleva une question de titres et de prérogatives qui rendit plus profonde encore la séparation des deux partis. En droit monarchique, le roi n'avait pas cessé d'exister; il vivait dans la personne du Dauphin. Mais, mineur et prisonnier, Louis XVII ne pouvait exercer le pouvoir royal. Qui devait gouverner en son nom? Là était le débat. - Le comte d'Artois tient dans ses mains l'épée de la monarchie; à lui la régence, disaient les partisans de ce prince. - MONSIEUR est le chef de la famille, répliquaient les politiques; les lois du royaume, comme la tradition, lui donnent la tutelle du jeune roi et le gouvernement.

On soumit le cas aux souverains; pas ùn d'eux ne daigna répondre. On interrogea leurs ministres; ils gardèrent également le plus absolu silence. A ce moment, il est vrai, les armées de l'Autriche et de la Prusse venaient de battre les troupes républicaines à Aldenhoven, à Nerwinde, à Famars, à Pirmasens, à Kaiserslautern; Mayence était reprise; Condé, Valenciennes, le Quesnoy, Landrecies, venaient de capituler. Ces succès avaient grandi les prétentions des envahisseurs; au début de la guerre, ils ne poursuivaient que la restauration du principe monarchique; vers le milieu de 1793, après le supplice du roi, leur but avait changé; ils ne rêvaient rien de moins que la conquête et le partage de la France. La lutte entre les deux frères de Louis XVI dura plusieurs mois; des deux côtés on écrivit, on discuta; à la fin, les deux partis, lassés, convinrent d'une transaction: - MONSIEUR fut RÉGENT;

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