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à longue barbe qui, en donnant la bénédiction à l'impératrice, eut la distinction qu'elle lui baisa très-respectueusement la main. Tout cela étant passé, S. M. I. se mit, dans la grande salle, à table avec toute cette compagnie du corps, et on y but à trois reprises à la santé du capitaine, des officiers et des simples soldats, chaque fois au bruit du canon et aux fanfares des trompettes. Leurs altesses impériales, qui pendant quelque temps s'étaient tenues, avec nous autres, derrière la chaise de l'impératrice, se retirèrent ensuite dans une chambre attenante, où elles soupèrent avec les dames, les ministres étrangers et les principaux seigneurs de la cour. Il y eut pendant la nuit de trèsbelles illuminations.

III.

Dépêche dans laquelle le ministre donne des détails sur la personne de M. Gross, ministre de Russie à la cour de Berlin.

(Fragment.)
Au Roi.

Saint-Pétersbourg, le (27 décembre) 7 janvier 1751.

Lundi passé M. Gross arriva de Berlin, et le lendemain il eut l'honneur de faire sa cour à l'impératrice, qui lui témoigna d'être entièrement satisfaite de son ministère, et le déclara conseiller d'état actuel au département des affaires étrangères, avec le rang de major-général et un appointement de deux mille roubles.

Quoiqu'il n'ait jamais été auparavant en Russie, et qu'il voie pour la première fois la cour qu'il a servie depuis plusieurs années, il parle et écrit cependant fort bien le russe, l'ayant appris du célèbre prince Cantemir, mort ambassadeur à Paris, et dont il a été le secrétaire particulier.

M. Gross, qui parle publiquement des mauvais traitemens qu'il dit avoir essuyés du roi de Prusse, prétend que M. Williams, envoyé d'Angleterre à Berlin, n'en souffrait pas moins, et que, selon toutes les apparences, le séjour de ce ministre n'y serait plus de fort longue durée.

Le jour de Noël, où il y eut appartement, et où nous eûmes l'honneur de souhaiter d'heureuses fêtes à S. M. I., M. Gross

parut pour la première fois à la cour, et rapporta, en présence de plusieurs personnes, une conversation que le roi de Prusse avait eue avec lord Hindford, lorsque cet ambassadeur passait par Berlin pour s'en retourner en Angleterre. Autant que j'en ai pu retenir, lord Hindford s'étant approché pour prendre congé et pour demander si sa majesté avait des ordres à lui donner, le roi, après avoir fait semblant de chercher dans sa mémoire, a répondu qu'il ne se souvenait pas de connaître personne en Angleterre, excepté son ami Villers, qu'il pouvait assurer de son souvenir. Après une petite pause, il a demandé à lord Hindford: Que deviendrez-vous à présent, quand vous serez chez vous? Ce ministre lui ayant appris l'emploi qu'il avait dans sa patrie, le roi a continué : Étes-vous aussi membre du parlement? L'autre l'ayant affirmé, S. M. a poursuivi d'un ton ironique Vous haranguerez donc? et comme lord Hindford n'était pas bien avec sa femme, qui se trouvait alors à La Haye, le roi lui a encore fait quelques questions embarrassantes sur le tendre plaisir qu'il aurait de la revoir à son passage par la Hollande. Tous ces propos, et plusieurs autres de la même nature, sont rapportés et répandus avec soin, pour rendre ici le caractère du roi de Prusse encore plus odieux.

Je crois d'ailleurs que M. Gross n'aura pas ici une demeure fixe, et que, si l'occasion se présente, on le renverra comme ministre dans les cours étrangères.

..... M. le grand-chancelier m'a dit en confidence que l'envoyé d'Angleterre, Guydickens, était venu le sonder au sujet de ma négociation, lui disant que sa cour en avait pris ombrage et semblait s'imaginer qu'à l'instigation de la France, V. M. travaillait sous main à faire participer cette cour aux mesures prises avec le prince successeur en Suède le dessein de la France étant, sans doute, de rentrer insensiblement en liaison avec la Russie par l'entremise de V. M. comme d'un ami commun; M. Guydickens a ajouté que cette conjecture ne lui paraissant pas vraisemblable, il avait tâché d'en désabuser sa cour, mais que, pour plus de sûreté, il en avait pourtant voulu parler au grand-chancelier, et lui dire en même temps que, si mes négociations avaient pour but de resserrer davantage les liens d'amitié entre le Danemark et la Russie, pour le bien de la cause commune, il avait ordre d'y coopérer de son côté, et

d'aider à avancer un ouvrage aussi salutaire. Sur quoi le grandchancelier lui a répondu qu'il avait eu grande raison de désabuser sa cour sur une crainte qui n'était nullement fondée ; que V. M. n'avait jamais fait à cette cour la moindre ouverture qui tendît à l'engager à prendre quelque part au traité fait avec le prince successeur en Suède; que mes négociations s'étaient bornées jusqu'ici à convenir d'un cartel avec le grand-duc, et que l'impératrice y avait employé ses bons offices, ainsi qu'elle continuait de le faire par rapport à quelques différends qui restaient encore à régler relativement à la régence commune établie en Holstein; qu'au reste, s'il était jamais question d'un concert plus particulier entre V. M. et l'impératrice par rapport aux affaires générales, il ne doutait nullement que l'une des cours, aussi bien que l'autre, ne profitât de la bonne disposition où S. M. britannique témoignait d'être, de vouloir concourir à tout ce qui pouvait avancer le bien commun.

Les fêtes de Noël mettent un nouvel obstacle à ma négociation, et privent M. de Pechlin de l'occasion de parler au grandduc. Il compte cependant le faire encore cette semaine, d'autant qu'il a plusieurs choses fort pressantes à rapporter, tant à l'égard des affaires pécuniaires qui doivent être réglées à la prochaine foire de Kiel, que par rapport au procès intenté contre plusieurs personnes qui sont aux arrêts, et parmi lesquelles se trouve à présent aussi le chancelier Westphalen. M. de Pechlin s'est proposé de redemander alors au grand-duc son dernier écrit qui regarde notre négociation, et en cas que la résolution de ce prince ne soit pas satisfaisante, nous sommes convenus que j'écrirais à S. A. I. une lettre que j'ai déjà projetée éventuellement.......

IV.

Autre dépêche du même.

AU ROI.

Saint-Pétersbourg, le (5) 16 mars 1751.

M. le comte de Berckentin aura sans doute rendu compte à V. M. de la situation fâcheuse où se trouve l'affaire en question, par le changement aussi subit qu'inopiné du grand-duc, qui

vient même de défendre par écrit à M. de Pechlin de lui faire aucune représentation sur ce sujet.

J'ai balancé si ce n'était pas le moment d'exécuter les ordres de V. M. et de rompre la négociation; car bien que le cas auquel ces ordres se rapportent n'ait proprement pas existé, celui qui vient d'arriver à présent l'emporte bien sur l'autre, puisque, s'il est indécent de traiter avec un prince qui ne veut se déterminer à rien, il l'est bien davantage si ce même prince déclare n'en vouloir plus entendre parler.

Cependant, comme les ordres du grand-duc pour me signifier cette résolution de sa part viennent d'être suspendus, et que par conséquent je ne la sais pas authentiquement, n'étant en tout cas autorisé qu'à me plaindre du retardement des contre-propositions, j'ai cru pouvoir, sans compromettre la dignité de V. M., céder aux instances du grand-chancelier, qui, dans l'espoir de trouver une ressource dans la prudence de l'impératrice, m'a prié de lui laisser le temps de faire son rapport à S. M. I.

Quoique je ne me promette pas un grand succès de ses efforts, j'espère néanmoins que V. M. ne désapprouvera pas ma condescendance, que j'ai bornée à une couple de semaines, et qui servira toujours à éviter le reproche, comme si j'eusse précipité la moindre chose. Il y a même une espèce de justice, comme toute cette négociation a été entamée du consentement de l'impératrice, de ne pas la rompre sans sa participation, et soit qu'elle rétablisse l'affaire par son autorité, ou qu'elle abandonne le grand-duc à ses caprices et à sa mauvaise destinée, il sera toujours bon d'avoir une déclaration claire et précise de la part de S. M. I.

Il paraît certain que le grand-duc a donné sa parole à la gr..... d..... de vouloir rompre si brusquement, afin de fermer pour toujours le chemin à un accommodement. On flatte ce prince de l'appui de l'impératrice; le grand-chancelier se flatte à son tour qu'il sera préférablement écouté de cette princesse dès qu'il parviendra à lui parler, ce qui n'est pas facile. Il sent fort bien qu'il y va de son honneur, et peut-être de quelque chose de plus; car il n'ignore pas que le grand-duc a juré sa perte. Ce prince ne le regarde pas; la g..... d..... le traite avec froideur, ses ennemis travaillent avec chaleur contre lui; les esprits sont

fort animés; il faut voir pour qui la victoire se déclarera. M. de Pechlin, intimidé par le ton ferme de son maître et par les manoeuvres de la gr.....d....., qui le hait et le persécute, tremble comme une feuille et garde toujours le lit. Il n'y a que M. Brömbsen qui soutienne encore la gageure et qui assiste le grandchancelier; ils me font confidence de tout, et j'ai presque journellement avec l'un et l'autre des conférences de plusieurs heures, pour concerter ensemble les mesures les plus convenables dans cette conjoncture épineuse......

V.

Autre dépêche du même.

Au Roi.

Saint-Pétersbourg, le (28 mai) 8 juin 1751.

Mes précédentes dépêches auront fait voir à V. M. qu'après le départ du courrier Rosenfeldt, les affaires ont toujours été de mal en pis; et quand on réfléchit sur l'ouverture que le grand-chancelier me fit dans ce temps-là et que j'ai rapportée dans ma très-humble relation, il est fort probable qu'il y a eu une explication entre l'impératrice et lui, qui l'a fait entièrement désespérer de la réussite de l'affaire; et quoiqu'il n'en convienne pas, même envers ses amis les plus affidés, sans doute pour ne pas avouer sa défaite, je ne puis plus en douter. Il est probable que l'impératrice, ayant apparemment promis au grand-duc de ne pas vouloir le forcer à un accommodement, a déclaré sans retour au chancelier qu'elle n'entrerait pas dans les mesures qu'il lui avait conseillées, et ce qui paraît le prouver encore davantage, c'est que, malgré les tentatives que j'ai faites depuis, pour porter ce ministre à faire agir l'impératrice, il a toujours soutenu qu'il n'y avait rien à faire; et comme il a voulu absolument que le refus du grand-duc me fût signifié, à quoi il s'était tant opposé auparavant, il y a encore apparence que tel aura été le sentiment de l'impératrice, afin de pouvoir établir sur ce cas la réponse qui me serait donnée de sa part. Voilà du moins ce que je soupçonne, et les circonstances ne le rendent que trop vraisemblable. Comme il fut donc décidé que la négociation serait rompue et qu'à mon plus grand regret, comme il

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