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«cusation, parce que M. Laporte s'est mal exprimé ou a cherché à faire valoir son zèle auprès du roi par des espérances imaginaires? Les faits que je viens de rapporter suffisent par leur rapprochement « pour expliquer le véritable sens des expressions de M. Laporte. - Je n'ai plus qu'un mot, et ce mot suffira à tout homme d'honneur qui sait en reconnaître dans les autres et les principes et le langage. C'est le 19 de ce même mois - d'avril que je rédigeais cette fa- meuse adresse du département, adresse que les patriotes appelaient alors républicaine. Je prie les ⚫ hommes justes qui ont accordé quelque estime à ma conduite politique, dans le cours de la révolution, de relire cette adresse, et de se demander si l'homme qui adressait au roi de telles paroles le 19, qui les lui portait le 20 au matin, et qui n'ignorait pas de quelle manière elles avaient été ⚫ reçues, pouvait, le 25, faire parler ⚫au roi de son zèle pour lui. Il y a probablement là quelque erreur de date, quelque anachronisme qui ne change rien au fond des choses mais d'où l'on peut au moins conclure que vers cette époque, un peu avant la mort de Mirabeau, Talleyrand eut, de concert avec le grand orateur, des rapports avec la cour, et que sa présence au lit de mort de celui-ci eut surtout pour but de faire disparaître les preuves de ces rapports, comme aussi des complots du Palais-Royal qui existaient dans ses papiers. C'était là sans doute un soin qui les intéressait beaucoup plus l'un et l'autre qu'une froide oraison sur les successions. D'ailleurs, comme nous l'avons dit, cette lettre de Talleyrand était plus que toute

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autre chose un moyen de justification qu'il se ménageait dans l'avenir il ne pouvait renoncer à rentrer un jour en grâce dans cette chère France dont il espérait encore exploiter les malheurs. Pour le moment il fallut y renoncer; la Convention tint peu de compte de sa défense, et par le seul motif que sa lettre était postérieure à la mise en jugement de Louis XVI, elle déclara maintenir le décret d'accusation. Son inscription sur la liste des émigrés fut également maintenue.

Ce qui est assez remarquable, c'est que tandis qu'on accusait de royalisme à Paris le prélat ambassadeur, il était regardé à Londres, avec plus de raison sans doute, comme un jacobin, un propagandiste fort dangereux, et que les émigrés, alors trèsnombreux dans cette ville, le pour suivaient comme tel. Bien qu'il prît beaucoup de précautions, et qu'il ne sortît jamais seul ou sans être déguisé, il fut plusieurs fois provoqué, insulté. Mais personne ne supportait de pareils accidents avec plus de résignation et d'impassibilité. Comme on l'a dit souvent, c'était un homme à qui l'on pouvait donner vingt coups de pied dans le derrière sans qu'il y parût sur sa figure; et ce mot, qui le peint assez bien, n'est guère que la traduction de ce qu'avait dit Horace d'un diplomate de son temps: Nil conscire sibi, nulla pallescere culpá.

Talleyrand et Chauvelin se soutinrent comme cela péniblement jusqu'à la mort de Louis XVI; mais lorsque cet attentat eut soulevé l'indignation des trois royaumes, même celle du parti de l'opposition, leur position ne fut plus tenable, et le ministère lui-même ne put garantir leur sûreté. Le public n'avait pas connaissance des négociations secrètes qui se poursuivaient encore, et

le cabinet anglais se garda bien de les faire connaître. Chauvelin retourna en France, et Talleyrand seul put rester encore quelque temps en Angleterre sous prétexte de ces négociations à terminer; mais enfin il fallut obéir à la loi de l'alien bill. Alors, s'étant fait donner un ordre de sortir des États britanniques dans trois jours, il s'embarqua sur un vaisseau danois pour les États-Unis d'Amérique. On a raconté sur cette navigation une anecdote assez piquante. Craignant en même temps de tomber dans les mains des Français, qui l'avaient décrété d'accusation, et dans celles des Anglais, qui venaient de l'expulser, Talleyrand vit approcher une redoutable frégate anglaise, qui, en conséquence de l'oppressif système de visite que s'est arrogé l'Angleterre, allait contraindre à s'y soumettre le frêle bâtiment danois. A cette vue, frappé de terreur, le cidevant évêque alla implorer le capitaine qui, lui-même fort embarrassé, ne vit qu'un moyen de le soustraire à un si grand péril: ce fut de le déguiser en cuisinier, ce qui dans le premier moment parut un peu dur au prélat; mais enfin, se résignant, il endossa le tablier et le bon net de coton, ce qui ne lui allait pas trop mal, a-t-on dit, et le déguisa si bien en présence de l'officier anglais qui vint inspecter le bâti ment, qu'on ne soupçonna pas qu'un aussi grand homine fût caché sous de pareils vêtements. Le comte de Wattersdorff, qui a été ambassadeur de Danemark à Paris, connaissait cette anecdote, et il ne manquait pas de la raconter quand il était mécontent et qu'il fallait donner de l'argent au ministre, ce qui arrivait souvent. Ainsi, grâce à ce déguisement et à d'autres précautions, car le pru

dent évêque n'en oubliait aucune, il arriva sans accident à Philadel- ̈ phie, où il se tint encore soigneusement caché, ne voyant de ses compatriotes ni les royalistes ni lés républicains, dont il avait également à craindre le ressentiment. On a dit qu'à l'exemple de son ancien ami et collègue Dandré, qui dans ce même temps faisait en Allemagne des spéculations sur le sucre et sur le café avec l'argent du prétendant, il établit à Philadelphie un commerce de bonnets de coton, probablement avec l'argent qu'il avait reçu ainsi que Mirabeau de l'intendant Laporte. Nous ne pensons pas cependant qu'il se soit à ce point rabaissé; car, ainsi que tous les grands seigneurs qui se sont faits démocrates, il tenait beaucoup à son ancien rang, et il se montra toùjours très-fier de son origine. Quel que soit au reste le genre de commerce qu'il ait entrepris en Amérique pour refaire sa fortune, comme il l'écrivait à madame de Genlis, il est bien sûr qu'une pareille restauration dans ce pays était alors fort difficile. Il n'y fut donc pas longtemps sans être atteint par l'ennui, et il mit tout en œuvre pour revenir en France, dans cet Eldorado de l'intrigue, dans ce pays si heureusement constitué pour les fortunes à faire, pour les révolutions à exploiter.

Quand il apprit que Robespierre était mort et que son parti était abattu, comme c'était celui qu'il redoutait le plus, celui qui avait renversé Danton et la faction d'Orléans, il

conçut de sa chute de grandes espérances, et se mit à rédiger des mémoires, à fabriquer des requêtes, qu'il envoya à ses amis de Paris, surtout au fidèle Desrenaudes, qui n'avait pas cessé de lui être dévoué,

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libre, en attendant que la France ait des juges et non pas des meurtriers, une république et non pas une anarchie constituée. Je ré• clame de vous Talleyrand au nom de ses nombreux services; je le réclame au nom de l'équité nationale, au nom de la république qu'il peut servir encore par ses talents, au nom de la haine que • vous portez aux émigrés et dont il serait victime comme vous, si

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ainsi que par le boucher Legendre, spectacle imposant d'un peuple ancien agent du Palais-Royal, par le protestant Boissy d'Anglas, et par le poète Chénier, qui, dans le même temps, n'avait peut-être pas moins aidé aux spoliations révolutionnaires par ses déclamations dramatiques contre le clergé et la monarchie. Le ci-devant prélat avait gardé le souvenir de tous ces bienfaits, et tous se rappelaient également les services qu'il leur avait rendus. Une circonstance assez remar→ quable, c'est que ce fut le 5 septembre 1795, deux jours après qu'un pareil dé cret eut été obtenu pour le général Montesquiou, que le poète de la SaintBarthélemy monta à la tribune de la Convention nationale, pour qu'elle accordât la même faveur à l'ancien évêque d'Autun: Le décret équi⚫table que vous avez rendu hier, • dit-il, en faveur de l'ex-général Montesquiou, m'impose le devoir • d'en réclamer un semblable pour « un homme que ses talents distingués et les services qu'il a rendus • dans l'Assemblée constituante pla- ceront au rang des fondateurs de - la liberté, pour Talleyrand-Périgord, ancien évêque d'Autun. Nos ⚫ divers ministères à Londres attestent la bonne conduite qu'il a te⚫ nue et les services qu'il a rendus. • J'ai entre les mains un mémoire dont on a pu trouver un double • dans les papiers de Danton. Ce mémoire, daté du 25 novembre • 1792, prouve qu'il s'occupait à • consolider la république, lorsque, • sans motif et sans rapport préa

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des lâches pouvaient triompher.. Il n'est pas inutile d'observer, sur cette dernière phrase de l'orateur, que c'était précisément à cette époque que, par ordre de la Convention-nationale, on massacrait lâchement à Quiberon des émigrés qui avaient été reçus en capitulation! Il y aurait encore bien d'autres observations à faire sur ce discours de Chénier; mais le temps et l'espace nous manquent. Nous aurions surtout désiré connaître ce mémoire du 25 novembre 1792, qui a dû se trouver dans les papiers de Danton, mais que les bour reaux de celui-ci n'ont pas manqué sans doute, suivant leur usage, de livrer à Maximilien Robespierre, et qui est ainsi perdu pour l'histoire, ce qui est très-fâcheux. On y eût trouvé de précieuses révélations sur les mystérieuses négociations de Londres et de Valmy, qui toutes avaient passé par les mains de Talleyrand. On voit toutefois que, dans cette notice, nous en avons mis au jour pour la première fois une assez

grande partie, et qu'en y joignant ce que nous avons dit dans la notice Dumouriez, cette époque si importante de l'histoire contemporaine ne restera plus aussi obscure, aussi incomplète que se sont efforcés de la rendre certains historiens! :

La loi d'abrogation que demandait Talleyrand, par l'organe de Chénier, fut rendue à l'unanimité quant au décret d'accusation et à l'incription sur la liste des émigrés. Dès que le cidevant évêque en fut informé, il se hâta de revenir en Europe, et s'embarqua encore une fois sur un vaisseau danois, qui le transporta non pas dans un port français, ce qui était son véritable itinéraire, mais à Hambourg, où l'ancien ami de Philippe-Égalité n'ignorait pas que se trouvaient réunis quelques débris de la faction d'Orléans, notamment Dumouriez, Valence, madame de Genlis et son digne élève le prince Louis-Philippe, qu'il n'avait pas vu depuis cinq ans, et qui devait partir bientôt pour se rendre en Amérique, où le forçait d'aller l'ombrageux Directoire. Comme Talleyrand voulait surtout retourner en France et qu'il craignait de se compromettre, il ne vit le jeune prince et ses amis qu'avec beaucoup de précautions; et, après avoir passé quelques mois sur les bords de l'Elbe, il partit pour les rives de la Seine,

Ce fut dans les premiers jours de l'année 1796, au moment où Napo léon Bonaparte entrait en Italie dans sa glorieuse carrière de victoires que le ci-devant prélat partit de Hambourg pour se rendre à Paris, Son équipage était modeste; il n'avait à ses côtés que la belle Indienne madame Grand, dont il ver nait de faire la connaissance, et dans sa bourse que très peu d'ar

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gent, ayant laissé à Hambourg, chez le banquier Ricci et Co, une somme de 50,000 francs qui était toute sa fortune, ce qu'il est bon de noter pour savoir de quel point il est parti. Son arrivée à Paris ne fut pas éclatante, et il ne fit rien pour qu'il en fût autrement. Logé modestement dans un hôtel garni, il eut le chagrin d'y voir arrêter et conduire en prison par des gens de police sa compagne de voyage madame Grand, soupçonnée d'avoir eu à Hambourg des rapports intimes avec des émigrés, tort grave alors, et qui pouvait bien ne pas être une calomnie. Quoi qu'il en soit, Talleyrand fut obligé, pour obtenir la liberté de cette dame, d'écrire lui-même au directeur Barras une lettre assez curieuse et dont nous avons l'autographie sous les yeux. Comme cette épître caractérise assez bien l'écrivain et cette dame, dont nous aurons encore à parler plus d'une fois, nous croyons devoir la donner tout entière (7). C'était du reste, pour l'ancien prélat, une bien petite demande, et elle fut promptetmen expédiée! Madame Grand fut aussitôt rendue à la liberté, et il ne fut pas même question de cette mé

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- fÒn vient d'arrêter madame Grand comme conspiratrice. C'est la personne d'Europe la plus éloignée et la plus incapable de se meler d'aucune affaire. C'est une Indienne

bien belle, bien paresseuse, la plus désóceupée de toutes les femmes que j'aie jamais rencontrée. Je vous demande intérêt pour elle; je suis sûr qu'on ne lui trouvera pas l'ombre de prétexte pour ne pas terminer cette petite affaire, à laquelle je serais bien fâché qu'on mit de l'éclat. Je l'aime; et je vous atteste à vous, d'homme à homme, que de sa vie elle ne s'est mêlée et n'est en état de se mêler d'aucune affaire. C'est une véritable espèce de femmes est loin de toute intrigue. Indienne, et vous savez à quel degré cette

Salut et attachement, Ch.-M. Talleyrand, --45 9: 4 germinal an IV (1996).

prise de la police dans les journaux ultra-révolutionnaires, qui ne la connurent pas sans doute, car ils n'en parlèrent point, et cependant ils ne manquaient aucune occasion d'atta- ́ quer le ci-devant évêque.

Ce fut, au reste, un bien faible désagrément qu'éprouva Talleyrand, à son arrivée dans cette capitale, qu'il revoyait avec tant de joie, qu'il aimait presque autant que madame de Staël, lorsqu'elle a dit, aux gens qui lui parlaient de pastorales et de ruisseaux limpides, que de tous ces ruisseaux c'était celui de la rue du Bac qu'elle aimait le mieux! Le ci-devant prélat ne pensait pas autrement, et sitôt qu'il fut rentré dans Paris, il se mit à en parcourir tous les quartiers en cabriolet et souvent à pied, pour y retrouver ses anciens amis, ses confrères du PalaisRoyal, les successeurs de Mirabeau, de Lauzun et de Danton, les aides de-camp, les correspondants de Du mouriez, de Louis-Philippe, et parmi ceux-là Beurnonville, Montesquiou, Valence, Macdonald, etc. C'était ce pendant alors un parti renversé et qui avait presque eutièrement disparu, mais qu'on espérait bien raviver un jour! Mme de Staël et Barras euxmêmes, qui y avaient été fortement attachés, n'y croyaient plus, et sans l'abandonner entièrement, ils cherchaient à se retourner d'un autre côté. Voilà où en étaient les choses lorsque Talleyrand arriva à Paris au printemps de 1796, quand déjà Bor naparte, marié depuis six mois, en était parti pour se rendre à l'armée d'italie; ainsi, il n'est pas vrai qu'il ait été témoin de son mariage avec Joséphine. Il y rencontra quelquefois cette dame dans les salons du Directoire, et lui fit toutes les politesses, lui adressa toutes les flatteries qui

étaient dans sa position et ses habitudes, mais ils restèrent réciproquement dans un état de réserve dont ils ne sont jamais sortis. Plus tard, il est même sûr que l'ancien évêque fut secrètement hostile à Joséphine, qui, au premier coup d'œil, l'avait compris et très-bien jugé, et qui d'ailleurs fut toujours beaucoup mieux avec Fouché.

Il s'attacha alors de préférence à M. de Staël, qu'il connaissait depuis longtemps et qui pouvait mieux le servir par son crédit et son esprit d'intrigue. «Cette dame, selon un de

ses historiens, jouissait d'un grand - crédit auprès du directeur Bar• ras, et lui parlait souvent de Talleyrand qu'elle voulait voir arriver au pouvoir. Le moment lui parais«sait favorable. Un directeur (Letourneur) allait sortir; et, suivant elle, la seule personne qui pût occuper cet emploi était M. de Talleyrand, l'homme le plus ca

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pable, le patriote le mieux éprou« vé..... » Madame de Staël n'ajoutait pas à cette apologie d'un ancien ami que, si elle pouvait le faire arriver au pouvoir, elle ne doutait pas qu'il ne lui fît bientôt accorder un remboursement de deux millions que son père, disait-elle, avait autrefois laissés dans les caisses de l'État, qu'elle avait demandés à tous les gouvernements qui se succédaient depuis dix ans, mais que tous avaient obstinément refusé de lui rendre, mais que plus tard Louis XVIII-lui a remis à sa première demande, dans un temps où le ci-devant évêque jouissait d'un très grand crédit. On a donc eu quelque raison de dire que ce n'était pas sans ingratitude que cette dame s'était plainte des procédés de l'ancien évêque. Nous ne contesterons pas qu'à cette épo

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