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avoir parlé de l'objet de sa mission, le diplomate américain ajoute, sous la date du 17 février: « L'évêque -d'Autun s'est réduit à la cession de Tabago, à la démolition de Cher• bourg et à une extension du traité de commerce, en demandant une - stricte neutralité en cas de guerre • avec l'empereur. S'il est mal ac- cueilli, c'est par trois raisons: 1° • parce que la cour voit avec horreur et crainte les scènes dont Paris est le théâtre ; 2° parce que • sa réputation est choquante pour - les personnes qui se piquent de décence; 3o enfin, parce qu'il a com«mis, dès son arrivée, l'imprudence • d'émettre l'idée de corrompre les ⚫ membres de l'administration, et de ⚫ se lier avec les ennemis de l'auto-rité. Ainsi il est bien vrai que dès le commencement la faction révolutionnaire n'hésita pas, quand elle se crut en péril, à tout sacrifier aux prétentions de l'Angleterre, même nos plus belles colonies et les forts de Cherbourg, qui avaient exigé tant de frais et de travaux! Il avait été d'abord question de livrer encore d'autres possessions, entre autres les îles de France et de Bourbon; mais quand on crut n'avoir plus rien à craindre du continent, et que

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les Prussiens parurent disposés à s'arranger, les négociateurs français se montrèrent moins faciles. Tout indique que leurs dernières offres furent acceptées et que ce fut à ce prix qu'ils obtinrent, pour quelques mois du moins, la neutralité de l'Angleterre. Mais comme, dans l'état d'agitation et de désordre où se trouvait la France, les factions qui se succédaient si rapidement au pouvoir ne suivaient pas toujours le même système politique, les conventions de cette époque ne furent pas longtemps

considérées comme obligatoires, et c'est ainsi que furent sauvées nos colonies; c'est ainsi que nous échappâmés à la honte de détruire nous-mêmes le port de Cherbourg, l'un des plus beaux monuments de notre puis

sance.

Comme nous l'avons dit, ce voyage que fit alors à Paris le prélat-négociateur fut de peu de durée; il ne tarda pas à revenir avec de nouveaux pouvoirs, de nouvelles instructions et un ambassadeur titulaire, ce qu'il ne pouvait être lui-même, puisqu'un décret de l'Assemblée nationale obligeait tous ses membres à n'accepter pendant quatre ans aucun emploi à la nomination du roi. On ne trouva pas d'autre moyen d'éluder cette loi que de nommer le fils du marquis de Chauvelin, jeune homme sans expérience, mais tout dévoué au parti révolutionnaire, et qui devait ainsi s'entendre parfaitement avec l'ancien évêque, et recevoir de lui des avis, même des ordres, ainsi que cela lui fut recommandé. Les deux ambassadeurs arrivèrent à Londres dans les premiers jours de mars 1792, avec de très-grands pouvoirs, des instructions très - remarquables, et ils ouvrirent des négociations très actives, qui ne furent pas interrompues par la déclaration de guerre que la France fit à l'Autriche (avril 1792), ni même par ce que le ministère anglais apprit de plusieurs intrigues et de secrètes menées des négociateurs, non-seulement avec le radicalisme anglais, mais avec les chefs de l'opposition parlementaire, et d'où il était déjà résulté des réunions, des associations politiques qui s'étaient établies à Londres, et dont l'une s'intitulait les Amis du peuple, et comptait parmi ses affiliés une trentaine de membres du parle

ment, entre autres le célèbre Grey, qui déjà avait annoncé à la chambre des communes un projet de réforme parlementaire. Sa motion fut repoussée avec force par le ministre Pitt lui-même, mais elle ne laissa pas de donner de l'inquiétude; de manière que Chauvelin, ayant insisté pour que la neutralité de la France fût positivement reconnue, le ministère ne répondit que par la déclaration suivante, qui parut dans le journal officiel : L'Angleterre restera indifférente à tout ce qui se passera, à condition que la France respecte les droits des puissances ses alliées. Cette réponse un peu vague fut suivie d'une proclamation de neutralité plus explicite, ce qui était assurément tout ce que pou vait exiger le parti révolutionnaire qui gouvernait la France sous le nom de Louis XVI, et dont Chauvelin et Talleyrand étaient les représentants. Ce parti ne les avait d'ailleurs pas chargés d'en demander davantage, et ils furent réellement très satisfaits. Ils envoyèrent sur-le-champ un courier à Paris, et l'on ne peut pas douter que cette nouvelle n'ait eu une grande influence sur les négociations dès lors commencées avec la Prusse.

Une nouvelle catastrophe vint cependant encore une fois embarrasser ces difficiles négociations; ce fut celle du 20 juin 1792, où Louis XVI courut de si grands dangers, où il montra tant de sang-froid et de courage! Dès que Talleyrand en eut connaissance, il se décida à retourner à Paris où l'appelaient sans doute plus impérieusement encore les démonstrations des Prussiens pour envahir la France sous les ordres du duc de Brunswick, que Demouriez s'apprêtait à répousser par des intrigues beaucoup plus que par la force des armes.

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On doit bien penser que pour cela il comptait sur Talleyrand et qu'il n'ignorait rien des négociations de Londres, de même que celui-ci était très-exactement informé de ce qui se passait sur la frontière de l'est. Dès que Talleyrand fut arrivé à Paris, il se mit en correspondance avec Dumouriez, et de nombreux agents, entre autres Benoist, Mandrillon, etc., portaient chaque jour les nouvelles de la capitale au quartier général. Toutes les circonstances de cette époque doivent être rapportées. Ce fut là que se décidèrent pour longtemps les destinées du monde! et nous ne craignons pas de dire que jusqu'à ce jour aucun historien.ne les a fidèlement racontées !

Le prélat-négociateur avait aussi besoin dans le même temps de répondre à quelques clabauderies proférées contre lui dans les clubs et à l'Assemblée nationale, entre autres à un discours du 4 juin par le député Ribbes, homme jusqu'alors ignoré et qui n'a laissé aucune trace dans l'histoire, mais qui paraît avoir connu au moins une partie des causes et du but de beaucoup d'intrigues. Sous ce rapport, son discours mérite d'être conservé: « Et moi aussi, dit-il, je « veux dénoncer le comité autri

chien, ce comité détestable qui ⚫ trahit la patrie et veut monter sur le trône par les degrés du crime, qui favorise l'indépendance des colonies, veut les livrer à l'Angleterre, et établir les deux cham

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bres. Pour le dérober à notre vue, - ses membres l'ont appelé le comité • autrichien; je lui restitue son vrai ■ nom, la faction d'Orléans. Le dé• vouement des Décius peut avoir ⚫ encore des imitateurs, et, dussé-je • être poignardé au sortir de cette salle ou mourir comme Mirabeau,

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empoisonné pour avoir dévoilé les - trente factieux, je dirai la vérité. Je dois prouver que ce comité a ⚫ formé l'horrible complot de faire ■ massacrer le roi, la famille royale ■ et tous ceux qui veulent la consti• tution; que, prévoyant le cas où • son complot avorterait, il s'est mé. nagé une amnistie en favorisant l'indépendance des colonies, ou leurs - conquêtes par les Anglais. Pour • être convaincu de ces faits, il suffit . de reconnaître les écrits du jour■naliste soudoyé par les amis des noirs, les fréquents voyages de • MM. d'Orléans et Talleyrand à - Londres, les 60,000 livres de traitement accordées à ce dernier, et les « efforts faits pour donner à un ami • du premier le gouvernement des fles. Il avait donc raison Maximilien Robespierre, en dénonçant ce complot aux jacobins. Ne croyez • pas que les scélérats aient renoncé . à leurs projets ; ils veulent en rendre l'Assemblée protectrice je

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• conclus au décret d'accusation. Il y a bien dans ce discours quelques in dications obscures, mystérieuses,que la tourbe ignorante des représentants ne dut pas comprendre, mais qui, appuyées des documents à présent découverts, ne peuvent échapper aux intelligences les plus vulgaires. Ce fut donc pour ne pas avoir compris l'orateur, comme il arrive souvent dans le système parlementaire, que l'Assemblée passa à l'ordre du jour, et que Talleyrand ne fut pas décrété d'accusation. Du reste, il ne fut pas attaqué ni défendu par d'autres orateurs, et il se garda bien de réveiller le souvenir de cette accusation lorsqu'il revint à Paris; il fit, au contraire, tout ce qui dépendit de lui pour n'être pas aperçu dans le tourbillon de

désordre et de trouble qui agitait la capitale.

C'était dans ce moment(juillet1792) que le duc de Brunswick se mettait en campagne à la tête d'une puissante armée, pour rétablir le trône de Louis XVI et réprimer la révolution. Ce fut au moins ce qu'il dit dans un manifeste plein de menaces et d'invectives dont il se fit précéder et que les faits ne tardèrent pas à démentir. Si son langage fut dur et superbe, sa marche fut aussi lente que timide. En présence de forces qui lui étaient inférieures de plus de moitié, il ne fit que vingt lieues en quarante jours et prit en un mois deux places dont l'une lui ouvrit ses portes et l'autre se défendit à peine (5); et pendant ce temps la faction révolutionnaire, peu effrayée de ses menaces et très rassurée par la

(5) Nous ne répéterons pas ce que nous avons dit de cette expédition du duc de Brunswick, dans la notice de Dumouriez, au tome LXIII, page 147 de la Biogra phie universelle publié en 1837, en présence de Louis-Philippe devenu roi,et qui faisait retentir si haut la gloire de cette farce de Valmy, comme l'a nommée Gouvernur-Moris. Sans intention de le braver ni de flatter son pouvoir, nous ne dimes alors que ce que nous regardions comme vrai, ce qui est devenu incontestable. Aucune réfutation sérieuse n'en a été faite, c'est aujourd'hui un fait acquis à l'histoire. Le petit nombre de militaires qui avaient assisté comme nous à cette prétendue bataille de Valmy, et qui ont lu la description que nous en avons faite, ont surtout loué notre exactitude; et ces éloges nous sont d'autant plus précieux, que e'était des officiers généraux de beaucoup d'instruction et de capacité. Les éloges donnés à cette norendu sur les lieux avec la mission d'examiner tice par M. le capitaine Joinville qui s'était le terrain,et peut-être d'y trouver des moyens de réfuter nos assertions, ne sont pas moins très instrnit, et qui loin de nous réfuter n'a flatteurs de la part d'un officier également fait qu'approuver notre récit dans plusieurs articles du Spectateur militaire et dans une le plus vif intérêt et comme un témoignage brochure spéciale que nous avons lue avec irrécusable.

lenteur de sa marche ou même d'autres motifs, attaquait audacieusement le roi dans son palais,et, n'ayant pu l'y égorger, l'enfermait dans une vieille tour d'où il ne devait plus sortir que pour aller à l'échafaud.

La participation de Talleyrand à ces terribles événements est un fait peu connu et cependant; bien digne d'être remarqué. Arrivé à Paris de puis plus d'un mois, il s'était tenu soigneusement caché, et ne voyait qu'en secret les chefs de son parti, même le duc d'Orléans, qui se mourait de peur dans son palais aux approches d'une révolution dont il avait donné le programme et payé les acteurs. Dans la journée décisive, on vit cependant aux Tuileries le ci-devant prélat à côté de Rœderer, procureur syndic du département dont lui-même était resté membre. Il se tint près de lui, suivant la famille royale, lorsqu'elle se rendit à l'Assemblée, et, ne voulant pas être remarqué, ne dit pas un mot pendant toute cette horrible séance. Cependant, au dernier moment, quand la déchéance fut prononcée, et qu'il vit l'embarras où l'on était sur ce qu'il y avait à faire immédiatement de la personne du malheureux roi, il tira de sa poche l'adresse d'une lettre qu'il fit passer au président, après y avoir écrit ces mots : Envoyez-les à la tour du Temple. Héraut de Séchelles, qui présidait, fit un signe d'adhésion, et sur-le-champ il fut décidé que la famille royale tout entière serait en fermée dans l'ancien palais des Templiers (6), qui devint une prison d'É

(6) Ce palais avait été la dernière de meure de Jacques Molay, et quelques historiens ont prétendu que la mort de Louis XVI n'avait été qu'une expiation de celle du dernier grand maître de l'ordre.

tat. Quant au billet qui avait amené un aussi triste dénouement, après avoir passé de main en main, il resta dans celles de Roederer qui l'a gardé toute sa vie comme un précieux autographe et ne le montrant qu'à ses amis les plus intimes,

Après cette affreuse journée du 10 août, Talleyrand resta encore longtemps à Paris, où le retint sans doute la suite des négociations entre l'Angleterre, la Prusse et la France, dont lui seul tenait le fil et connaissait bien le but et les moyens. Comme nous l'avons dit, tous les jours lui et ses amis, Lebrun et Danton qui gouvernaient réellement la France, recevaient plusieurs courriers du quartier général de Dumouriez, qui n'était qu'à trente lieues de Paris, et d'un autre côté ils lui envoyaient avec la même exactitude les nouvelles qu'ils recevaient de Londres, de manière que de part et d'autre ces négociations furent conduites jusqu'à la fin avec beaucoup d'exactitude. Talleyrand ne retourna en Angleterre que lorsque tout fut définitivement arrêté et convenu.

Pour bien apprécier sa position dans de pareilles circonstances, il faut se rappeler le tableau qu'offrit la capitale à cette terrible époque de la fin d'août et surtout des premiers jours de septembre 1792, où des monceaux de cadavres jonchaient les rues, où le sang ne cessa pas de couler, où l'on entendit sans cesse le jour et la nuit,dans tous les quartiers, pendant plus d'une semaine, les cris des assassins, des bourreaux, les plaintes, les gémissements des victimes; et parmi ces victimes, le plus grand nombre se composait de prêl'État avait dépouillés de tres que leurs biens depuis trois ans, sur le rapport de Talleyrand, en leur pro

mettant une rente viagère dont le premier quartier était encore à payer! Et parmi ces malheureux, il en était sans doute plusieurs qu'il avait connus, entre autres le vénérable archevêque d'Arles, Dulau, qui, comme lui, avait été agent général du clergé. Nous n'avons pas ouï dire qu'il ait fait le moindre effort pour le sauver ni pour en sauver aucun autre... Et cependant il n'avait qu'un mot à dire au maître absolu de toutes choses, à son protecteur, son ami Danton, qu'il avait naguère protégé luimême! Le passeport qui lui fut donné pour retourner à Londres, sous la date du 10 septembre 1792, est une pièce assez curieuse et véri tablement historique. On y voit la signature de six membres du conseil exécutif: Lebrun, Danton, Servan, Clavière, Roland et Monge, avec ce peu de mots qui ressemblent assez à un firman du grand - seigneur : Laissez passer Charles-Maurice Talleyrand, allant à Londres PAR NOS ORDRES. C'était le style de la diplomatie qui venait d'être céée ! On ne peut pas douter, d'après de telles expres sions, que Talleyrand ne fût chargé d'une très-importante mission; et qu'il ne s'agissait de rien moins que du salut non pas de tant de victimes qui déjà n'existaient plus, mais de celui de leurs bourreaux, de leurs juges! ou plutôt de l'existence de la république, de celle de ses fondateurs, qu'assurèrent bientôt les conventions de Valmy et de Londres!

Cependant Talleyrand fut loin d'être alors traité par le gouvernement révolutionnaire comme le méritaient d'aussi grands services. Ainsi qu'on l'a dit souvent, les républiques ne sont pas moins ingrates que les rois! A peine était-il retourné à Londres pour la seconde fois qu'il eut encore

à se défendre contre les accusations du parti demagogique persistant le prendre pour un royaliste inflexible, ce qui était assurément une calomnie. Une lettre de l'intendant de Louis XVI, Laporte, où il était présenté comme disposé à servir ce prince, ayant été découverte dans la fameuse armoire de fer, fut lue à la Convention nationale lé 5 décembre 1792, et le jour même il fut décrété d'accusation, puis inscrit sur la liste des émigrés. Comme rien ne pouvait le toucher plus qu'un pareil ostracisme, et que la seule idée d'être séparé pour toujours de la France révolutionnaire, de cette république qu'il avait si bien servie, le désespérait, il fit aussitôt tout ce qui était en lui pour conjurer l'orage, et le 12 du même mois, au moment où le procès de Louis XVI en était à son paroxysme, il adressa au président de la Convention une longue et humble requête. La dernière partie de cette épître en explique assez la pensée; et ce qui est relatif à l'insolente adresse qu'il avait eu l'andace de présenter lui-même à Louis XVI, comme il le reconnaît, est un tort de plus envers ce prince, alors si malheureux!« Si M. Laporte, en envoyant cette pièce à Louis XVI, lui a écrit que je paraissais dési«rer servir Sa Majesté; s'il lui a parlé de mon zèle et de mon crédit, parce que je voulais, avec tous les patriotes de l'Assemblée constituante, faire consacrer la liberté, générale des opinions religieuses, où le roi devait trouver, comme tous les citoyens, sa liberté particulière, M. Laporte s'est servi « d'une expression très-inconvenable. Mais d'après quel principe de justice puis-je être décrété d'ac

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