Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

gleterre étaient engagées dans la discussion dont nous avons rendu compte, sur les bases du traité préliminaire; les membres de l'opposition, étonnés du spectacle si nouveau à cette époque, de flottes françaises, naguères enchaînées dans leurs ports, franchissant sans obstacle les mers qui leur avaient été si long-temps fermées, demandèrent compte aux ministres d'un événement si extraordinaire. « L'histoire militaire de l'Europe mo» derne, disait lord Grenville, n'offre pas » un semblable exemple; le temps qui s'é» coule entre la signature des préliminaires » et celle du traité définitif, a toujours été >> considéré comme une honorable trève, » pendant la durée de laquelle aucune des » parties belligérantes ne doit faire aucun >> mouvement militaire; il ne supposait pas » que la France songeât à rompre un traité >> si avantageux pour elle; mais il n'y trou

vait aucune garantie contre le danger de » forces si prépondérantes dans les Indes oc »cidentales. Il demandait si, dans le cas où » la France aurait voulu stipuler, par un

>> article du traité, l'autorisation de faire » sortir de ses ports seize vaisseaux de ligne >> avec 10,000 hommes, il était dans les. >> chambres un seul membre qui eût adhéré » à une telle condition? N'était-ce pas tolérer » la guerre au milieu de la paix? »

Lord Addington répliquant à ces véhémentes interpellations, dit qu'on ne devait rien préjuger sur ces événemens, et particulièrement sur les mesures de précaution que le ministère avait pu prendre. En effet, le gouvernement anglais qui, bien que jaloux de ne point ébranler les bases des préliminaires, ne voyait pas sans inquiétude une telle entreprise, réunit une flotte dans la baie de Bantry, sous le commandement de l'amiral Mitchell, qui fut chargé de surveiller les mouvemens des Français aux Indes occidentales. Lorsque les équipages de cette flotte connurent leur destination, et quoique l'état de paix leur eût été notifié, ils se révoltèrent. Néanmoins, cette insurrec tion fut bientôt réprimée, et une escadre de sept vaisseaux de ligne fit voile vers la Ja

maïque, pour renforcer sur ce point les sta tions anglaises, et prévenir la chance d'une attaque.

Toussaint, dont les relations avec les Anglais n'avaient point été interrompues, fut officiellement informé des préparatifs qui se faisaient dans les ports de France; mais il n'en connaissait pas l'étendue, et ne se croyait pas si prochainement menacé; il pensait qu'on n'entreprendrait rien contre lui avant d'avoir sondé ses dispositions, et reconnu l'état de la colonie; il s'attendait à voir arriver, comme dans les circonstances précédentes, des commissaires du gouvernement avec quelques troupes; il se préparait à les recevoir, à renouveler ses protestations de fidélité; mais malgré la froideur avec laquelle ses premiers actes et sa constitution avaient été reçus, il ne crut point qu'on eût résolu de lui enlever les pouvoirs qu'il s'était arrogés, et dont il avait usé pour pacifier et rétablir la colonie. Ses lieutenans, tous ses agens partageaient sa sécurité; il leur avait inspiré les sentimens de fidélité et de dévouement à la France,

dont on ne peut douter qu'il ne fût animé. Rien n'était préparé pour opposer aucune résistance à l'arrivée des Français d'Europe, lorsque les premières voiles de l'escadre du contre - amiral Latouche parurent au cap Samana. Un navire américain en ayant apporté à Toussaint la première nouvelle, il se rendit en toute hâte à cette extrémité orientale de l'île, pour juger par lui-même de la force et du but de l'expédition. Lorsqu'il eut reconnu l'escadre de l'amiral Latouche, et qu'il vit ensuite plusieurs autres vaisseaux espagnols et français qui, séparés de la grande flotte et l'ayant devancée, croisaient à vue de terre, il ne douta pas que de plus grandes forces encore ne fussent attendues à ce point de ralliement. On voit que si les vents contraires et l'exactitude scrupuleuse de l'amiral Villaret, dans l'exécution de ses ordres, ne l'avaient pas retenu si long-temps dans le golfe de Gascogne, le général Leclerc aurait entièrement surpris Toussaint, sans lui laisser le temps de faire aucune disposition. Ces divisions destinées pour les deux capi

tales, et les divers ports de la colonie, y auraient été reçues amicalement par une suite de la confiance que ses protestations de fidélité à la mère-patrie venaient de confirmer; et si elles n'étaient que feintes, comme on l'en accusait, cet homme impénétrable dans ses desseins eût été pris dans ses propres embûches.

Mais éclairé tout à coup sur le véritable but d'une expédition aussi formidable, Toussaint expédia sur-le-champ, à tous les ports, à tous les postes de la colonie, l'ordre d'opposer la plus vive résistance, de combattre partout à outrance, et d'incendier tout ce qui ne pourrait pas être défendu ; il resta cependant de sa personne au cap Samana, jusqu'à l'arrivée de la flotte de Brest, et ce ne fut qu'après l'avoir vu prendre la direction de l'ouest, qu'il se porta lui-même au Cap.

Toussaint n'hésita pas un instant à prendre cette résolution désespérée; il fut obéi par ses troupes et secondé par leurs chefs avec tant de dévouement et de fureur, qu'on doit

« ZurückWeiter »