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Lettre du premier Consul au roi d'Angleterre.

Paris, le 5 nivose an 8. (26 décembre 1799.)

« APPELÉ, par le vœu de la nation française, à occuper la première magistrature de la République, je crois convenable, en entrant en charge, d'en faire directement part à V. M. La guerre qui, depuis huit ans, ravage les quatre parties du monde, doit-elle être éternelle? n'est-il aucun moyen de s'entendre?

» Comment les deux nations les plus éclairées de l'Europe, puissantes et fortes plus que ne l'exigent leur sûreté et leur indépendance, peuvent-elles sacrifier à des idées de vaine grandeur, le bien du commerce, la prospérité intérieure, le bonheur des familles ? comment ne sentent-elles pas que la paix est le premier des besoins, comme la première des gloires?

>> Ces sentimens ne peuvent pas être étrangers au coeur de V. M., qui gouverne une nation libre, dans le seul but de la rendre heureuse.

>> V. M. ne verra dans cette ouverture que mon désir sincère de contribuer efficacement, pour la seconde fois, à la pacification générale, par une démarche prompte, toute de confiance, et dégagée de ces formes qui, nécessaires peut-être pour déguiser la dépen

dance des états faibles, ne décèlent dans les états forts que le désir mutuel de se tromper.

» La France, l'Angleterre, par l'abus de leurs forces, peuvent long-temps encore, pour le malheur de tous les peuples, en retarder l'épuisement; mais, j'ose le dire, le sort de toutes les nations civilisées est attaché à la fin d'une guerre qui embrase le monde entier.

» Signé BONAPARTE».

Réponse de lord Grenville, adressée au ministre des relations extérieures.

» J'ai

Loudres, Downing street, 4 janvier 1800.

«<< MONSIEUR,

reçu et remis sous les yeux de S. M. les deux lettres que vous m'avez adressées. S. M. ne voyant point de raisons pour se départir des formes depuis long-temps établies en Europe, au sujet des affaires qui se transigent entre les états, m'a ordonné de vous rendre en son nom, la réponse officielle qui se trouve incluse dans cette note.

» J'ai l'honneur d'être avec une haute considération, monsieur, votre très-humble et très-obéissant

serviteur.

» Signé GRENVILLE ».

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Downing street, 4 janvier 1800.

« Le roi a donné des preuves fréquentes de son désir sincère pour le rétablissement d'une tranquillité sûre et permanente en Europe. Il n'est ni n'a été engagé dans aucune contestation par une evaine et fausse gloire il n'a eu d'autres vues que celles de maintenir, contre toute agression, les droits et le bonheur de ses sujets.

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» C'est pour ces objets que, jusqu'ici, il a lutté contre une attaque non provoquée; c'est pour les mêmes objets qu'il est forcé de lutter encore; et il ne saurait espérer, dans le moment actuel, qu'il pût écarter cette,nécessité, en négociant avec ceux qu'une révolution nouvelle a si récemment investis du pouvoir en France. En effet, il ne peut résulter d'une telle négociation, aucun avantage réel pour ce grand objet si désirable d'une paix générale, jusqu'à ce qu'il paraisse distinctement qu'elles ont cessé d'agir, ces causes qui, originairement, ont produit la guerre, qui en ont depuis prolongé la durée, et qui, plus d'une fois, en ont renouvelé les effets.

» Ce même système dont la France accuse à juste titre l'influence dominante comme la cause de ses malheurs présens, est aussi celui qui a enveloppé le reste de l'Europe dans une guerre longue et destruc

tive, et d'une nature inconnue, depuis bien des années, aux usages des nations civilisées.

> C'est pour étendre ce système et exterminer tous les gouvernemens établis, que, d'année en année, les ressources de la France ont été prodiguées et épuisées, au milieu même d'une détresse sans exemplę.

>> A cet esprit de destruction qui ne savait rien distinguer, on a sacrifié les Pays-Bas, les ProvincesUnies et les Cantons suisses, ces anciens amis et alliés de S. M.; l'Allemagne a été ravagée; l'Italie, maintenant arrachée à ses envahisseurs, a été le théâtre de rapines et d'anarchies sans nombré. S. M. s'est vue elle-même dans la nécessité de soutenir une lutte difficile et onéreuse, pour garantir l'indépendance et l'existence de ses royaumes.

» Et ces calamités ne se sont pas bornées à l'Europe seule; elles se sont étendues aux parties les plus reculées du monde, et même jusqu'à des pays si éloignés de la contestation présente, tant par leur situa tion que par leurs intérêts, que l'existence même de la guerre était peut-être inconnue à ceux qui se se sont trouvés subitement enveloppés dans toutes ses horreurs.

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» Tant que dominera un système pareil, et que le sang et les trésors d'une nation populeuse et puissante peuvent être prodigués pour soutenir ce système, l'expérience a démontré qu'on ne pouvait s'en

garantir efficacement d'aucune autre manière que par des hostilités ouvertes et fermes. Les traités les plus solennels n'ont fait que préparer la voie à de nouvelles agressions. C'est uniquement à une résistance déterminée que l'on doit aujourd'hui la conservation de ce qui reste en Europe de stabilité pour les propriétés, , pour la liberté personnelle, l'ordre social et le libre exercice de la religion.

>> En veillant donc à la garantie de ces objets essen-tiels, S. M. ne peut placer sa confiance dans le simple renouvellement de professions générales annonçant des dispositions pacifiques. Ces professions ont été itérativement proclamées par tous ceux qui ont successivement dirigé les ressources de la France vers la destruction de l'Europe; par ceux-là même que les gouvernans actuels de la France ont déclarés, depuis le commencement et dans tous les temps, être tous incapables de maintenir les rapports d'amitié et de paix.

» S. M. ne pourra que ressentir un plaisir particulier, dès qu'elle s'apercevera qu'il n'existe plus réellement ce danger qui a si long-temps menacé et ses propres domaines et ceux de ses alliés; dès qu'elle pourra se convaincre que la résistance n'est plus une nécessité; qu'enfin, après l'expérience de tant d'années de crimes et de malheurs, elle verra régner en France de meilleurs principes; en un mot, quand

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