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sons des beys, et commis plusieurs excés. Le Caire, qui a plus de 300,000 habitants, a la plus vilaine populace du monde.

Après le grand nombre de combats et de batailles que les troupes que je commande, ont livrés contre des forces supérieures, je ne m'aviserais point de louer leur contenance et leur sang-froid dans cette occasion, si véritablement ce genre tout nouveau n'avait exigé de leur part une patience qui contraste avec l'impétuosité française. S'ils se fussent livrés à leur ardeur, ils n'auraient point eu la victoire, qui ne pouvait s'obtenir que par un grand sang-froid et une grande patience.

La cavalerie des Mamelucks a montré une grande bravoure. Ils défendaient leur fortune, et il n'y a pas un d'eux sur lequel nos soldats n'aient trouvé trois, quatre, et cinq cents louis d'or.

Tout le luxe de ces gens-ci était dans leurs che. vaux et leur armement. Leurs maisons sont pitoyables. Il est difficile de voir une terre plus fertile et un peuple plus misérable, plus ignorant et plus abruti. Ils préfèrent un bouton de nos soldats à un écu de six francs; dans les villages ils ne connaissent pas même une paire de ciseaux. Leurs maisons sont d'un peu de boue. Ils n'ont pour tout meuble qu'une natte de paille et deux ou trois pots de terre. Ils mangent et consomment en général fort peu de chose. Ils ne connaissent point l'usage des moulins, de sorte que nous avons bivouaqué sur des tas immenses de blé, sans pouvoir avoir de farine. Nous ne nous nourris. e de légumes et de bestiaux. Le peu de grains

rtissent en farine, ils le font avec des pier

res; et, dans quelques gros villages, il y a des moulins que font tourner des boeufs.

Nous avons été continuellement harcelés par des nuées d'Arabes, qui sont les plus grands voleurs et les plus grands scélérats de la terre, assassinant les Turcs comme les Français, tout ce qui leur tombe dans les mains. Le général de brigade Muireur et plusieurs autres aides-de-camp et officiers de l'état-major ont été assassinés par ces misérables. Embusqués derrière des digues et dans des fossés, sur leurs excellents petits chevaux, malheur à celui qui s'éloigne à cent pas des colonnes! Le général Muireur, malgré les représentations de la grande garde, seul, par une fatalité que j'ai souvent remarqué accompagner ceux qui sont arrivés à leur dernière heure, a voulu se porter sur un monticule à deux cents pas du camp; derriére étaient trois Bédouins qui Font assassiné. La république fait une perte réelle: c'était un des généraux les plus braves que je connusse.

La république ne peut pas avoir une colonie plus à sa portée et d'un sol plus riche que l'Égypte. Le climat est très-sain, parce que les nuits sont fraiches. Malgré quinze jours de marche, de fatigues de toute espèce, la privation du vin, et même de tout ce qui peut alléger la fatigue, nous n'avons point de malades. Le soldat a trouvé une grande ressource dans les pasteques, espèce de melons d'eau qui sont en très-grande quantité.

L'artillerie s'est spécialement distinguée. Je vous demande le grade de général de division pour le général de brigade Dommartin. J'ai promu au grade de

général de brigade le chef de brigade Destaing, commandant la quatrième demi - brigade; le général Zayonschek s'est fort bien conduit dans plusieurs missions importantes que je lui ai confiées.

L'ordonnateur Sucy s'était embarqué sur notre flottille du Nil, pour être plus à portée de nous faire passer des vivres du Delta. Voyant que je redoublais de marche, et desirant être à mes côtés lors de la bataille, il se jeta dans une chaloupe canonnière, et, malgré les périls qu'il avait à courier, il se sépara de la flottille. Sa chaloupe échoua; il fut assailli par une grande quantité d'ennemis. Il montra le plus grand courage; blessé très-dangereusement au bras, il par vint, par son exemple, à ranimer l'équipage, et à tirer la chaloupe du mauvais pas où elle s'était engagée.

Nous sommes sans aucune nouvelle de France depuis notre départ.

Je vous enverrai incessamment un officier avec tous les renseignements sur la situation économique, morale et politique de ce pays-ci.

Je vous ferai connaître également, dans le plus grand détail, tous ceux qui se sont distingués, et les avancements que j'ai faits.

Je vous prie d'accorder le grade de contre-amiral au citoyen Perrée, chef de division, un des officiers de marine les plus distingués par son intrépidité.

Je vous prie de faire payer une gratification de 1,200 francs à la femme du citoyen Larrey, chirur

f de l'armée. Il nous a rendu, au milieu plus grands services par son activité et

son zèle. C'est l'officier de santé que je connaisse le plus fait pour être à la tête des ambulances d'une armée.

Signé, BONAPARTE,

Lettre du général Bonaparte,

A l'amiral Brueys.

Au Caire, le 12 thermidor an VI (30 juillet 1798.)

Je reçois à l'instant et tout à la fois vos lettres depuis le 25 messidor jusqu'au 8 thermidor. Les nouvelles que je reçois d'Alexandrie sur le succès des sondes me font espérer qu'à l'heure qu'il est, vous serez entré dans le port. Je pense aussi que le Causse et le Dubois sont armés en guerre de manière à pouvoir se trouver en ligne, si vous étiez attaqué; car enfin deux vaisseaux de plus ne sont point à négliger.

Le contre-amiral Perrée sera pour long-temps nécessaire sur le Nil, qu'il commence à connaître. Je ne vois pas d'inconvénient à ce que vous donniez le commandement de son vaisseau au citoyen... Faites làdessus ce qu'il convient.

Je vous ai écrit le 9, je vous ai envoyé copie de tous les ordres que j'ai donnés pour l'approvisionnement de l'escadre; j'imagine qu'à l'heure qu'il est, les cinquante vaisseaux chargés de vivres sont arrivés. Nous avons ici une besogne immense, c'est un chaos a débrouiller et à organiser qui n'eut jamais d'égal. Nous avons du blé, du riz, des légumes en abondance.

Nous cherchons et nous commençons la trouver de l'argent; mais tout cela est environné de travail, de peines et de difficultés.

Vous trouverez ci-joint un ordre pour Damiette, envoyez-le par un aviso, qui, avant d'entrer, s'infor mera si nos troupes y sont. Elles sont parties pour s'y rendre, il y a trois jours, en barques sur le Nil: ainsi elles seront arrivées lorsque vous recevrez cette lettre ; envoyez-y un des sous-commissaires de l'escadre pour surveiller l'exécution de l'ordre.

Je vais encore faire partir une trentaine de bâtiments chargés de blé pour votre escadre.

Toute la conduite des Anglais porte à croire qu'ils sont inférieurs en nombre, et qu'ils se contentent de bloquer Malte et d'empêcher les subsistances d'y ar river. Quoi qu'il en soit, il faut bien vite entrer dans le port d'Alexandrie, ou vous approvisionner promp tement de riz, de blé, que je vous envoie, et vous transporter dans le port de Corfou; car il est indis pensable que, jusqu'à ce que tout ceci se décide, vous vous trouviez dans une position à portée d'en imposer à la Porte. Dans le second cas, vous aurez soin que tous les vaisseaux, frégates vénitiennes et françaises qui peuvent nous servir, restent à Alexandrie. Signé, BONAPARTE.

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