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ganisèrent leur opposition. Ils demandaient au conseil des anciens ce qu'il voulait, pourquoi il les avait fait venir à Saint-Cloud? Etait-ce pour changer le directoire? Ils convenaient généralement que Barras était corrumpu, Moulins et Gohier sans considération; ils nommèrent sans difficulté Napoléon et deux autres citoyens pour compléter le gouvernement. Le petit nombre d'individus qui étaient dans le secret laissaient. alors percer que l'on voulait régénérer l'état, en améliorant la constitution, et ajourner les conseils. Ces insinuations ne réussissant pas, une hésitation se manifesta parmi les mémbres sur lesquels on comptait le plus,

Séance orageuse, à Saint-Cloud.

La séance s'ouvrit enfin. Émile Godin monta à la tribune, peignit vivement les dangers de la patrie, et proposa de remercier le conseil des anciens des mesures de salut public dont il avait pris l'initiative, et de lui demander, par un message, qu'il fit connaitre sa pensée toute entière. En même temps, il proposa de nommer une commission de sept personnes pour faire un rapport sur la situation de la république.

Les vents, renfermés dans les antres d'Eole, s'en échappant avec furie, n'excitèrent jamais une plus grande tempête. L'orateur fut précipité avec fureur en bas de la tribune. L'agitation devint extrême.

Delbred demanda que les membres prètassent de nouveau serment à la constitution de

l'an III. Chénier, Lucien, Boulay, pâlirent. L'appel nominal eut lieu.

accoururent.

Pendant cet appel nominal, qui dura plus de deux heures, les nouvelles de ce qui se passait circulèrent dans la capitale. Les meneurs de l'assemblée du manège, les tricoteuses, etc., Jourdan et Augereau se tenaient à l'écart; croyant Napoléon perdu, ils s'empres sèrent d'arriver. Augereau s'approcha de Napoléon, et lui dit: „Eh bien! vous voici dans une jolie position!" Augereau, reprit Napoléon, souviens-toi d'Arcole: les affaires paraissaient bien plus désespérées. Crois-moi, reste tranquille, si tu ne veux pas en être la victime. Dans une demi-heure tu verras comme les choses tourneront.

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L'assemblée paraissait se prononcer avec tant d'unanimité, qu'aucun deputé n'osa refuser de prêter serment à la constitution: Lucien lui-même y fut contraint. Des hurlements, des bravos, se faisaient entendre dans toute la salle. Le moment était pressant. Beaucoup de membres, en prononçant ce serment, y ajoutèrent des développements, et l'influence de tels discours pouvaient se faire sentir sur les troupes. Tous les esprits étaient en suspens: les zélés devenaient neutres; les timides avaient déja changé de bannière. Il n'y avait pas un instant à perdre. Napoléon traversa le salon de Mars, entra au conseil des anciens, et se plaça vis-à-vis le président. (C'était la barre.)

,,Vous êtes sur un volcan, leur dit-il: la ré„publique n'a plus de gouvernement; le direc,,toire est dissous; les factions s'agitent; l'heure

de prendre un parti est arrivée. Vous avez „appelé mon bras et celui de mes compagnons d'armes au secours de votre sagesse: mais les ,,instants sont précieux; il faut se prononcer. Je sais que l'on parle de César, de Cromwell, ,,comme si l'époque actuelle pouvait se compa,,rer aux temps passés. Non, je ne veux que le salut de la république, et appuyer les déci„sions que vous allez prendre..... Et vous, grenadiers, dont j'aperçois les bonnets aux portes „de cette salle, dites-le: vous a-je jamais trompés? Ai-je jamais trahi mes promesses, lorsque, ,,dans les camps, au milieu des privations, je „Vous promettais la victoire, l'abondance, et lorsqu'à votre tête, je vous conduisais de succès en succès? Dites-le maintenant: était-ce pour mes intérêts, ou pour ceux de la république?" Le général parlait avec véhémence. Les greuadiers furent comme électrisés; et, agitant en l'air leurs bonnets, leurs armes, ils semblaient tous dire: Oui, c'est vrai! il a toujours tenu parole!

Alors un membre (Linglet) se leva, et d'une voix forte dit:,,Général, nous applaudissons à ce que vous dites: jurez donc avec nous obéis ,,sance à la constitution de l'an III, qui peut „seule maintenir la république.“

L'étonnement que causa ces paroles produisit le plus grand silence.

Napoléon se recueillit un moment; aprés quoi, il reprit avec force: ,,La constitution de „,,l'an III, vous n'en avez plus: vous l'avez violée au 18 fructidor, quand le gouvernement a ,,attenté à l'indépendance du corps-législatif; vous

„l'avez violée au 30 prairial an VII, quand le „corps-législatif a attenté à l'indépendance du „gouvernement; vous l'avez violée au 22 floréal, ,,quand, par un décret sacrilège, le gouverne,,ment et le corps-législatif ont attenté à la sou"veraineté du peuple, en cassant les élections ,,faites par lui. Cette constitution étant violée, ,,il faut un nouveau pacte, de nouvelles garan„ties,"

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La force de ce discours, l'énergie du général, entraînèrent les trois quarts des membres du conseil, qui se levèrent en signe d'approbation. Cornudet et Régnier parlèrent avec force dans le même sens: Alphonse s'éleva contre; il dénonça le général comme le seul conspirateur qui voulait attenter à la liberté publique. Napoléon interrompit l'orateur, déclara qu'il avait le secret de tous les partis, que tous méprisaient la constitution de l'an III; que la seule différence qui existait entre eux était que les uns voulaient une république modérée, où tous les intérêts nationaux, toutes les propriétés, fussent garantis; tandis que les autres voulaient un gouvernement révolutionnaire, motivé sur les dangers de la patrie. En ce moment on vint prévenir Napoléon que, dans le conseil des cinqcents, l'appel nominal était terminé, et que l'on voulait forcer le président Lucien à mettre aux voix la mise hors la loi de son frère. Napoléon se rend aussitôt aux cinq-cents, entre dans la salle, le chapeau bas, ordonne aux officiers et soldats qui l'accompagnent de rester aux portes; il voulait se présenter à la barre pour rallier son parti, qui était nombreux, mais qui avait

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perdu tout ralliement et toute audace. Mais, pour arriver à la barre, il fallait traverser la moité de la salle, parce que le président siégeait sur un des cotes latéraux. Lorsque Napoléon se fut avancé seul au tiers de l'orangerie, deux ou trois cents membres se levèrent subitement, en s'écriant: Mort au tyran! à bas le dictateur!

Deux grenadiers que l'ordre du général avait retenus à la porte, et qui n'avaient obéi qu'à regret et en lui disant, Vous ne les connaissez pas, ils sont capables de tout," culbutèrent, le sabre à la main, ce qui s'opposait à leur pas¬ sage, pour rejoindre leur général, l'investir et le couvrir de leurs corps. Tous les autres grenadiers suivirent cet exemple et entraînèrent Na¬ poléon en dehors de la salle. Dans ce tumulte, l'un d'eux nommé Thomé fut légèrement blessé d'un coup de poignard: un autre reçut plusieurs coups dans ses habits.

Le général descendit dans la cour du châ teau, fit battre au cercle, monta à cheval, et harangua les troupes: „J'allais, dit-il, leur faire ,connaître les moyens de sauver la république, „et de nous rendre notre gloire. Ils m'ont répondu à coups de poignard. Ils voulaient ainsi réaliser le desir des rois coalisés. Qu'aurait "pu faire de plus l'Angleterre! Soldats, puis-je compter sur vous?"

Des acclamations unanimes répondirent à ce discours. Napoléon aussitôt ordonna à un capitaine d'entrer avec dix hommes dans la salle des cinq-cents, et de délivrer le président.

Lucien venait de déposer sa toge. Miséra bles! s'écriait-il, vous exigez que je mette hors

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