Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

Schwartzenberg m'envoya aussitôt le comte de Parr, son premier aide de camp, pour excuser la méprise commise à mon égard et pour m'engager à passer soit chez lui, soit chez M. de Metternich. Je me rendis aussitôt chez ce dernier, le prince de Schwartzenberg venant de s'absenter. Le comte de Metternich me reçut avec un empressement marqué; il me dit quelques mots seulement sur ma position, dont il se chargea de me tirer, étant heureux, me dit-il, de me rendre ce service, et en même temps de témoigner l'estime que l'empereur d'Autriche avait conçue pour le duc de Vicence; puis il me parla du congrès, sans que rien de ma part eût provoqué cette conversation. « Nous voulons sincèrement la paix, me dit-il, nous la voulons encore, et nous la ferons; il ne s'agit que d'aborder franchement et sans détours la question. La coalition restera unie. Les moyens indirects que l'empereur Napoléon emploierait pour arriver à la paix ne peuvent plus réussir; que l'on s'explique franchement, et elle se fera.

[ocr errors]

Après cette conversation, le comte de Metternich me dit de me rendre à Toeplitz, où je recevrais incessamment de ses nouvelles, et qu'il espérait me voir encore à mon retour. Je partis le 27 octobre pour Toeplitz; j'y arrivai le 30, et le 2 novembre je reçus une lettre du comte de Metternich, en conséquence de laquelle je quittai Toeplitz le 3 novembre et me rendis au quartier général de l'empereur d'Autriche à Francfort, où j'arrivai le 8. Je fus le même jour chez

M. de Metternich. Il me parla aussitôt des progrès des armées coalisées, de la révolution qui s'opérait en Allemagne, de la nécessité de faire la paix. Il me dit que les coalisés, long-temps avant la déclaration de l'Autriche, avaient salué l'empereur François du titre d'empereur d'Allemagne; qu'il n'acceptait point ce titre insignifiant, et que l'Allemagne était plus à lui de cette manière qu'auparavant; qu'il désirait que l'empereur Napoléon fût persuadé que le plus grand calme et l'esprit de modération présidaient au conseil des coalisés; qu'ils ne se désuniraient point, parcequ'ils voulaient conserver leur activité et leur force, et qu'ils étaient d'autant plus forts qu'ils étaient modérés; que personne n'en voulait à la dynastie de l'empereur Napoléon; que l'Angleterre était bien plus modérée qu'on ne pensait; que jamais le moment n'avait été plus favorable pour traiter avec elle; que si l'empereur Napoléon voulait réellement faire une paix solide, il éviterait bien des maux à l'humanité et bien des dangers à la France, en ne retardant pas les négociations; qu'on était prêt à s'entendre; que les idées de paix que l'on concevait devaient donner de justes limites à la puissance de l'Angleterre, et à la France toute la liberté maritime qu'elle a droit de réclamer, ainsi que les autres puissances de l'Europe; que l'Angleterre était prête à rendre à la Hollande indépendante ce qu'elle ne lui rendrait pas comme province française ; que ce que M. de Mervelot avait été chargé de dire de la part de l'empereur Napoléon pouvait donner lieu aux paroles

qu'on me prierait de porter; qu'il ne me demandait que de les rendre exactement, sans y rien changer; que l'empereur Napoléon ne voulait point concevoir la possibilité d'un équilibre entre les puissances de l'Europe; que cet équilibre était, non seulement possible, mais même nécessaire ; qu'on avait proposé à Dresde de prendre en indemnité des pays que l'empereur ne possédait plus, tels que le grand duché de Varsovie; qu'on pouvait encore faire de semblables compensations dans l'occurrence actuelle.

Le 9, M. de Metternich me fit prier de me rendre chez lui à neuf heures du soir. Il sortait de chez l'empereur d'Autriche, et me remit la lettre de sa majesté pour l'impératrice. Il me dit que le comte Nesselrode allait venir chez lui, et que ce serait de concert avec lui qu'il me chargerait des paroles que je devais rendre à l'empereur. Il me pria de dire au duc de Vicence qu'on lui conservait les sentiments d'estime que son noble caractère a toujours inspirés.

Peu de moments après, le comte Nesselrode entra; il me répéta en peu de mots ce que le comte Metternich m'avait déjà dit sur la mission dont on m'invitait à me charger, et ajouta qu'on pouvait regarder M. de Hardemberg comme présent et approuvant tout ce qui allait être dit. Alors M. de Metternich explique les intentions des coalisés, telles que je devais les rapporter à l'empereur. Après l'avoir entendu, je lui répondis que, ne devant qu'écouter et point parler, je n'avais autre chose à faire qu'à rendre littéralement ses pa

[ocr errors]
[ocr errors]

roles, et que pour en être plus certain, je lui demandais de les noter pour moi seul et de les lui remettre sous les yeux. Alors le comte Nesselrode ayant proposé que je fisse cette note sur-le-champ, M. de Metternich me fit passer seul dans un cabinet, où j'écrivis la note ci-jointe. Lorsque je l'eus écrite, je rentrai dans l'appartement. M. de Metternich me dit : Voici lord Aberdeen, ambassadeur d'Angleterre ; nos intentions sont communes, ainsi nous pouvons con» tinuer à nous expliquer devant lui. » Il m'invita alors à lire ce que j'avais écrit; lorsque je fus à l'article qui concerne l'Angleterre, lord Aberdeen parut ne l'avoir pas bien compris; je le lus une seconde fois. Alors il observa que les expressions liberté du commerce et droits de la navigation étaient bien vagues; je répondis que j'avais écrit ce que le comte de Metternich m'avait chargé de dire. M. de Metternich reprit qu'effectivement ces expressions pouvaient embrouiller la question, et qu'il valait mieux en substituer d'autres. Il prit la plume et écrivit que l'Angleterre ferait les plus grands sacrifices pour la paix fondée sur ces bases (celles énoncées précédemment).

J'observai que ces expressions étaient aussi vagues que celles qu'elles remplaçaient; lord Aberdeen en convint, et me dit qu'il valait autant rétablir ce » que j'avais écrit; qu'il réitérait l'assurance que l'Angleterre était prête à faire les plus grands sacrifices;

[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]

qu'elle possédait beaucoup, qu'elle rendrait à pleines » mains. » Le reste de la note ayant été conforme à ce

que j'avais entendu, on parla de choses indifférentes.

Le prince Schwartzenberg entra, et on lui répéta ce qui avait été dit. Le prince Nesselrode, qui s'était absenté un moment pendant cette conversation, revint, et me chargea, de la part de l'empereur Alexandre, de dire au duc de Vicence qu'il ne changerait jamais sur l'opinion qu'il avait de sa loyauté et de son caractère, et que les choses s'arrangeraient bien vite s'il était chargé d'une négociation.

Je devais partir le lendemain matin, 10 novembre; mais le prince de Schwartzenberg me fit prier de différer jusqu'au soir, n'ayant pas eu le temps d'écrire au prince de Neufchâtel.

Dans la nuit, il m'envoya le comte Voyna, un de ses aides de camp, qui me remit sa lettre, et me conduisit aux avant-postes français. J'arrivai à Mayence le 11 au matin.

Signé SAINT-AIgnan.

N° 2.) Note écrite à Francfort, le 9 novembre, par le baron Saint-Aignan'.

M. le comte de Metternich m'a dit

que la circonstance qui m'a amené au quartier général de l'empereur d'Autriche pouvait rendre convenable de me

• Extrait du Moniteur supprimé.

« ZurückWeiter »