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un chapeau de levantine gros jaune, garni de ruban vert, doublé de futaine et relevé tout autour de la cuve (?) pour tenir ses oreilles plus chaudement. Cette dame porte six jupons, quatre schalls, se chausse avec des chaussons, des bas de coton, des brodequins et des galoches par-dessus.

Lundi 14 mars. On apprend que nous avons été battus, que nous avons rétrogradé pendant vingt-quatre heures, au pas de charge, que lanciers, cuirassiers, fantassins, canonniers, cavaliers, pêle-mêle, couraient de leur mieux, que la perte en hommes est considérable, qu'outre quinze canons, que les gazettes avouent que l'on a abandonnés, nous avons laissé encore la moitié du matériel de l'armée sur le champ de bataille1. L'Empereur avait appris que Bernadotte était à l'armée; l'envie de l'attaquer et de s'en venger l'avait porté à faire une pointe pour arriver à la démarche, qui lui a été funeste. Il est revenu à Soissons, où est établi son quartier-général. La quantité de blessés est immense, il y a eu plusieurs généraux blessés. On a rapporté le duc de Bellune sur un brancard; le général Nansouty a pensé

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1. Bataille de Laon.

2. Etienne-Antoine-Marie Champion, comte de Nansouty (17681815), fut élève à l'école de Brienne. Général de division (1801), il commanda la grosse cavalerie en Portugal, sous Leclerc, et

être pris par les Cosaques, il s'est jeté dans l'eau pour, leur échapper. M. de Périgord', son aide de camp, était avec lui; la fraîcheur de l'eau lui a donné la fièvre.

L'Empereur a écrit au conseil de Régence pour demander 60.000 hommes: 30.000 à prendre dans la garde nationale de Paris et 30.000 où on pourra 2. Le conseil a d'abord refusé, mais on croit qu'il finira par les accorder. On lève en masse dans les environs de Paris, depuis vingt jusqu'à quarante ans. Des officiers, venus de l'armée, disent que cette foule ne fait qu'embarrasser, qu'elle ne tient pas au feu, et que, lors

accompagna, en Espagne et à Erfurt, Napoléon, qui l'avait nommé premier écuyer, en remplacement de Caulaincourt, envoyé à l'ambassade de Pétersbourg. Lieutenant-général des dragons, il contribua, par une charge glorieuse, à la victoire de Montmirail. Il adhéra au gouvernement des Bourbons, et mourut peu après, laissant le renom d'un excellent officier de cavalerie.

1. Augustin-Marie-Elie, comte de Talleyrand Périgord (1788-1879), sous-lieutenant de hussards (1809), fit les campagnes de 1809 à 1814, et devint chef d'escadron, colonel des cuirassiers de la garde royale (1815), maréchal de camp (1818). Il remplaça son père à la Chambre des Pairs (1829) et rentra dans la vie privée après avoir refusé de prêter serment à Louis-Philippe.

2. Du 10 au 23 mars, Napoléon demanda 30.000 gardes nationaux, puis 12.000. On ne les arma pas faute de matériel nécessaire. D'ailleurs, le préfet de police Pasquier le déconseillait, en raison du peu de confiance qu'il avait dans ces troupes. Ces craintes étaient sans doute injustes, puisque l'on vit un certain nombre de volontaires se joindre d'eux-mêmes aux troupes, pour résister aux Alliés devant Paris (Cf. HOUSSAYE. 1814, page 428 et passim.

que les Russes font un hourra général, ces gardes nationales et ces conscrits prennent l'épouvante et qu'on ne peut les rallier1. Il en meurt beaucoup dans ces derniers, de chagrin et de fatigue; les bords des chemins en sont jonchés; les Alliés ont tant de prisonniers qu'ils n'en veulent plus faire. Dans les déroutes, leur cavalerie cerne des bandes considérables, les dépouille, les désarme et les laisse aller; beaucoup passent dans les départements envahis.

Mardi 15 mars. On tire le canon pour un avantage remporté sur M. de Saint-Priest 2. On regarde néanmoins nos affaires [comme] désespérées. On croit qu'il ne reste pas 25.000 hommes de bonnes troupes à l'Empereur. Les armées sont à une si petite distance que les vedettes se parlent. Les nôtres donnent des journaux à celles des ennemis, qui, en échange, font passer des proclamations de Louis XVIII.

1. Mme de Marigny est injuste pour ces conscrits, si jeunes, si peu aguerris, pour ces « Marie-Louise » comme on les appelait, qui s'illustrèrent à Montereau, à Champaubert, dans toute la campagne.

2. Prise de Reims. Le comte de Saint-Priest, frère de celui dont il est parlé page 32, avait émigré. Il commandait un corps russe. Il fut blessé à mort, lors de la prise de Reims, par « la même batterie » (lit-on au Moniteur, 16 mars), qui avait tué, à Dresde, le général Moreau, transfuge comme lui.

On craint pour Bordeaux. Le général Suchet1, ramène en France six mille hommes, qui étaient en Catalogne. Lord Wellington 2, qui est entré sur notre territoire, a retourné sur ses pas, pour l'empêcher d'avancer et le combattre.

Mercredi 16 mars. On a eu des détails sur les horreurs commises à Montmirail. Trois Cosaques traversaient paisiblement cette ville : deux particuliers se sont jetés dessus et sont parvenus à en désarmer deux, les ont cruellement assassinés et cloués par terre. Le troisième, qui s'était échappé avec peine, est parti chercher du secours et a ramené trois cents de ses camarades, qui ont exercé une vengeance affreuse: tout a été pillé, saccagé, les femmes insultées et pendant deux jours, cette malheureuse ville a été la proie d'une soldatesque effrénée, qui a voulu faire un exemple, qui pût arrêter, à l'avenir, quiconque se mettrait en tête, n'étant point militaire, d'insulter ou d'attaquer des soldats isolés. Le château, qui

1. Louis-Gabriel Suchet, duc d'Albufera (1772-1826), gagna, par sa brillante conduite en Espagne, le bâton de maréchal.

2. Arthur Wellesley, duc de Wellington (1769-1852) commandait l'armée anglaise en Espagne; il entra en France à la tête de ses troupes, dans les premiers jours de 1814, et gagna la bataille de Toulouse. On connaît son rôle important à Waterloo, et dans les différents Congrès internationaux. Il fut nommé en 1814, ambassadeur d'Angleterre à Paris.

appartient à M. de la Rochefoucauld ', a subi le sort de la ville. Les glaces, les boiseries, meubles, bois, troupeaux, chevaux, ceux des fermiers, tout a été brisé ou pris. Des officiers, s'y étant rendus, ont vu avec douleur ce désastre. Ils avaient ignoré le nom du propriétaire; la perte est estimée à cent mille écus. On regarde comme un bonheur que les habitants de Montmirail n'aient pas été passés au fil de l'épée. Personne n'a péri; il y a eu seulement une trentaine de particuliers battus ou blessés. La maison du curé, l'hospice et un pensionnat de jeunes demoiselles ont été respectés.

Jeudi 17 mars. Je fis hier des visites. J'ai ap

1. Louis-François-Sosthènes de La Rochefoucauld, duc de Doudeauville (1785-1864), fut nommé aide de camp du général Dessoles après la reddition de Paris, et envoyé à Nancy pour annoncer au comte d'Artois la formation d'un Gouvernement Provisoire et la déchéance de Napoléon. Pendant les Cent-Jours, il accompagna Louis XVIII à Gand et fut choisi au retour, comme aide de camp par le comte d'Artois. Élu député en 1815 et de 1827 à 1830, il siégea à droite, s'acharna contre la liberté de la presse, et devint directeur des Beaux-Arts, des Théâtres et des Manufactures (1824). Son zèle minutieux et pudibond le rendit quelque peu ridicule ; il prit un arrêté célèbre qui réglementait la longueur des jupes des danseuses de l'Opéra. Il rentra dans la vie privée en 1830. Sa mère, Bénigne Le Tellier de Louvois, était dame de Montmirail. Il était maire de cette ville depuis 1813 et il a raconté, dans ses Mémoires, que le pillage de son château dura plusieurs heures; mais que certains objets précieux furent sauvés, grâce au courage de sa femme de charge, Mme Langlois. Pendant l'invasion, en plus des chevaux et des objets volés, il perdit 200 mérinos et plus de 14.000 bouteilles de vin et d'eau-de-vie.

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