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ce gouvernement, tous les bâtimens en état de service, pour une expédition secrète et importante. L'escadre de Bruies revint à Toulon ; on nolisa à Livourne des bâtimens qui furent expédiés à Civita- Vecchia; en Corse on faisoit également des préparatifs. Enfin tout fut, il faut le croire, l'ouvrage de Bonaparte, et ce seroit à tort que l'on accuseroit l'ancien gouvernement de cette expédition. Plan, projets, combinaisons, tout appartient à Bonaparte. Le reproche à faire au Directoire, reproche trop fondé sans doute, est d'y avoir consenti, et dans quel moment! lorsque l'on provoquoit l'Angleterre, lorsque l'on indisposoit plus que jamais la maison d'Autriche par les révolutions successives de l'Italie et de la Suisse, lorsque l'on s'obstinoit à dicter à l'Empire une paix honteuse et insupportable, lorsque l'on irritoit toute la chrétienté en expulsant le Pape errant et captif!..... et c'est dans cet instant de crise générale que la France se prive de l'élite de ses armées, expatrie pour ainsi dire une foule de généraux distingués, et expose ses vaisseaux précieux aux coups assurés des Anglais ! Pendant que tout se préparoit ainsi, plu

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tôt avec l'affectation du mystère qu'avec un véritable secret (1), les inconséquences de Bernadotte avoient amené le fâcheux événement qui força la légation française à quitter Vienne après deux mois de séjour (2).

(1) Moniteur du 11 germinal.

« Il se prépare une expédition à la fois savante et « militaire, dont la destination est pour une autre > partie du monde. Des hommes très-distingués dans >> toutes les sciences et dans tous les arts, au nombre » de dix-neuf, en font partie; les combattans sont » au nombre de vingt mille.

«On parle de l'Egypte, où nous descendrions » dit-on, du consentement du Grand Seigneur. Peut» être sommes-nous destinés à voir renouveler une » expédition encore plus brillante que ne fut celle » d'Alexandre.....

Le fait est qu'on se perd en conjectures, et qu'on » ne peut faire mieux tant le Gouvernement garde bien

» son secret. »>

(2) Bernadotte arriva le 8 février 1798 au soir, å Vienne. Le trois mars seulement, il eut sa première audience de l'Empereur.

Un drapeau tricolore suspendu au balcon du palais de l'ambassade française, fut la cause d'un rassemblement du peuple, et de quelque tumulte. Un courrier apporta, le 7 floréal (26 avril), le désaveu formel de l'Empereur, et sa promesse de donner à la République, la satisfaction la plus éclatante de tout ce qui s'étoit passé.

A peine la nouvelle du départ de Bernadotte fut-elle connue à Paris, que le Directoire, qui craignoit qu'il n'entraînât de nouvelles hostilités, sentit tout le besoin dont Bonaparte pouvoit lui être, et se jeta aussitôt à sa tête (1). Un arrêté pris spontanément remit à ce général les pouvoirs les plus étendus, et le chargea du soin de tout réparer.

Bonaparte, content de lui-même et de sa position, se plaignit des fautes de Bernadotte : « Voyez, dit-il ce qu'elles nous coû>> tent, il faut renoncer à la plus grande » expédition que j'aie jamais méditée, pour » retourner à Rastadt (2), et abandonner » des plans dont l'exécution pouvoit changer » tous les rapports politiques de l'Europe ». Mais à travers ce vain ressentiment, il étoit facile de démêler qu'une satisfaction réelle l'emportoit sur les regrets qu'il manifestoit. En effet, le Directoire en le chargeant des négociations que l'événement de Vienne

(1) Bonaparte devoit partir dans la nuit du 3 floréal, pour Toulon.

(2) En effet, ce nouveau départ fut annoncé pour le 6 floréal (25 avril).

alloit ouvrir, le replaçoit positivement dans la position où il desiroit se trouver. Le sort de la France et de son gouvernement étoit encore une fois remis entre ses mains. Ar

bitre de la paix ou de la guerre, il commandoit l'une ou faisoit l'autre, suivant que ses rapports avec le Directoire lui rendoient l'une ou l'autre nécessaire. Enfin, vainqueur de nouveau ou pacificateur adoré, il revenoit à Paris avec une puissance accrue de tout ce que ces deux titres lui auroient donné de force, et il exécutoit alors ce qu'il fit depuis au 18 brumaire.

Mais soit qu'il ne cachât pas avec assez de soin ses projets et ses espérances, soit que la pusillanime prudence du Directoire eût entrevu une partie des dangers, soit enfin que la lettre écrite par Bonaparte à M. de Cobentzel (1), l'eût suffisamment

(1) Cette lettre fut écrite sans l'aveu du Directoire. Elle parloit très-peu de l'affaire de Bernadotte, mais beaucoup d'un changement politique qui pût terminer les difficultés que le traité de Campo-Formio avoit fait naître ou n'avoit point résolues. Cobentzel joué par Thugut, ne vint que sur cette lettre, il la crut la véritable base des négociations qu'il devoit discuter avec François de Neufchâteau, et fut fort surpris de

éclairé sur le rôle qu'il vouloit jouer, le
gouvernement revint sur ses pas, et il fut
décidé
que Bonaparte n'iroit pas à Rastadt,
et que François de Neufchâteau, qui devoit
sortir par le sort au tirage de prairial, se-
roit chargé des négociations. Barras fut dé-
signé pour faire part à Bonaparte de cette
dernière résolution, et la manière dont il
s'acquitta de cette commission est sans doute
cause de la haine que Bonaparte conçut
contre lui.

Quoi qu'il en soit des détails de l'entrevue de Barras avec Bonaparte, voici du moins ce qui se passa ostensiblement.

Le soir du 16 floréal, Bonaparte ne s'oc cupoit encore que de son voyage à Rastadt; le projet de l'expédition étoit tout à fait

voir qu'elle n'étoit pas connue de ce dernier. La réparation demandée pour l'injure faite à Bernadotte, n'étoit qu'un prétexte, et c'est à la faveur de ce prétexte même qu'on vouloit consolider la paix. Thugut, qui prévoyoit quelle seroit la conduite du Directoire, laissa volontiers à Cobentzel une commission dont l'issue ne pouvoit être que honteuse pour son rival, et le temps prouva qu'il avoit calculé juste.

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