Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

étoient fermées : je ne rencontrois personne, et ne savois que penser de cette solitude j'hésitois à traverser toute la ville, et n'osois retourner sur mes pas. Enfin je crus moins dangereux de me dépêcher de gagner la place de Birketelfi, où étoit caserné le 32o de ligne. J'y arrivai heureusement, et trouvai le général Dupuis, commandant autrefois ce régiment, promu nouvellement au grade de général, sortant de sa maison, précédé de ses bâtonniers, et suivi d'un détachement de dragons. Il ordonna à l'infanterie de se tenir prête à marcher, et continua sa route pour se rendre au cimetière, où les révoltés étoient rassemblés. Il tourna à droite à une certaine distance du quartier des Francs, et moi je galopai jusqu'à ce même quartier, où je trouvai des avant-postes. J'avois appris à Birketelfi, qu'il s'étoit formé quelques rassemblemens dans la matinée, et qu'augmentés considérablement après midi, ils avoient fixé l'attention du commandant de la place. Bientôt ils avoient pris un caractère inquiétant, et le malheureux général Dupuis fut assassiné quelques minutes après que nous fùmes séparés. J'arrivai à Lesbékieh, où l'on avoit déjà connoissance des troubles qui se manifestoient dans la ville. Le gé¬ néral Junot avoit envoyé de suite prévenir le général en chef. Bonaparte revint avec ses guides, et voulant entrer en ville, il se présenta à la porte du vieux Caire, où il trouva les révoltés qui le forçè

rent, après de nouvelles tentatives à la porte de P'Institut, de pénétrer par celle de Boulack. Instruit, à son arrivée, de la mort du général Dupuis, il donna au général Junot le commandement de la ville, et fit bivouaquer des troupes tout autour de la place. Des pièces de canon furent mises en batterie à l'entrée des principales rues, et la nuit se passa toute entière sous les armes.

[ocr errors]

Le lendemain matin er brumaire (23 octobre), le nombre des révoltés étoit encore augmenté; les Arabes s'étoient réunis de toutes parts aux insurgés, et la ville se remplissoit à chaque instant de paysans armés de bâtons, de piques, de sabres, de fusiļs. Beaucoup de Français, des restaurateurs, dont les maisons étoient éloignées des quartiers de nos troupes, furent assassinés ou obligés d'abandonner leurs domiciles, livrés au pillage. L'Institut se constitua en état de siége, et défendit l'asile des sciences et des arts; nos savans devinrent guerriers par néces¬ sité. Bonaparte, après avoir donné ses ordres pour arrêter les progrès de l'insurrection, expédia aux troupes stationnées dans les provinces les plus voisines du Caire, l'ordre de s'y rendre sur-le-champ.

Toutes les dispositions prises, les troupes marchèrent pour repousser les révoltés qui avoient osé pénétrer jusques dans un cimetière contigu à la place de Lesbékieh: on en fit un massacre horrible.

L'entrée de la rue Petit-Thouars, principale rue

du Caire, communiquant du grand bazar à cette
même place, étoit défendue par un obusier et par
une compagnie de grenadiers. Le premier coudé
étoit court, et les insurgés eussent été écrasés s'ils
se fussent avancés par cette voie dangereuse. Du
haut de leurs minarets ils pouvoient apercevoir les
mouvemens de quelques parties de nos troupes ;
trop adroits pour s'exposer à une perte certaine
ils sé glissèrent par des chemins détournés, et à
travers les maisons, dans la première mosquée au
tournant de la rue Petit-Thouars. Il fallut les
siéger, et enfoncer la porte à coups de hache pour
les en chasser.

[ocr errors]

y as

Pendant ce temps le général Daumartin, avec quelques pièces d'artillerie, tourna le Caire, et alla s'établir sur les montagnes, à la gauche de la citadelle: il y fit former des batteries.

Au moment où j'entrai chez le général en chef avec l'ordonnateur Sucy, il venoit d'apprendre la mort affreuse du jeune Sulkowski, envoyé à la poiute du jour en reconnoissance avec un détachement de guides. Ce brave officier n'avoit consulté que son ardeur en chargeant une masse considérable de révoltés, au milien de laquelle il s'élança avec les guides qui l'accompagnoient. Sulkowski fut massacré, ainsi que son escorte.

Bonaparte fut très-sensible à cette perte, il estimoit fort son aide-de-camp, qui joignoit au cou

1

rage d'un héros des talens et des connoissances étendues. Il fut généralement regretté. Ce même jour, Kleber arriva d'Alexandrie; je le vis le soir au quartier-général où je retournai. La citadelle et les batteries du général Daumartin commençoient à tirer sur la grande mosquée, où tous les insurgés, à moitié détruits et dispersés, s'étoient réfugiés. Les rues circonvoisines étoient gardées par nos troupes, et pendant toute la nuit on bombarda. Le lendemain matin, les pertes réitérées des insurgés avoient sensiblement refroidi leur enthousiasme ; ils commencèrent à se repentir, et surtout à se convaincre qu'ils ne gagneroient rien à lutter contre nous. Les cheikhs de la ville vinrent demander le pardon au général en chef; il fut accordé, et le 2 brumaire (24 octobre) le calme fut entièrement ré→ tabli.

Les gens de la loi adressèrent aux habitans des provinces une proclamation où l'on remarque les passages suivans:

« Nous supplions le Tout-Puissant de vous pré» server de la sédition et du désordre caché ou pu» blic, et de vous éloigner de ceux qui cherchent à » faire le mal sur la terre.

» ......

Il est arrivé quelque désordre dans la ville » du Caire, de la part de la vile populacé et des mé→ » chans qui se sont mêlés avec elle. Ils ont mis la » désunion entre les troupes françaises et les sujets,

» et cela a occasionné la mort de beaucoup de Mu» sulmans. Mais la main bienfaisante et invisible » de Dieu est venue bientôt appaiser la sédition, et » par notre intercession auprès du général en chef Bonaparte, il a empêché les troupes de brûler la » ville et de la piller, car il est plein de sagesse, >> bienfaisant et misécordieux envers les musul

[ocr errors]

>>> mans.

>> Gardez-vous donc d'exciter le désordre...... » N'écoutez point les conseils des méchans et les » propos des séditieux; ne soyez point du nombre » de ces insensés malheureux qui ne savent point prévoir les conséquences: rappelez-vous que Dieu >> donne l'Empire à qui il veut, et ordonne ce qu'il » lui plaît. »

>>

Les cheikhs du Caire dirent également dans une proclamation au peuple d'Egypte.

«<

.....

Sachez qu'Ibrahim-Bey et Mourad-Bey » ont répandu dans toute l'Egypte des écrits ten»dant à exciter le peuple à la révolte, et ils ont >> fait entendre frauduleusement et malignement que >> ces écrits viennent de S. M. I. et de quelques» uns de ses visirs..... En effet, s'il étoit vrai que » ces écrits vinssent de la part de S. M. I., le sultan » des sultans, nous les aurions vu apporter authentiquement par ses Agas.

» Nous vous invitons, habitans de l'Egypte, à

« ZurückWeiter »