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$ corps les convulsions de l'agonie. Les facultés de >> l'ame sont anéanties; elle ne conserve de relations » avec l'univers qu'au travers d'un cauchemar qui » altère tout. Les homines paroissent plus froids, » plus égoïstes, plus méchans, plus odieux qu'ils ne » le sont réellement. L'on sent dans cette situation » que si rien ne nous obligeoit à la vie, il vaudroit beaucoup mieux mourir. Mais lorsqu'après cette première pensée l'on presse ses enfans contre » son cœur, des larmes, des sentimens tendres ra>>niment la nature, et l'on vit pour ses enfans. Oui,

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madame, voyez-les dès ce premier moment; qu'ils » ouvrent votre cœur à la mélancolie : vous pleure» rez avec eux, vous éleverez leur enfance, culti» verez leur jeunesse. Vous leur parlerez de leur

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par

père, de votre douleur, de la perte qu'eux et la république ont faite. Après avoir rattaché votre >> ame au monde l'amour filial et l'amour mater» nel, appréciez pour quelque chose l'amitié et le » vif intérêt que je prendrai toujours à la femme de » mon ami. Persuadez-vous qu'il est des hommes, >> en petit nombre peut-être, qui méritent d'être » l'espoir de la douleur, parce qu'ils senient avec >> chaleur les peines de l'ame. »

La fète du 1er vendémiaire an 7 de la république fut célébrée sur la place de Lesbékieh ou Yourbekyéh. Bonaparte y passa la revue des troupes, et prononça le discours suivant devant une pyra

mide en bois, sur laquelle furent inscrits les noms des officiers et soldats morts dans les différens combats de la conquête.

<< SOLDATS,

» Nous célébrons le premier jour de l'an 7 de la >> république.

»

Il y a cinq ans, l'indépendance du peuple fran» çais étoit menacée; mais vous prîtes Toulon : ce » fut le présage de la ruine de nos ennemis.

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» Un an après, vous battiez les Autrichiens à Dego.

» L'année suivante, vous étiez sur le sommet des » Alpes.

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» Vous luttiez contre Mantoue il y a deux ans, >> et vous remportiez la célèbre victoire de Saint

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» L'an passé, vous étiez aux sources de la Drave >> et de l'Isonso, de retour de l'Allemagne.

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Qui eût dit alors que vous seriez aujourd'hui sur >> les bords du Nil, au centre de l'ancien continent? Depuis l'Anglais, célèbre dans les arts et le » commerce, jusqu'au hideux et féroce Bédouyn, >> vous fixez les regards du monde.

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>> Soldats, votre destinée est belle, parce que >> vous êtes dignes de ce que vous avez fait et de >> l'opinion que l'on a de vous. Vous mourrez avec >> honneur comme les braves dont les noms sont ins» crits sur cette pyramide, ou vous retournerez dans

» votre patrie couverts de lauriers et de l'admiration » de tous les peuples.

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Depuis cinq mois que nous sommes éloignés » de l'Europe, nous avons été l'objet perpétuel des » sollicitudes de nos compatriotes. Dans ce jour, » quarante millions de citoyens célèbrent l'ère des >> gouvernemens représentatifs ; quarante millions: » de citoyens pensent à vous. Tous disent : C'est à >> leurs travaux, à leur sang, que nous devrons la » paix générale, le repos, la prospérité du com»merce et les bienfaits de la liberté civile. »

Pendant que nous vivions paisiblement, mais tristement au Caire, Desaix remontoit le Nil et parcouroit la Haute-Egypte, en poursuivant MouradBey, qu'il joignoit quelquefois, mais qu'il ne pouvoit détruire. Le 16 vendémiaire ( 7 octobre 1798), il le trouva avec trois à quatre mille Mameluks devant Sédyman, défendu par un corps d'infanterie.

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Desaix, après avoir formé sa division en hataillon carré, flanquée par deux autres petits carrés de deux cents hommes chacun, marcha droit à l'ennemi.

Les Mamelouks, après avoir hésité, se décidèrent enfin, et poussant d'horribles cris, chargèrent avec leur brillante valeur accoutumée un des petits carrés. Ils l'enfoncèrent et se battirent pêle-mêle dans les rangs de nos soldats. Desaix, avec un calme. admirable au milieu des dangers, et tenant dans sa, main, au lieu d'une épée un chasse-mouche, fit crier

à sa troupe attaquée de se coucher ventre à terre. Ik fit alors tirer à mitraille, et le feu fut si nourri, qu'il écrasa les plus opiniâtres et obligea les autres à se retirer. Les Mamelouks épuisèrent ce jour-là toutes les ressources que la rage et la fureur peuvent suggérer; blessés, criblés de coups de baïonnettes, ils se défendirent encore expirans, Cette affaire leur persuada enfin combien étoit redoutable cette infanterie qu'ils avoient tant méprisée.

Mourad-Bey, quoique battu, ne se tint pas pour vaincu. Nous le verrons plus tard lutter avec opiniâtreté contre la fortune contraire, et lorsque notre armée menacée sur divers points, affoiblie par des pertes considérables, sera obligée de concentrer ses forces, obtenir, par un traité, une partie de la Haute-Egypte pour domaine, et en rester possesseur, jusqu'à ce que la peste vienne lui enlever avec la vie, les fruits d'une résistance honorable et ceux d'une fermeté dans le malheur, que des revers sans nombre n'avoient pu ébranler.

Cependant, malgré les mouvemens et les dangers d'une guerre active, les savans venus en Egypte visitoient les lieux célèbres par des souvenirs et par les monumens de la plus haute antiquité. Bonaparte avoit composé un Institut dont il étoit le président, et où se trouvoient réunis des hommes recommandables par leurs talens. Les dessins, les plantes, les. insectes, les morceaux curieux, les mémoires inté

ressans qu'ils ont rapportés en France, sont désor→ mais les seuls fruits d'une expédition, glorieuse il est vrai, mais qui a coûté tant de sang à la patrie.

Depuis notre entrée au Caire, cette ville avoit joui de la plus parfaite tranquillité. Nous nous étions assez promptement accoutumés aux mœurs des Egyptiens, et le peuple paroissoit nous voir sans répugnance, quoiqu'il montrât peu de curiosité de nous connoître plus particulièrement. Il ne se mêloit point avec nous; nous respections leurs femmes et leurs mosquées ce sont deux articles sur lesquels il n'y avoit pas moyen d'agir avec notre légèreté ordinaire, Tout à coup des mouvemens séditieux se manifestent, et le 30 vendémiaire (22 octobre), de nombreux rassemblemens, ont lieu dans les différens quartiers de la ville.

Le général en chef, accompagné de ses guides et de son état-major, étoit sorti le matin pour se rendre au vieux Caire, et de là à l'île de Rhoda. Le général Junot étoit resté seul au quartier-général, place de Lesbékieh, sur laquelle presque tous les Français étoient logés. J'étois allé au vieux Caire aussi, et je revenois sur un âne au petit galop (1), mon ânier tenant son animal par la queue pour le suivre, lorsqu'à mon entrée dans la première rue je remarquai un silence effrayant; les portes des maisons

(1) Les ânes sont les fiacres du Caire,

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