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silence de quelques minutes; il n'étoit interrompur que par les cris des malheureux qui, blessés pour la plupart, se débattoient encore contre la mort, à la surface des eaux. Après ce moment, pour ainsi dire de stupeur, le combat reprit avec une nouvelle rage. Nos vaisseaux entre deux feux, rasés, criblés, furent obligés de se rendré. L'Heu reux sauta; la rade d'Aboukir ne fut bientôt plus couverte que de tristes débris et de cadavres brûlés et sanglans.

Le combat n'étoit point encore fini au commencement de la journée du 16 (3 août). Le Tonnant se battoit depuis 36 heures sans presque disconti nuer; Petit-Thouars qui le commandoit périt sur son bord, en recommandant de ne point se rendre. Le Timoléon, ne voulant point amener, se brûla après avoir sauvé son équipage. Le Guillaume Tell, le Guerrier, la Diane et la Justice mirent à la voile au milieu du désordre, et se réfugièrent à Malte.

Nelson expédia en Angleterre le Léandre, qui par sa brillante manœuvre, avoit coupé notre ligne. Le Léandre tomba dans sa route au milieu de la petite escadre qui, sous les ordres du contreamiral Villeneuve, avoit échappé aux désastres d'A. boukir. Il fut pris dans les eaux de Malte.

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Si Nelson montra dans cette affaire une résolution, qui n'est cependant pas sans exemple, il faut

dire aussi qu'il s'étoit mis dans la nécessité de vaincre ou de périr. Il devoit être au désespoir de n'avoir point empêché notre expédition, et le gouvernement anglais auroit bien pu lui faire son procès, si la victoire d'Aboukir n'eût pas porté un coup mortel à notre marine et déjoué nos projets sur l'Egypte, en isolant l'armée française et en la réduisant désor→ mais à ses propres forces, que la guerre, les maladies diminueroient sensiblement.

La nouvelle de la bataille d'Aboukir, fit que le général en chef hâta son retour au Caire, et que nous ne mîmes que deux jours à faire la route que nous avions faite d'abord en quatre. Le 27 thermidor (14 août) au soir nous arrivâmes au Caire; tous les Français y étoient désolés et consternés. J'y trouvai l'ordonnateur en chef blessé fort dangereu sement à la main droite d'un coup de feu qu'il avoit reçu en se défendant contre des Arabes et des paysans. Bonaparte vint le voir et lui parla de notre position; après quelques discours relatifs au service de l'armée, Bonaparte lui dit : « Nous n'avons plus de >> flotte, eh bien, il faut rester ici, ou en sortir grands » comme les anciens. >>

Le général en chef s'occupa alors de l'administration intérieure du pays: il renouvela l'ordre aux Français de ne point troubler le culte ; il défendit aux commandans de province de frapper aucune contribution en argent sur les habitans ; il recommanda

de veiller, à l'entretien des canaux, à l'époque sur tout où l'inondation du Nil commence à féconder le sol; il établit une commission qui fut chargée de recevoir les réclamations des habitans sur les vexations qu'ils pourroient éprouver; il prit des mesures sévères contre les dilapidateurs; il fit brûler le village d'Alcan où avoit été assassiné l'aide-de-camp Jullien; pour honorer la mémoire de Petit Thouars qui commandoit le Tonnant, il fit appeler de son nom la grande rue du Caire, et le brick pris aux Mamelouks sur le Nil, du nom de son vaisseau. Il convoqua, pour le 10 vendémiaire an 7 (1er octobre), une assemblée générale de notables des quatorze provinces de l'Egypte : ces notables devoient être choisis parmi les hommes ayant le plus d'influence sur le peuple, et distingués par leurs lumières; il fit arborer le pavillon tricolore sur les barques qui naviguent sur le fleuve; il donna une compagnie de soixante hommes à l'aga des Jannissaires, payée par les impositions frappées par les Divans, et nourrie par l'armée ; il ordonna que tous les jeunes Mamelouks, ayant plus de huit ans et moins de seize, et tous les garçons qui étoient esclaves, noirs ou blancs, délaissés au Caire, seroient incorporés dans les demi-brigades, ou en qualité de soldats, ou comme tambours.

Tandis que Bonaparte s'occupoit de l'organisation intérieure de l'Egypte, du classement de ses troupes,

quelques Français industrieux cherchoient au Caire à tirer parti des circonstances. Des ouvriers en tout genre levoient des ateliers et des boutiques; l'on voyoit déjà des restaurateurs à la mode française, peu approvisionnés sans doute, mais où l'on pouvoit se réunir et boire. On fit bientôt des bottes, des chapeaux, des ceinturons; les Turcs imitoient nos broderies à merveille, et fabriquoient avec adresse les objets les plus étrangers à leurs usages. Il s'éleva une tannerie, on fit des selles; nous eûmes des lits, des tables, des chaises dont nous avions trouvé les maisons entièrement dépourvues à notre arrivée; ainsi, l'industrie adoucissoit nos privations. Des distillateurs nous faisoient des liqueurs de tout genre, et nous eûmes, par la suite des sirops d'orgeat, de vinaigre, etc. Le vin seul étoit d'une grande rareté, et nous n'en étions pourvus que par les chargemens de spéculateurs hardis qui échappoient à la vigilance des croisières anglaises. Des Françaises fixèrent les regards de nos généraux, et l'on vit se former quelques sociétés.

A notre entrée au Caire, toutes les rues étoient fermées par des portes qui n'étoient ouvertes que dans le jour. Ces portes arrêtoient les Arabes qui faisoient souvent des incursions pour piller; elles eussent été dangereuses pour nous, en offrant à la capitale autant de petites villes susceptibles d'une vigoureuse défense; le général en chef les fit détruire,

et cette précaution nous servit bien à la révolte du 1er brumaire (23 octobre).

Bonaparte cherchoit à étendre ses relations au→ delà de l'Egypte, et à conserver les rapports commerciaux anciennement établis. Il écrivit au chérif de la Mekke pour l'instruire de son arrivée au Caire.

«Je desire beaucoup (ajoute-il) que, par » votre réponse, vous me fassiez connoître si vous » desirez que je fasse escorter la caravane par mes >> troupes ou seulement par un corps de cavalerie de » gens du pays; mais dans tous les cas, faites con>>noître à tous les négocians et fidèles, que les mu» sulmans n'ont pas de meilleurs amis que nous; de » même que les chérils et tous les hommes qui emploient leur temps et leurs moyens à instruire les peuples, n'ont pas de plus zélés protecteurs. >> Voici une lettre très-curieuse, et que je crois devoir copier toute entière. Elle est datée du 2 fructidor (19 août), et adressée à madame Bruies. Bonaparte lui offre des consolations.

>>

>>

« Votre mari a été tué d'un coup de canon, en >> combattant vaillamment à son bord. Il est mort >> sans souffrir et de la mort la plus douce, la plus » enviée par les militaires.

» Je sens vivement votre douleur. Le moment qui » nous sépare de l'objet que nous aimons est terri»ble; il nons isole de la terre; il fait éprouver au

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