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sabre, de l'autre un tromblon, souvent un géride, et le valet à pied, une carabine. Toutes les armes à feu sont attachées à l'homme ou au cheval, ce qui donne au cavalier une grande facilité pour s'en servir, parce qu'il n'a point l'embarras de les remettre à leur place. Plusieurs Mamelouks portoient des -cottes de mailles et des casques, non pas à visières, mais défendus par une barre qui protège la figure. Celui que Sulkoswski, l'aide-de-camp, prit à l'affaire d'Embabé, au Mamelouk qu'il combattit, étoit de cette espèce; joignez à cela une arme tranchante, fragile il est vrai, mais dont les coups sont d'autant plus terribles que la trempe en est plus fine. Les Mamelouks parent rarement avec leurs sabres qui se briseroient bientôt; c'est le cheval qui esquive le coup. Voilà l'ennemi que nous combattions; cavalerie formidable, plus terrible encore si elle étoit sagement dirigée. Les Français même conviendront - sûrement avec moi de la justesse de cette assertion. Ce n'est point le courage qui fait ici la supériorité du Mamelouk; quelle nation s'est montrée plus guerrière, plus courageuse que la nôtre? Mais comparons à ces légers soldats nos dragons et même nos hussards! Selle rase et pesante, porte-manteau, gros fusil ou carabine, vivres pour l'homme', vivres pour le cheval, et même de l'eau pour le cavalier. Souvent le cheval s'emporte, ou celui qui le monte est obligé de s'en occuper trop pour le diriger. Si notre

cavalier tire son pistolet, il faut qu'il le remette aux arçons; s'il veut se servir de sa carabine ou de son fusil, rarement il le peut dans une charge, dans une mêlée, où les armes les plus courtes sont les meilleures. A la charge des pistolets, il faut prendre du temps pour remettre la baguette; le Mamelouk porte encore à son côté une petite corne avec laquelle il amorce rapidement, et la même baguette de fer sert pour ses armes. Il y a donc, comme je l'ai dit, à part le courage, supériorité d'armes reconnue chez le Mamelouk. Il manœuvre plus rapidement, fait feu plus souvent et plus promptement, et par la célérité de sa course il joint ou évite son ennemi. Le résultat de l'affaire de Saléhieh ne démontre que trop l'exactitude de ces observations. Nos hussards donnèrent sur un peloton considérable, mais arrivés dans son centre ils ne trouvèrent plus personne, et le temps qu'ils mirent à arrêter les chevaux, à faire volte-face, fut celui où les Mamelouks les entourèrent et les entamèrent par derrière. Les Mamelouks sont toujours et même nécessairement tirailleurs, je crois l'avoir démontré, et ils nous offrent peut-être le meilleur système de cavalerie que nous puissions avoir. Le dragon blessé doit forcément tomber de dessus son cheval; il se perd lui-même ainsi, et ses armes et son coursier deviennent la proie des ennemis. L'armement et l'équipement des Mamelouks, avec des modifications

nécessaires en Europe, sont les plus convenables à

la

guerre.

A Saléhieh, nos chevaux, la plupart français, fatigués par la route, par une nourriture à laquelle quelques-uns n'étoient pas habitués, chargés, comme je l'ai dit encore, de vivres, d'eau et de plusieurs autres objets, ne devoient point résister au choc de chevaux vifs et frais, dégagés de poids considérables et menés par des mains adroites et expérimentées. Voyez le Mamelouk élevé sur ses étriers, guidant avec facilité un cheval forcément soumis; ne doit-il point porter des coups plus prompts et plus terribles que nos guerriers assis sur leurs selles, et perdant, par cette raison même, une partie de leurs forces (1)? Je crois que tous les Français ont pu se convaincre de la justesse de ces réflexions auxquelles donneront encore plus de poids ces mots de Bonaparte, contenus dans sa lettre au Directoire, en date du 2 fructidor (19 août).

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« Les Mamelouks sont extrêmement braves et

>> formeroient un excellent corps de cavalerie légère, » richement habillés, armés avec le plus grand soin,

(1) Je n'ignore pas que, dans la charge, nos cavaliers se dressent sur leurs étriers; mais ils les portent trop longs pour pouvoir s'élever autant que le mamelouk qui les porte extrêmement courts.

» et montés sur des chevaux de la meilleure qua

» lité ».

Je finis cette courte digression par quelques rede genre marques sur le guerre que nous faisions en Egypte. Ce n'étoit plus comme en Europe une guerre où, lorsque vous avez chassé l'ennemi devant vous, les derrières sont au moins en sûreté; deux villages rapprochés l'un de l'autre étoient occupés par nos troupes, et cependant on ne pouvoit traverser l'espace qui les séparoit sans une escorte. Nous étions au Caire, nous y régnions en maîtres, et cependant nous ne pouvions aller nous promener hors des portes. Nous étions, pour ainsi dire, prisonniers, au centre de nos conquêtes. L'armée perdit beaucoup de monde par les assassinats nombreux et répétés ; elle vit disparoître des officiers intéressans et nécessaires. Boulack étoit à deux portées de fusil du Caire : on n'y alloit point sûrement. Dans le commencement les communications étoient difficiles et dangereuses, à cause des Arabes qui venoient, malgré les troupes, jusqu'aux portes de la ville. C'est ainsi que la moindre course, qui n'avoit pour but qu'une recherche scientifique, avoit toujours l'appareil de la guerre. Cette situation inquiète fit que tout le monde prit les armes, et que chacun devoit penser à se défendre soi-même. Parmi ces classes d'employés qui suivent les armées, mais qui ne voient jamais l'ennemi, nous avons compté bien des victimes dont le sort eût été protégé

par les troupes en Europe. La guerre enfin étoit générale. Avec nos ennemis, dans les combats, nous n'avions jamais que la victoire ou la mort en perspective.

La guerre d'Espagne m'a rappelé bien des fois celle d'Egypte. Une guerre nationale est une guerre d'extermination, et quand une population entière et grande ne veut point être soumise, elle doit, à la longue, à force de sacrifices, à force même d'être vaincue, apprendre à vaincre, et conquérir sa liberté.

En Egypte, le peuple ne prenoit point une part active aux hostilités, mais il secondoit de tous. ses efforts nos ennemis, et ce n'étoit que par la force que nous nous fesions obéir. Si les Egyptiens, moins indolens, eussent été armés et animés du desir de leur indépendance, notre armée, privée de tous secours et de renforts, eût, sans doute, bientôt succombé dans une lutte aussi inégale.

Le 26 thermidor ( 13 août), Bonaparte, ayant donné ses ordres pour fortifier Saléhieh, y laissa la division Regnier, et diriga la division Dugua sur Damiette. Le quartier général, le même jour, reprit la route du Caire.

A peu de distance de Saléhieh nous rencontrâmes l'aide-de-camp de Kleber, qui nous apportoit la triste nouvelle de la destruction de notre flotte à la suite du combat d'Aboukir. Les détails de cette

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