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dit un autre ; il faut retourner au camp, crie un troisième ; et de suite toute la cohue : oui, oui, il faut retourner. On fut obligé de s'arrêter; personne ne vouloit plus avancer, et le désordre devint général. La réflexion du premier orateur avoit frappé les esprits, et de fait, le général en chef pouvoit s'être trompé, Ouardân n'être pas sur le rivage, et peut-être avions-nous dépassé les avantpostes de la division Desaix, trop éloignée pour nous avoir aperçus. Des feux qui s'éteignoient, et que nous rencontrâmes quelques pas plus loin en assez grand nombre, confirmèrent nos gens dans la certitude de notre malheur. L'adjudant-général céda aux clameurs de la cohue: on s'arrêta; et tandis que les autorités du convoi discutoient les mesures à prendre dans une circonstance aussi critique, on plaça des avant-postes pour protéger la halte.

Pendant ce fameux conseil, les uns s'étoient coùchés; les autres, en silence, calculoient les moyens d'échapper aux dangers prétendus qui nous menaçoient à l'espoir de retourner au camp, où seulement ils voyoient leur salut, succédèrent les plus vives alarmes. Les sentinelles avancées qu'on avoit placées pendant les conférences, se replièrent sur nous en criant: aux armes. On avoit entendu des chevaux : c'étoient les Arabes. On se mit en défense, on se rapprocha un peu, on commanda le

queue;

silence....., mais rien ne parut, et l'alerte étoit fausse. Après une longue conférence, il fut résolu qu'on céderoit aux desirs de la majorité, et l'adjudantgénéral consentit à retourner au camp. Nous voilà révenant sur nos pas; l'assurance de rejoindre les troupes avoit commencé à faire parler,même les moins hardis on marchoit plus vîte; nos soldats seuls se traînoient toujours avec peine, et restoient derrière nous. Cette longue ligne s'étoit à peine développée, que de nouveaux cris nous frappent; les inquiétudes revinrent; la tête de la colonne arrêtée ignoroit encore ce qui s'étoit passé à la nous nous y transportâmes sur-le-champ, nous trouvâmes les traîneurs qui avoient saisi deux hommes nus comme la main, sur les corps desquels ils avoient marché sans les voir: Ces deux paysans, qui n'étoient probablement que des voleurs, comme. beaucoup par la suite se sont introduits dans nos camps la nuit, devinrent nos guides et nos libérateurs. L'interprète qui étoit parmi nous leur promit la vie, d'après l'ordre de l'adjudant-général, s'ils nous conduisoient à Ouardân, qui ne devoit pas être éloigné. Ils le jurèrent; et leur serment ne rassura pas beaucoup la multitude inquiète et soupçonneuse. Enfin, après avoir marché encore quelques minutes, nous arrivâmes à Ouardân, que nous n'avions pas dépassé, mais qui n'étoit pas précisément sur le bord du fleuve.

L'armée, réunie le 30 messidor ( 19 juillet ) à Ouardân, s'y repose les 1er et 2 thermidor (20 et 21 juillet). Les soldats préparent leurs armes. Tout se dispose pour une grande affaire ; MouradBey, à la tête de 6000 Mamelouks environ et d'une foule d'Arabes et de Fellahs (paysans), s'étoit disoit-on retranché au village d'Embabé, sur la rive gauche du Nil et vis-à-vis Boulac.

Le 3 thermidor (21 juillet), nous découvrîmes les grandes pyramides à quelques lieues sur notre droite. C'est en présence de ces monumens, moins de tant de siècles écoulés, qu'alloit se décider le sort de l'Egypte. L'armée marchoit comme à l'ordinaire, ses cinq divisions formées en bataillons carrés et par échelons. Au bout de deux heures, on distingua quelques cavaliers, dont le nombre s'augmenta insensiblement; ils se replioient à mesure que nous avançions : à deux heures après midi, on s'arrêta dans un champ de pastèques, qui fut bientôt ravagé. Depuis quatre heures du matin nous marchions, mais nous apercevions le Caire, et sa vue nous offroit la fin de nos peines. Les Mamelouks étaloient à nos yeux tout le luxe oriental. La variété de leur habillement, leurs brillantes armures, leurs cris tumultueux, la rapidité de leurs mouvemens, offroient un spectacle aussi neuf qu'intéressant. Inquiets de la manoeuvre que faisoit la division Desaix pour leur couper la retraite sur

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notre droite, ils se décidèrent à la charger, et la chargèrent en effet avec la plus éclatante valeur. Les braves vinrent expirer sous le feu meurtrier d'une fusillade vive et bien nourrie. Cependant nos dia visions marchoient en même temps sur Embabé. L'affaire fut bientôt décidée, la redoute emportée, et tout ce qu'elle renfermoit, au pouvoir de nos troupes, qui oublièrent dans ce moment qu'elles étoient sur pied depuis quatre heures du matin, et qu'elles avoient faim. Les soldats couroient alors: l'espoir d'un riche butin avoit ranimé leurs forces; Embabé fut couvert d'ennemis. Des Mameluks, qui voulurent se sauver par le Nil, se noyèrent; au milieu des cadavres, on vendoit des chevaux, des armes, des vêtemens, des chameaux; le champ de bataille étoit devenu le marché, où chacun venoit demander ce qu'il desiroit. Chaque soldat vantoit le prix de l'objet qu'il offroit à acheter, la légèreté du cheval qu'il avoit arrêté. Quelle confusion! quel tableau! c'étoit la joie la plus bruyante dans le silence de la mort : les uns mangeoient, buvoient; d'autres se couvroient la tête d'un turban encore ensanglanté : celui-ci revêtoit une pelisse, c'étoit son trophée ; il l'avoit conquise au péril de sa vie : personne ne pensoit plus aux souffrances de la

route.

Bonaparte descendit de cheval à Embabé, et vint à pied jusqu'à Gizeh; le contentement étoit peint

sur sa figure. La division Desaix avoit dépassé Gizeh.

Ibrahim-Bey, sur la rive gauche du Nil, dé campa le même soir, et incendia, en se retirant, presque toutes les barques qui étoient sur ce fleuve. Cet incendie pendant la nuit, et le souvenir de la journée, ne permettoient de se reposer que sur l'idée de la destruction. Mourad Bey, avec les Mamelouks échappés à nos coups, s'enfuit dans la Haute-Egypte, et vécut, pendant deux ans, errant et fugitif, tantôt dans le désert, tantôt dans les villages que nous avions quittés, mais conservant toujours une force d'ame et un courage au-dessus de ses revers.

Voilà donc les Mamelouks expulsés du Caire, de leur ville chérie. Pouvoient-ils imaginer que ce fût d'une contrée éloignée de la leur de plus de cinq cents lieues, que partiroit le coup qui devoit les chasser de leurs palais, abolir leur règne, anéantir leurs pouvoirs?

Le combat d'Embabé fut appelé par Bonaparte, bataille des Pyramides, parce qu'il fut donné en leur présence.

Une division passa le Nil pendant la nuit, ẹt prit possession de l'île de Roda.

Le lendemain 4 (22 juillet), les grands du Caire vinrent offrir de remettre la ville. Le général en chef les reçut à son quartier général de Gizeh,

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