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l'honneur de ses trois femmes avec de formidables ceintures de fer; toute entreprise eût été vaine, Ceux-ci crurent bien se venger en rendant en mauvaise humeur, au vieux cheikh, les désagrémens que sa cruelle prévoyance leur faisoit éprouver.

Le 22, l'armée se mit en marche pour Rhamanié, Le quartier-général partit le dernier, et dans cette circonstance encore, la fortune de Bonaparte le sauva du plus grand danger. Une légère élévation de terrain que nous suivîmes assez long-temps, nous déroba à la vue des Mamelouks, qui se jetèrent audevant de la division Desaix. S'ils nous eussent aperçus, notre situation eût été extrêmement embarrassante. Le général n'avoit, avec les officiers de son ́état-major, qu'un petit nombre de guides: Il faut croire au fatalisme (1) !

Arrivée à Rhamanié, l'armée s'élance toute ențière dans le Nil..... Comment peindre au lecteur le

(1) Cette ligne, plusieurs fois répétée dans la première édition de cet ouvrage, a été condamnée par un journal, approuvée par un autre.

Un homme de beaucoup d'esprit m'écrivit : « La » main sur votre conscience, attachez-vous un sens à ces mots ? >>

Je pensois alors comme je pense aujourd'hui, qu'il est des êtres privilégiés auxquels tout réussit d'abord, et qui se sauvent et prospèrent par où les autres se

tableau de plusieurs milliers de soldats se précipitant tout habillés dans les eaux du fleuve bienfaisant qui féconde l'Egypte! Ils trouvoient enfin à satisfaire le desir impérieux qui les avoit tourmentés pendant quatre jours.

Avec quelle avidité, au sortir du désert, on attache son regard sur la verdure qui borde le Nil! Les ordres les plus sévères, les rappels des tambours, les cris des officiers ne pouvoient retenir le soldat. Il fallut que la satiété succédât au besoin le plus pressant. Quel tumulte! quelle gaîté! Ah! qu'un instant de jouissances fait oublier de momens malheureux!

Spectacle impossible à rendre, et dont, pour s'en faire une idée, il faut avoir éprouvé tout ce que font souffrir un soleil brûlant, une soif dévorante, un sable mouvant qui fuit sous vos pieds, la blancheur des déserts qui éblouit les yeux!

Avec quel plaisir on apprit qu'on ne quitteroit plus ces bords chéris! Lorsqu'on les perdoit de vue, l'inquiétude que l'on montroit ne peut se comparer

perdent et se précipitent. Il est des gens heureux dans tout ce qu'ils entreprennent, la fortune inconstante tourne tout à leur avantage, et Bonaparte croyoit à sa fortune, témoin son exclamation devant Alexandrie, et que jai citée plus haut. Mais la fortune se lasse et fait payer bien cher ses faveurs capricieuses.

qu'à la sollicitude d'un enfant momentanément séparé de sa mère.

A peine étions-nous arrivés à Rhamanié, que les Mamelouks nous approchèrent; on se rangea en bataille devant le village. Le général Murat, à la tête d'un escadron de cavalerie, leur offroit un engagement. Ils passèrent quelques heures à nous examiner, à galopper sur le front de nos bataillons. qu'ils n'osèrent charger. L'artillerie les eût bientôt écartés. Cette affaire, quoique peu importante, donna de la confiance à nos troupes.

Nous séjournâmes le 23 messidor (11 juillet) à Rhamanié, pour donner un peu de repos au soldat. Nos pauvres chevaux français, d'ailleurs en trèspetit nombre, foibles et épuisés par une longue traversée, en avoient plus besoin que les hommes.

La flotille, partie d'Alexandrie, nous joignit à Rhamanié, ainsi que la division Dugua, qui étoit allée s'emparer de Rosette.

L'armée, disposée dans l'ordre indiqué plus haut, se mit en marche, et le 24 au soir le quartiergénéral rejoignant l'avant-garde, arriva à un village près celui de Chébreisse, où les Mamelouks s'étoient retirés.

Quoique l'obscurité ne permît point de prendre, aussi bien qu'on l'auroit voulu, les dispositions nécessaires pour fortifier notre position, néanmoins

chercha à se garantir de toute surprise de l'ennemi, et bientôt l'armée harassée fut plongée dans le sommeil.

Je dois ici un hommage aux pastèques (melons d'eau), qui nous ont fait tant de plaisir, et par leur fraîcheur, et par la douce boisson qu'ils nous offroient! L'excès en est cependant dangereux, et ceux qui en mangèrent avec trop d'avidité furent très-malades; quelques soldats même moururent du relâchement continuel que cause ce fruit.

Le 25 messidor (13 juillet), à la pointe du jour, on reconnut la position du village où nous avions bivouaqué. Il étoit composé de deux monticules couverts de cabanes de terre, qui laissoient entre elles un espace assez considérable. Aussitôt que le soleil fut levé, les Mamelouks sortirent de Chébreisse, situé plus haut que nous sur la rive du Nil. Bientôt des coups de canon, auxquels on répondit sur le fleuve par un feu très-vif, nous apprirent que notre flotille étoit arrêtée par des batteries établies sur terre, et par des djermes armées qui avoient descendu le Nil à sa rencontre.

Les Mamelouks firent paroître plusieurs fois l'intention de nous charger, mais ils arrivoient au grand galop, tiroient quelques coups de carabine, et se retiroient avec la même précipitation. Quelques obus tombés parmi eux les déterminèrent à s'éloigner. Ils ne connoissoient pas l'effet de ces boulets

qui éclatoient dans leurs groupes. Quelques-uns de nos soldats guettant les fanfarons, quittoient les rangs pour courir sur eux, comme un chasseur sur le gibier; ce manége leur réussit quélquefois, et le pillage des Mamelouks devenoit la récompense de la témérité. Nos ennemis, par leurs brillantes armes, par la beauté de leurs chevaux, par la variété des couleurs de leurs vêtemens, rappeloient l'armée de Darius, tandis que nos guerriers, simples, avec leurs gros fusils, leurs sacs sur le dos, rappeloient celle d'Alexandre.

Cependant notre flotille étoit engagée sérieusement; Bonaparte ordonna un mouvement en avant pour la dégager. Les Mamelouks, étonnés de l'assurance avec laquelle de misérables fantassins (1) s'avançoient contre eux, se retirèrent pêle-mêle vers le Caire.

Nous primes Chébreisse et quelques mauvaises pièces que l'ennemi y avoit abandonnées. L'armée françoise, formée en un vaste bataillon carré, continua sa route, et bientôt le mirage et la poussière nous dérobèrent entièrement les Mamelouks.

La perte des Français et de l'ennemi ne fut pas

(1) Les Mamelonks apprenant que nous n'avions que de l'infanterie, méprisoient notre armée, et s'imaginoient la dissiper comme ils dissipoient les rassemblemens des paysans révoltés de l'Egypte.

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