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s'il en est un, doit lui être sacré comme les souvenirs honorables qui s'y rattachent. Bonaparte avoit deviné le cœur et l'esprit français. Pour maintenir au même degré l'ardeur de cette bouillante jeunesse qu'il commandoit, il lui offroit sans cesse un nouvel aliment par le tableau de nouvelles occasions de gloire. Ce noble espoir produisoit l'effet qu'il desiroit, lui attachoit les troupes, qui ne juroient plus que par son nom, tandis qu'aux yeux du vulgaire il légitimoit et cachoit ce ressort habile, sous le simple souhait de conquérir une paix durable. Ainsi, et toujours, ce qu'on avoit fait n'étoit rien à côté de ce qu'il restoit à faire. Ces moyens infaillibles, dirigés par la modération vers un but sage et vraiment utile, auroient eu sans doute les plus heureux résultats : ceux qu'amena l'expédition en Egypte, ne furent que désastreux.

D'abord cette irruption sur le territoire d'une puissance fidèlement attachée à ses anciennes liaisons, dévoila aux regards du monde, la politique ambitieuse d'un gouvernement qui, dans ses aveugles prétentions, se croyoit non-seulement capable de braver toute l'Europe, mais encore de lui commander. La Sublime Porte, bien que lente dans ses résolutions, regarda comme un acte d'hostilité réel le soin qu'on vouloit bien affecter, de prendre ses intérêts dans ses disputes avec les beys en Egypte. Excitée par l'Angleterre, qui ne se dissimuloit point

que les coups étoient dirigés contre son commerce, la Cour ottomane se décida à prendre part dans la querelle, et si par le succès de ses armes elle ne parvint point à venger son outrage, elle sut au moins profiter du changement que nous avions produit dans le gouvernement intérieur de l'Egypte, et elle redevint maîtresse d'un pays où elle n'avoit d'abord que des agens infidèles. C'est un véritable service que lui rendit l'armée française.

L'Angleterre, à l'affût de nos ports, envieuse du peu de vaisseaux que Louis XVI avoit créés, et qui pouvoient encore lui disputer l'empire des mers, guettoit la sortie de nos escadres avec une jalouse impatience. La fortune de Bonaparte trompa son espérance, mais Nelson trompa plus tard la fortune de Bonaparte, en attaquant avec une fureur réfléchie, et dans une rade propice, cette belle armée navale, dont le malheur fut aussi grand que sa défense fut opiniâtre. Aucun des vaisseaux qui la composoient n'échappa à ce vainqueur illustre ; tous furent pris ou brûlés, et ce triomphe éclatant étoit une garantie suffisante pour la prospérité future de l'Angleterre. Par cette seule action, qui décidoit sa supériorité sur la marine française, elle renfermoit en Afrique une armée formidable, et qui privée désormais des secours de la patrie, useroit insensiblement ses propres forces. Or, il est de fait que sans marine, au

cun projet ne pouvoit être tenté dans les Indes, et que toute route commerciale étoit fermée par la Méditerranée. Il est certain aussi que les Anglais, tranquilles observateurs de toutes les disputes, dont ils étoient les juges passifs, calculoient et pouvoient en effet calculer le temps déterminé où l'armée française en Egypte, épuisée par des pertes irréparables, seroit réduite de manière à être facilement attaquée. La campagne de Syrie, les assassinats, les privations, les souffrances physiques et morales, la peste enfin, ont avancé cette heure fatale qu'ils appelóient de leurs vœux. Ils ne se sont mis en scène que lorsque le succès étoit presque évident, et que l'armée française, affoiblie par la désunion des sentimens et le manque de confiance, n'avoit plus à sa tête un général fameux et redoutable.

des

Mais cette mémorable entreprise, contre le droit gens, offroit aux Anglais une trop bellé occasion de dominer dans la Méditerranée dont ils occupoient le principal passage, pour ne point la saisir avec empressement. Le rocher de Malte est ainsi dire le trône de cette mer, qu'on a juspour tement appelée la grande rue de l'Europe, et son usurpation flattoit trop leur ambition, pour ne point flatter leur avidité. Ils parvinrent à s'en emparer, et cette ville, que la nature avoit déjà rendue inexpugnable, et dont l'art a fait un boulevart éton

hant, leur restera sans doute comme cette pointe de l'Europe, d'où aucune tentative n'a pu les chasser. Ce même rocher, qu'une conduite impolitique livroit à l'Angleterre, devint une pierre d'achoppement pour les traités que la France voulut contracter. Elle retint plus d'une fois la paix, prête à descendre sur le continent ensanglanté.

Ces résultats sont sûrement assez affligeans pour justifier les regrets que causa l'expédition d'Egypte, mais combien ces regrets s'augmentent, si l'on se rappelle la foule de braves que la mort a moissonnée sur les bords du Nil, dans les sables de l'Afrique, sous les murs de Saint-Jean-d'Acre et sous les remparts de la ville d'Alexandre. Et quelle armée avoit emmenée Bonaparte? quels sont les généraux qui la commandoient? L'armée d'Egypte étoit composée de l'élite des troupes qui venoient de conquérir l'Italie. Tous les régimens en étoient célèbres par de nombreux combats; tous les généraux, tous les officiers, formés à l'école de la victoire, avoient porté loin de la patrie leurs talens et leur valeur. Et dans quel moment s'éloignoient-ils? Lorsque l'Autriche, fatiguée du frein qu'on vouloit lui imposer, rebutée par les sacrifices qu'on en exigeoit, attendoit une occasion favorable pour briser des chaînes qu'on faisoit peser sur elle. Aussi à peine la flotte de Toulon fendoit les mers pour ac

complir sa triste destinée, que cette puissance, dépouillée d'une partie de ses états, parvint en effet à se ressaisir de tout ce que Bonaparte lui avoit enlevé. Elle menaça même nos frontières, mais la France renfermoit trop de braves dans son sein pour être abattue. Il falloit une plus longue lutte; il falloit sans doute cette circonstance fatale chez une grande nation, où l'on voit l'amour et l'intérêt de la patrie, ne pas se confondre dans le souverain qui gouverne, pour que des armées, quelque nombreuses qu'elles fussent, pénétrassent jusqu'au cœur de la France.

la

Voilà en peu de mots, et en laissant de côté les détails secondaires qui étendroient trop cette matière, les déplorables conséquences de l'expédition en Egypte. La plus brillante armée presque détruite, une flotte entièrement prise ou brûlée, et Malte irrévocablement au pouvoir de l'Angleterre. Si à côté de ce tableau nous mettons les avantages que nous avons retirés de cette campagne, personne, je pense, ne trouvera qu'il y ait compensation. Les beaux-arts seuls doivent se réjouir des découvertes admirables que des hommes instruits ont faites, au milieu des horreurs de la guerre, sur ce territoire où l'architecture antique leur a déployé ses plus riches trésors. L'ouvrage que la France doit étaler aux yeux de l'Europe, est le véritable trophée de notre armée,

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