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que Gantheaume, le 4 messidor (23 juin), s'étoit présenté devant la ville de ce nom; mais la contenance des habitans, et leurs dispositions hostiles, l'avoient déterminé à ne point tenter le débarquement. On peut également supposer avec raison que le contre-amiral français, instruit dans sa traversée des événemens qui venoient de décider du sort de l'Egypte, avoit reconnu l'inutilité du renfort qu'il conduisoit, et l'inhumanité de les exposer à une captivité ou à une mort certaine. Ces motifs sont louables, et dans cette expédition, Gantheaume justifia cette réputation de bonheur que Bonaparte lui prêtoit, en rentrant à Toulon (1) avec son escadre peu endommagée par le combat qu'elle avoit soutenue, et un beau vaisseau enlevé aux Anglais, trop foible indemnité de tous ceux qu'ils avoient pris à la République.

Revenons , pour la dernière fois, sur les côtes de l'Egypte. La prise de Rhamaniéh et la retraite du général La Grange sur le Caire, avoient fait une

et le Dix-Août commencèrent le feu. Trente minutes après, le Jean-Bart et la Constitution rejoignirent. Le capitaine Hallowell se rendit après une heure et sept minutes de combat. Il perdit son lieutenant et soixantedix hommes.

(1) Le 15 messidor (4 juillet), il captura, entre Lampedosa et Pantalaria, une forte lettre-de-marque.

impression fâcheuse sur la portion de l'armée renfermée dans Alexandrie. Les troupes murmurèrent hautement lorsqu'elles se virent absolument isolées du reste de l'Egypte. L'esprit de mauvaise humeur parvint à un tel degré que Menou dut en redouter les effets. Le bruit qui circuloit et que les Anglais paroissoient confirmer, que le général Reynier avoit été nommé au commandement en chef, poussa à bout le général Menou, fatigué de toutes les oppositions qu'on lui présentoit sans cesse. Il prit donc la résolution, trop tardive pour son repos, de renvoyer en France le général Reynier, ainsi que le général Damas, et le commissaire-ordonnateur en chef Daure. Mais cet acte d'autorité ne changeoit rien à sa position, quoiqu'il se trouvât plus libre dans ses actions et débarrassé de censeurs opiniâtres et incommodes. Il s'occupoit de tout ce qui pouvoit ajouter aux travaux trop étendus d'Alexandrie, où la misère, le besoin et les maladies exerçoient leur ravage, lorsqu'il apprit la reddition du Caire. Il se récria sur la lâcheté qui l'avoit consentie, et jura de défendre Alexandrie jusqu'à la dernière pierre. Il se flattoit sans doute de voir arriver des secours, qui n'auroient pu le sauver, et qui n'eussent fait que prolonger les maux d'une guerre trop longue et trop sanglante. Mais le général Hutchinson, après avoir passé quelques jours au Caire avec le Suprême Visir, et arrangé

le sort des Mamelouks auxquels il prenoit intérêt, s'étoit rendu devant Alexandrie (1). C'est alors que les opérations du siége se poussèrent avec une nouvelle vigueur, et que le général Menou, revenu des espérances chimériques qu'il avoit conçues, reconnut enfin que l'Egypte étoit perdue, et que toute résistance seroit vaine contre une armée européenne qui recevoit à tout instant des renforts d'Angleterre, de Minorque et de Malte. Le 9 fructidor (27 août) il envoya son aide-de-camp au général Hutchinson pour demander un armistice de trois jours; il fut accordé avec empressement, et le 15 (2 septembre) la capitulation d'Alexandrie fut signée (2); elle étoit à peu près la même que celle du Caire. Les bâtimens qui étoient dans le port furent partagés entre les Anglais et les Turcs (3). Les Anglais eurent pour leur part la superbe frégate l'Egyptienne, et les Turcs la Justice, seul bâtiment

(1) Il y arriva le 29 thermidor (17 août 1801). (2) Un mois juste après la reddition d'Alexandrie, les préliminaires de paix furent signés entre la France et l'Angleterre. L'ile de Malte devoit être évacuée par les Anglais, et l'Egypte rendue à la Sublime Porte.

(3) Il y avoit un grand nombre de bâtimens márchands, un vieux vaisseau de ligne vénitien, les frégates l'Egyptienne, la Justice, la Régénérée et quelques corvettes.

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qui restât à la France de l'escadre de Bruies. Sidney Smith, qui avoit joué un rôle si important sur ces côtes, fut chargé par l'amiral Keith de porter au gouvernement anglais la nouvelle de la prise d'Alexandrie.

Ainsi finit cette mémorable expédition d'Egypte; ainsi s'évanouirent les projets gigantesques de joindre l'Orient à l'Occident par le canal de Suez au Nil; ainsi s'éclipsa cette chimère de la civilisation de l'Afrique! Ce coup fatal qu'elle devoit porter au commerce anglais fut le coup de la mort pour notre marine, en accroissant la domination de la marine anglaise. Si l'on calcule le mérite d'un projet sur le succès qui le couronne, on peut demander où est la grandeur, la sagesse de celui qui a coûté tant de trésors à la France et tant de sang à ses citoyens; et si l'on considère les suites funestes de la plupart des entreprises outre-mer tentées par des Européens, et surtout par la France, on peut encore rendre grace à Dieu de ce qu'il a permis que les restes précieux de cette armée intrépide et constante dans ses souffrances, aient touché après tant de malheurs les bords chéris de la patrie (1).

(1) On pouvoit espérer au moins que les tristes fruits de cette expédition serviroient d'avertissement salutaire..... Peu de temps après il s'en fit une aussi déplorable à Saint-Domingue.

Il ne reste plus maintenant qu'à indiquer en peu de mots quels furent les fruits de l'expédition en Egypte sous le rapport politique et militaire.

La république française venoit à peine d'échapper aux efforts d'une coalition puissante, et qui devoit l'étouffer à sa naissance, qu'elle annonçoit des projets de conquête et d'envahissement. Arbitre, par ses triomphes, de quelques pays limitrophes, elle prétendoit leur donner une liberté, dont elle ne jouissoit pas elle-même. Chaque nouvelle victoire sembloit ajouter à la prépondérance d'un peuple, qui, fier de son attitude et du sentiment d'indépendance qui l'animoit, se croyoit appelé à régénérer l'Europe. C'est sans doute cette disposition des esprits qui fit accueillir avec empressement une expédition secrète, et dont le but étoit pour une autre partie du monde. Des succès répétés avoient inspiré aux jeunes militaires français, cette confiance sans bornes, qui applanit la difficulté des grandes entreprises; rien ne leur sembloit impossible, et il faut avouer que cette persuasion et l'admiration que les Français décernent par fois avec autant de chaleur que de légèreté, secondoient parfaitement l'homme, qui fondoit déjà sa puissance sur leur facile et prompt enthousiasme, ainsi que sur leur passion pour la gloire. Avouons, en passant, que ce sentiment, porté peutêtre à l'excès chez la nation française, a toujours été la source des plus belles actions, et ce vieux défaut,

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