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quences dangereuses de cette fàcheuse disposition des esprits, qui pouvoit à la longue appeler la discorde et le trouble dans une armée dont le premier besoin pour se conserver étoit une union ferme et constante. Il sentit également, que le déploiement seul de l'autorité, pourroit mettre un terme aux progrès d'une opinion accueillie avec empressement par le mécontentement ou l'amour du changement, dont le Français se montre si souvent épris. Il auroit sans doute pris volontiers la résolution vigoureuse de se débarrasser de quelques-unes des personnes qui s'étoient le plus violemment déclarées contre lui, et qu'il pouvoit considérer comme chefs de parti ; cette mesure salutaire, et qui eût annoncé chez le général Menou le sentiment de la dignité et de la puissance dont il étoit revêtu, auroit peut-être appaisé des dissentions naissantes: mais Menou n'étoit point encore confirmé général en chef, et pouvoit craindre de ne pas l'être, quelque adresse qu'il eût mise à captiver la bienveillance du premier Consul. Il se borna à s'assurer l'affection de quelques officiers en les avançant d'un grade supérieur, à revenir sur quelques dispositions qui avoient choqué trop ouvertement les troupes, et à offrir enfin des passe-ports pour France à des généraux qu'il redoutoit, et qui rejettèrent un témoignage pour eux, de crainte et de foiblesse. Malgré ces troubles afflifomentés par des partis qui s'observoient et

geans,

se contrarioient sans cesse, l'armée resta soumise et obéissante, et non satisfaite et confiante. C'est au milieu de ces soins divers que devoit commencer la délivrance de l'Egypte, trop souvent le théâtre des disputes sanglantes dont les intérêts lui étoient tout à fait étrangers, quoiqu'elle en fût la victime. Avant d'arriver à ce fatal dénouement, arrêtonsnous un instant sur ce qui se passoit en France.

Bonaparte, à la tête du gouvernement français, venoit, à la bataille de Marengo, de terminer glorieusement sa seconde campagne d'Italie. Au milieu des vastes projets que nourrissoit sa fortune éclatante, l'activité de son ame s'étendoit sur tous les points du globe, et l'Egypte dont la conservation, en flattant sa vanité, pouvoit seule excuser la faute de l'avoir prise, occupoit Bonaparte dans ses desirs insatiables. Instruit des résultats de la bataille d'Héliopolis, de la mort de Kleber qu'il n'affectionnoit pas, et excité par les lettres de Menou, il se détermina à envoyer en Egypte des renforts, tels, qu'ils pussent mettre la colonie à l'abri de nouvelles tentatives, mais non assez considérables pour exiger des apprêts dont l'importance fixât sérieusement l'attention de l'Angleterre vigilante, qui de son côté se disposoit à prendre part elle-même dans la lutte. Il fit donc préparer en secret une seconde expédition maritime,

L'impression morale qu'eût produit en Egypte l'ar

rivée d'un secours imposant, ne peut aujourd'hui s'apprécier avec justesse. Privés depuis si long-temps de communications libres et fréquentes avec la pa trie, malgré le grand nombre de bâtimens que Bonaparte faisoit expédier des ports de France, d'Espagne et d'Italie, et qui, pour la plupart, tombèrent entre les mains des Anglais, nos soldats, à la vue de quelques bataillons, auroient trouvé dans cette heureuse réunion une force nouvelle, et une douce consolation, en acquérant la certitude que la France veilloit sur leur sort. Ce fut à Brest que se rassemblèrent les troupes qu'il destinoit à cette autre entreprise. Rien ne fut épargné pour en assurer le succès et dérouter l'opinion publique sur le véritable but de cette seconde expédition. Le secret fut si exactement observé sur sa destination, que le général commandant les troupes de terre et le conseiller-d'état embarqués sur l'escadre, étoient dans la ferme persuasion qu'ils alloient à Saint-Domingue, l'un, le gégénéral Sahuget, en qualité de capitaine général, titre que l'on avoit substitué à celui de gouverneur, l'autre comme administrateur général. Deux mille hommes de débarquement montoient les vaisseaux sur lesquels on avoit placé une foule d'officiers nègres, qui croyoient aller servir à Saint-Domingue avec Toussaint-Louverture. Cette escadre étoit commandée par l'amiral Gantheaume, dans le bonheur duquel Bonaparte avoit une extrême confiance de

puis son retour, pour ainsi dire miraculeux, de l'Egypte. Ce fut seulement lorsque l'on passa le détroit de Gibraltar, que les personnes qui n'étoient point dans la confidence, se réveillèrent de leur profonde erreur, et ressentirent après le premier mouvement de surprise, le chagrin violent et la honte d'avoir été joués complètement. Leur dépit se manifesta sans réserve, et comme le peuvent faire des personnages importans qui se croient blessés dans ce qu'ils ont de plus cher.

L'amiral Gantheaume, après avoir franchi ce pas dangereux, devoit (on peut le présumer hardiment), cingler à pleines voiles vers le but de sa mission; mais il paroît, qu'après avoir capturé à son débouché dans la Méditerranée, la frégate le Succès, il rencontra sur la côte d'Afrique des forces supérieures, en même temps qu'il se crut suivi par une division ennemie marchant sur ses traces (1). Il faut penser que la crainte de se trouver avec d'aussi foibles

(1) L'amiral Calder, chargé de courir après l'escadre française, étoit le 30 pluviose an 1x ( 19 février 1801) à Lisbonne, où il se réparoit d'un coup de vent qui avoit dispersé sa division. Il remit en mer, et se trouva,. le 10 ventose (1er mars) devant Ténériffe. Il courut à la Martinique, à l'isle de Saint-Barthelmy, à Saint-Dominà la Jamaïque, etc., point de nouvelles de Gan theaume.

gue,

moyens (1) entre deux escadres ennemies, et de compromettre les restes précieux de la marine française, lui fit prendre la résolution d'entrer à Toulon, où il arriva le 30 pluviose an 9 (19 février 1801) (2). Il est facile de se convaincre à la simple observation des dates, que les espérances fondées sur la promptitude avec laquelle l'escadre de Gantheaume devoit arriver à sa destination, étoient anéanties par le détour qu'il venoit de faire et par le temps qu'il avoit perdu, puisque la grande expédition anglo-turque, aux ordres de l'amiral Keith et de sir Ralph Abercromby, parut devant Alexandrie, le 10 ventose ( 1er mars) des mêmes années.

Tandis que l'escadre de l'amiral Gantheaume, par son séjour dans la rade de Toulon, fait avorter les projets de Bonaparte, il faut revenir encore sur le passé pour observer les progrès que l'Angleterre avoit faits dans la Méditerranée. Ses succès étoient un heureux acheminement à l'accomplissement du

(1) Son escadre étoit composée de quatre vaisseaux de ligne et quelques frégates: l'Indivisible, le Dix-Août, le Jean-Bart, la Constitution, la Régénérée, l'Africaine, etc.

(2) Il fut obligé de faire une quarantaine d'une douzaine de jours, pour avoir communiqué avec les anglais par les prises qu'il avoit faites.

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