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homme, doué sans doute de beaucoup de talens et d'excellentes qualités, mais dont le génie militaire et le caractère n'étoient point au niveau de la position délicate dans laquelle il se trouva.

Le général Abdallah Menou, d'origine arabe, marié à une femme née en Egypte, succéda à Kleber, par ancienneté, dans le commandement de

poignarda avec autant d'adresse que de promptitude.

Aleby découvert aussitôt par les cris de Kleber et de l'officier du génie qui se trouvoit seul auprès de lui, fui arrêté sans aucune résistance dans sa fuite. Il ne nia ui son crime, ni les motifs qui l'y avoient déterminé. Condamné à avoir, suivant les usages du pays, le poignet droit coupé et brûlé, et à être empalé vif pour mourir sur le pal, ce jeune fanatique montra, au moment de son supplice et pendant sa durée, un courage et un sang-froid que pouvoient seuls lui donner la conscience d'avoir fait l'action la plus louable, la plus glorieuse, et l'assurance d'avoir mérité la palme promise aux martyrs. Aleby vécut quatre heures sur son pal, et n'articula pas la moindre plainte au milieu des douleurs les plus aigües, et dont l'idée fait frémir.

Il fut exécuté le 28 prairial ( 10 juin), ainsi que trois cheiks de la loi, qui furent décolés pour n'avoir point révélé ses confidences.

Menou, dans une lettre du 1er messidor (20 juin), à Sidney Smith, accuse les Turcs de l'assassinat de Kleber. Ceux-ci ont formellement repoussé l'accusation,

l'armée française (1). D'autres pensées l'animoient; plein d'enthousiasme pour Bonaparte, et fortement attaché à l'Egypte par ses goûts, ses habitudes et son humeur, il voyoit dans l'occupation de cette province, un acheminement à la civilisation d'une

(1) On lit dans l'ouvrage du général Reynier, les discussions qui s'élevèrent à cet égard, immédiatement après la mort de Kleber. Menou ne parut prendre qu'avec répugnance le commandement de l'armée. Il répétoit « qu'il n'avoit pas fait la guerre et n'étoit pas » connu des soldats, peut-être prévenus contre lui par son changement de religion. »

Cet ouvrage, rempli de détails aussi curieux qu'intéressans, ne démontre que trop visiblement les causes de nos revers à la fin de la campagne de l'Egypte. Cependant il faut le lire avec une certaine réserve. Il est facile de reconnoître les sentimens de mépris et de haine que Regnier professoit pour Menou, et ces sentimens ont pu l'égarer quelquefois. On remarque aussi, dans cette espèce de justification du général Reynier, une gêne sensible, lorsqu'il parle de la disposition de l'armée relativement à sa situation en Egypte. C'eût été choquer vivement Bonaparte que de publier le dégoût que nos troupes témoignoient pour cette colonie. Du reste, l'ouvrage en question est très-instructif, particulièrement sous le rapport militaire, et relève avec une précision exacte, les fautes réelles de Menou et celles des Anglais.

Peut-être est-il à regretter, pour la gloire de na

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partie de l'Afrique, et le coup qu'une politique profonde portoit réellement au commerce de l'Angleterre. Entraîné par ces idées illusoires, il avoit vu avec douleur la convention d'El-A'rich, et s'étoit plaint avec amertume à Bonaparte d'une résolution qui devoit, disoit-il, faire perdre à la France le plus grand et le plus bel établissement du monde. Une fois à la tête de l'armée, il s'empressa d'écrire au premier Consul, d'applanir toutes les difficultés que Kleber avoit reconnues et n'avoit jamais dissimulées, de le flatter de l'espoir de conserver sa conquête chérie, en lui présentant la situation de l'armée sous l'aspect le plus riant et le plus favorable. Tout lui paroissoit facile avec une armée que des succès décisifs venoient de rendre inattaquable. On voit qu'il suivoit un système tout à fait opposé à celui de Kieber; aussi se garda-t-il bien de poursuivre les négociations que celui-ci avoit cherché à renouer. Menou vouloit être confirmé général en chef.

En effet, le 9 messidor (28 juin), M. Wright, lieutenant du Tigre, arriva en parlementaire, par le désert, avec des dépêches du Grand-Visir et de

armes , que le général Reynier, appelé au commandement par l'opinion et la confiance de l'armée, ne l'ait point pris, quand des circonstances difficiles pouvoient nécessiter un acte d'autorité, que des succès seuls deyoient légitimer aux yeux du gouvernement.

Sidney Smith. Il annonçoit enfin le consentement officiel de l'Angleterre pour l'exécution de la convention d'El-A'rich. Menou répondit simplement qu'elle ne pouvoit avoir lieu de son côté, sans la ratification du Gouvernement français, et que c'étoit à Paris qu'il falloit s'adresser. Dès-lors tout fut rompu, et les alliés regardèrent cette réponse comme une défaite qui rendoit toute négociation ultérieure absolument inutile, et comme l'expression d'une volonté ferme de se maintenir en Egypte.

Pour parvenir au but qu'il se proposoit, Menou, avec la prétention de détruire des abus, de rectifier des fautes, s'occupa, plutôt en administrateur qu'en général habile, de ce qui pouvoit consolider le bienêtre de l'armée. L'Egypte étoit parfaitement tranquille. Il accueillit les généraux, les hommes instruits, en montrant d'abord une grande déférence pour Ieurs conseils et leurs avis, et insensiblement rendit son abord plus difficile. Il est de fait qu'il songeoit aussi sérieusement à un établissement durable, que şi rien n'eût été à craindre pour l'avenir. Mais en ' manifestant trop ouvertement l'intention bien prononcée de rester en Egypte et d'y fonder une colonie française, il se précipita dans un péril qu'il n'avoit point pressenti. Ces projets d'établissement ne flattoient pas également tous les officiers de l'armée, que le desir de revenir en France tourmentoit toujours; ce sentiment d'autant plus fort qu'il est

plus contraint et qu'il a moins d'espérance, éloigna bientôt quelques généraux de leur général en chef, Ces mécontens, si on peut les appeler ainsi, eurent bientôt encore un grand nombre de partisans (1). Dans de fréquentes réunions, où la certitude de l'approbation dissipoit toute crainte, ils se plaisoient à approfondir la véritable et triste position de l'armée; et dans les conversations, leurs regrets s'exprimoient avec d'autant plus de vivacité, que c'étoit une espèce de distinction de se plaindre. Par des discours qu'inspiroit la mauvaise humeur, ils peignoient des couleurs les plus sombres, un séjour qui n'offroit aucun dédommagement, en compensation de l'éloignement où l'on se trouvoit de la France. En élévant de justes inquiétudes sur l'avenir, ils bannissoient de tous les cœurs cette confiance audacieuse que donnoient les talens reconnus de Kleber, et ils poussoient même la prévoyance jusqu'à chercher parmi les genéraux restés en Egypte, celui qui seroit plus digne de commander, dans le cas où l'armée seroit attaquée. Ces bruits précurseurs d'une guerre intestine ne furent point ignorés de Menou, dont les opérations administratives, même les plus sages et les plus justes, étoient critiquées et taxées de malveillance. Il prévit aussitôt toutes les consé

(1) Il se forma des partis colonistes et anti-colonistes.

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