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» armes. Si votre Excellence agrée ces sentimens » de paix et d'amitié, je la prie de vouloir bien les » communiquer à S. M. l'Empereur Sélim, et sans » doute elle obtiendra des ordres pour renouer des négociations qui mèneront rapidement au but, que » nous devons également desirer d'atteindre. »

Il étoit beau de montrer tant de modération au moment même où le succès le plus complet eût excusé un sentiment d'orgueil; mais Kleber étoit honnête homme et n'avoit que trop gémi sur les maux de l'expédition, pour se dissimuler ceux qui menaçoient encore l'armée. D'ailleurs son intention étoit, à ce qu'il paroît, d'établir une correspondance directe avec Constantinople, en évitant d'en entretenir aucune avec les chefs des forces ennemies combinées, et de parvenir à obtenir une neutra-. lité des Turcs. Un pareil avantage auroit placé l'armée française dans une heureuse position, parce qu'elle n'auroit pu être attaquée que par une seule expédition maritime, que les anglais eussent difficilement entreprise, sans la certitude d'être appuyés par le Grand-Seigneur.

Kleber, tranquille sur les bords pacifiés du Nil, espéroit et attendoit en vain les renforts que Bonaparte lui avoit fait annoncer. Il rétablissoit l'ordre dans les provinces, encourageoit les membres de l'Institut dans les recherches intéressantes où l'amour des sciences et des beaux-arts les engageoit ;

il parlageoit leurs travaux en les aidant de son autorité, et sembloit se résiguer enfin au long exil qui lui étoit imposé, lorsque, dans les premiers jours de prairial, le Capitan Pacha fit, avec son escadre, une apparition sur les côtes d'Alexandrie. Kleber mit aussitôt son armée en mouvement pour Rahmaniéh, et s'y rendit de sa personne. Il défendit expressément qu'on reçût aucun des parlementaires que l'amiral turc voulut envoyer à plusieurs reprises. Kleber étoit constant dans son systême de ne vouloir traiter désormais qu'avec la Cour Ottomane, et la méfiance que lui avoit inspirée la conduite d'un certain Morier (1), soi-disant secrétaire de lord Elgin,

(1) Ce Morier avoit accompagné le Grand-Visir et s'étoit enfui précipitamment à Damiette après la bataille d'Héliopolis. De retour à Jaffa, il écrivit à Kleber, sous la date du 2 juin, la lettre suivante:

« J'ai l'honneur de vous communiquer que S. M. Britannique, en donnant ses ordres à ses flottes d'ac »corder le passage libre en France aux troupes fran

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çaises qui se trouvent en Egypte, les a fait accom>pagner de passe-ports de son ambassadeur extraordi »> naire et plénipotentiaire près la Sublime Porte.

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» Les obstacles que vous avez toujours cités comme empêchant de votre côté l'exécution de la convention » d'El- Arich, n'existeront donc plus aussitôt que vous » et votre armée voudrez évacuer l'Egypte..

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C'est là, sans doute, ce que M. Morier appeloit une

ambassadeur à Constantinople, l'avoit confirmé dans sa résolution. L'escadre Turque s'étant bientôt éloignée en laissant une simple croisière, Kleber revint au Caire (1).

Le 26 prairial an 8 (15 juin 1800), jour de la bataille de Marengo, jour où Desaix périt couvert de gloire, Kleber, après avoir passé, dans l'île de

rase de guerre, dont le plan étoit développé dans des papiers qui furent trouvés à Damiette.

Kleber ne crut pas devoir répondre lui-même. Il fit signer à son secrétaire la note suivante :

« Ces notes ( celles de M. Morier) fesant connoître, » d'une manière non équivoque, que le susdit Morier » est en forme chargé, dit-il, de mettre à exécution » une ruse de guerre, à l'ombre d'un traité, on a jugé » qu'il étoit de la loyauté française de prévenir ce » Morier que tout individu qui, à l'avenir, se préser»\teroit de sa part à l'armée française en Egypte, seroit » considéré comme espion et traité en conséquence. Selon >> l'usage de toutes les nations, il sera pendu à un arbre. » Le même sort lui est réservé s'il osoit s'y présenter » lui-même. Ce Morier ne peut être que désavoné par »le lord Elgin, au nom duquel il a l'audace de parler. Signe, LEVESQUE, secrétaire du général en chef.

Cette réponse n'étoit point encore partie lorsque Kleber mourut. Le général Menou l'expédia après en avoir adouci les expressions.

(1) Le 21 prairial (10 juin).

Rhoda, la revue de la légion grecque, nouvellement formée, se promenant, accompagné de M. Protain, architecte, dans son jardin, sur la place de P'Esbekiéh, fut frappé de plusieurs coups de poignard par un musulman, qui fut aussitôt arrêté. Kleber ne survécut point à ses blessures; il expira dans le moment même.

Ainsi les destins voulurent que les deux guerriers dont les noms se rangent parmi ceux que la France doit le plus honorer, périssent pour ainsi dire à la même heure, l'un sur un champ de victoire, l'autre par la main d'un assassin obscur. L'armée, dans la douleur la plus sincère, pleura Kleber, et comme un chef digne de la commander, et comme l'appui sur lequel reposoit sa confiance.

D'infames libelles ont donné à cet assassinat une source tellement affreuse, qu'on répugne à les répéter. L'événement justifié par une procédure longue, dépouillée de toute suggestion probable, admissible, et faite avec la solennité conforme à la grandeur du délit, prouve bien évidemment que le bras du coupable n'a été mu que par le fanatisme, dont les exemples sont fréquens en Egypte, et dont lave:ture de l'Ange El-Mahdy est un témoignage sans réplique (1). Kleber, chéri de l'armée fran

(1) L'assassin de Kleber se nommoit Soliman ElAleby, natif d'Alep; instruit plus qu'on ne l'est ordi

çaise, admiré et redouté des Egyptiens, des Mamelouks même, soit à cause de ses succès, soit à cause de sa stature imposante ou de sa sévère justice, qui retenoit ses troupes dans la plus exacte discipline, Kleber, fut dévoué à la mort par la haine réfléchie d'un Turc, qui en sacrifiant sa propre vie, crut s'ouvrir par une œuvre aussi méritoire, la porte du paradis séduisant de Mahomet.

S'il n'est pas toujours vrai qu'en détruisant un chef on change la face des choses, l'événement a prouvé dans cette circonstance, que le coup affreux qui trancha les jours de Kleber, mit à sa place un

nairement dans son pays, il avoit le cerveau brûlé. Témoin, sans doute, des ravages qui signalèrent le retour de Syrie, l'imagination exaltée par le récit des malheurs qui suivirent la baaille d'Héliopolis, il quitta le camp du Grand-Visir dans l'intention de tuer le chef de l'armée française. Il se crut appelé à venger l'armée ottomane et le prophète Mahomet, outragé par la victoire d'un chrétien, Arrivé au Caire, il se fit montrer Kleber afin de bien le reconnoître. Il passa tous les jours qui précédèrent l'exécution de son horrible dessein, dans les mosquées et dans l'entretien des docteurs de sa religion. Enfin, déterminé par l'irritation extrême de ses esprits, il pénétra facilement dans le jardin de Kleber, où se trouvoient beaucoup d'ouvriers du pays. Il remit aussitôt le général en chef, lorsqu'il vint à passer près de lui. Il s'élança d'une cachette où il s'étoit tapis et le

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