Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

car c'est cette même armée affoiblie, qui, sous les ordres de ce même général, chassera bientôt de l'Egypte une armée formidable, rendue maîtresse, par un traité, des endroits fortifiés qui défendoient le passage du désert et l'approche du Caire. Et cette même armée, encore diminuée par une victoire mémorable, auroit, n'en doutons point, repoussé Abercromby sur cette presqu'ile trop célèbre, si Kleber eût vécu et conservé le commandement de ces troupes courageuses, confiantes en ses talens. Mais à cette époque déplorable, l'armée troublée par des dissentions intestines, sans avoir perdu sa valeur, n'avoit plus un chef aussi redoutable pour la diriger.

Le bâtiment chargé des dépêches de Kleber, et de celles de tous ceux qui avoient profité de cette occasion favorable pour donner des nouvelles plus ou moins alarmantes, fut rencontré et arrêté par les Anglais. Les paquets de lettres, auxquels on avoit attaché un boulet, furent jetés à la mer. Le lien se rompit, la correspondance surnagea, et l'ennemi s'en empara. Le capitaine anglais transmit ces pièces importantes à l'amiral Keith, commandant les forces britanniques dans la Méditerranée, qui s'empressa aussitôt de les communiquer à sa cour, pour l'éclairer sur notre véritable position. On verra plus tard quelles furent les suites de cet événement, qui semble d'abord peu important par lui-même.

r

Kleber, déterminé à entrer en négociation, s'adressa directement au Grand-Visir, pensant que l'Angleterre n'étoit que l'auxiliaire de la Sublime Porte. Indépendamment du desir d'obtenir une retraite honorable, Kleber espéroit retirer encore quelqu'avantage du temps que prendroient les conférences. Il pouvoit, en les prolongeant par ses propositions, ralentir les préparatifs du Grand-Visir, et profiter peut-être de quelqu'événement favorable, tel que l'arrivée des renforts qui lui avoient été promis; mais celui-ci ne se laissa pas prendre à ce piége, et n'en accéléra pas moins l'arrivée des moyens de transport nécessaires à sa grande armée pour traverser le désert.

Sidney Smith, en accueillant les ouvertures de Kleber, s'empressa de lui expliquer que l'Angleterre n'étoit point auxiliaire comme il paraissoit le croire, mais bien la partie principale dans les intérêts dont il s'agissoit, et il le prouvoit, en déclarant que, malgré l'intime union qui existoit entre la Porte et le cabinet de Saint-James, dans le cas où la cour Ottomane accorderoit un libre passage à l'armée française pour quitter l'Egypte, cet arrangement ne pourroit recevoir son accomplissement qu'avec le consentement de l'Angleterre. Il déclaroit d'ailleurs positivement que son gouvernement n'avoit réellement d'autre motif en se mêlant des affaires actuelles, que de garantir l'intégrité de l'empire turc, les derniers

événemens, dans les Indes, ayant mis hors de toute insulte et de toute atteinte les possessions des sujets de la Grande-Bretagne, quand bien même les Français resteroient en Egypte. Il finissoit par poser en principe que la paix ne pourroit se faire, tant que l'Egypte ne seroit point rendue à son légitime souverain, et que traiter de l'évacuation de ces provinces, c'étoit un acheminement vers ce grand œuvre.

Kleber, en répondant à ces premières explications, déduisit les motifs qui l'avoient déterminé à s'adresser exclusivement au Grand-Visir, observant cependant que dans ses relations avec Mahmed Rachdy Effendy, il avoit lui-même sollicité l'intervention du plénipotentiaire de la Grande-Bretagne, persuadé que cette intervention seroit un pas important vers la paix définitive. Enfin, après avoir fait un tableau brillant de la position de son armée (tout opposé par conséquent à celui qu'il avoit adressé au Directoire), il réfuta une partie des discours que Sidney Smith lui avoit faits sur l'état actuel des choses en Europe, et sur les changemens qu'une nouvelle guerre en Italie pouvoit amener dans la situation de la France. Kleber conclut, en prévenant qu'il venoit d'écrire au Grand-Visir pour l'engager à désigner deux personnes recommandables, qui se réuniroient dans un endroit indiqué, et s'aboucheroient avec les deux commissaires nommés pour représenter le général en chef de l'armée française. Il

assuroit en outre qu'il n'avoit d'ailleurs aucun éloi gnement à ce que les conférences eussent lieu à bord même du vaisseau monté par Sidney Smith. Les commissaires choisis par Kleber, étoient le général Desaix et M. Poussielgue, administrateur général des finances. Le commodore, dans sa réponse datée du quartier-général de Jaffa, annonce qu'après s'être entendu avec sa hautesse, en présence de l'agent russe, il a été décidé, d'un commun accord, que les conférences auroient effective'ment lieu à bord de son vaisseau, et qu'à cet effet il se rendroit sans perte de temps devant Alexandrie pour y recevoir les personnes chargées de traiter pour l'armée française.

Après quelque délai occasionné par le mauvais temps qui ne permit point de communication entre la côte et le vaisseau anglais, les deux plénipotentiaires arrivèrent à bord du Tigre. Les propositions que ceux-ci mirent d'abord en avant, et qui avoient 'pour but de neutraliser l'alliance des trois puissancés réunies, dans le cas de l'évacuation de l'Egypte,' furent regardées par Sidney Smith, comme incompatibles avec les pouvoirs dont il étoit revêtu, quoiqu'il laissât cependant entrevoir qu'il ne seroit pas éloigné de consentir aux modifications, aux arrangemens qui pourroient amener un accord définitif, autant qu'aucune de ses dispositions ne seroit contraire au traité du 5 janvier 1798. Le contre-projet qu'il

la

présenta à cet effet, contenoit quatre articles principaux, dont les trois premiers établissoient que Porte Ottomane, loin d'être l'agresseur, n'ambitionnoit aucun agrandissement, n'avoit en conséquence aucun desir de continuer la guerre, et n'auroit aucune prétention à répéter, du moment qu'elle rentreroit dans ses possessions, en acquérant la sécurité de les conserver; que les plénipotentiaires français n'ayant aucune mission pour traiter de la paix, ce rapprochement important, auquel l'occupation de l'Egypte étoit l'unique obstacle, seroit discaté par les ministres chargés de travailler à ce grand résultat. Le quatrième article reconnoissoit que l'armée française, quoique menacée de toutes parts, n'étoit point abattue ; que sa bravoure, son attitude, sa réputation permettoient de croire qu'elle avoit de puissans moyens de résistance; qu'ainsi elle n'étoit point dans le cas d'une armée obligée de capituler, et que ses armes et ses bagages devoient lui rester. Ce mème article pourvoyoit aux moyens de la ramener dans les ports de France, sous la seule condition d'une quarantaine réclamée par la sûreté de l'Europe.

C

Tandis que les négociations marchoient avec un ensemble qui annonçoit de la part des plénipotentiaires une égale bonne foi, et un desir de les amener à une fin heureuse, le Grand-Visir s'étoit avancé jusqu'à Ghazah, dans l'intention de faire le siége

« ZurückWeiter »