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suprême Visir, par cette diversion favorable, la facilité d'avancer avec sa grande armée par le désert. Effectivement, l'escadre d'Ali Bey et celle de Sidney Smith parurent devant Damiette à la fin d'octobre, mais la lenteur que mirent les Turcs dans leurs préparatifs, donna le temps au général Verdier de se mettre en mesure de bien recevoir l'ennemi, et de réunir toutes les forces dont il pouvoit disposer. La nouvelle de cette seconde altaque n'inquiéta que foiblement Kleber, qui en devina aisément le but. Il se borna à faire filer un corps de troupes sur Salehiéh, pour soutenir Cathieh et observer la route du désert..

Le 10 brumaire (1er novembre) (1), les Turcs, sous la protection du feu des chaloupes canonnières, effectuèrent leur descente auprès de Damiette. Nos troupes les chargèrent aussitôt à la baïonnette. Avec non moins de résolution, les Turcs les attendirent à dix pas et s'élancèrent sur eux, le sabre en main, en poussant des cris affreux. Notre première ligne fut obligée de se replier précipitamment. La victoire paroissoit même pencher en faveur des ennemis, l'orsqu'Osman Aga, chef des janis

(1) C'est par erreur que M. Larrey, dans sa Relation historique et chirurgicale (section v) place cette affaire après la bataille d'Héliopolis, qui n'eut lieu que

le 20 mars 1800.

saires, s'abandonnant à son impétuosité, fit quitter mal à propos au corps qu'il commandoit, le poste qui lui avoit été assigné, et courut en désordre sur notre ligne qui venoit se reformer à l'abri des troupes que le général Verdier tenoit en réserve. Celles-ci s'avancèrent avec fermeté à la rencontre des janissaires, tandis que la cavalerie se jetoit par un mouvement hardi sur les derrières des Turcs, qui ne virent bientôt plus leur salut que dans une prompte fuite. L'ennemi perdit beaucoup de monde dans la confusion. et la rapidité de sa retraite embarrassée. Son artillerie n'osoit point jouer, dans une mêlée où les coups de canon auroient frappé également les Turcs et les Français. Enfin, ces fidèles alliés de l'Angleterre ne s'arrêtèrent même pas sur le bord de la mer : ils se jetèrent dans les flots, pour gagner les barques qui les attendoient. Le rivage fut couvert de dépouilles et de turbans, et il faut remarquer qu'à l'affaire de Damiette, comme à la bataille d'Aboukir, c'est à leur impatience que les Turcs ont dû leur défaite. Le général Verdier fit à-peu-près 1100 prisonniers, pour l'échange desquels il traita avec Sidney Smith, qui, après cette tentative infructueuse et peu encourageante, alla rejoindre le GrandVisir, en Syrie. Il le trouva fort peu avancé dans sa marche.

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Des discussions s'étoient élevées entre Sa Hautesse et le fameux Djezzar. Ce Pacha, dont la puis

sance eût été anéantie par l'armée française, s'il n'eût été secouru, aidé dans sa défense, par Sidney Smith, dégagé désormais de toute crainte et jaloux de conserver son indépendance, avoit tourné ses armes infidèles contre ses libérateurs. Le GrandVisir, dont la mission avoit pour but d'exterminer l'armée française en Egypte, fut obligé d'employer ses forces à réduire un sujet ingrat et rebelle.

Ce ne fut donc qu'à la fin de l'automne que l'armée du Grand-Seigneur, forte de 60,000 hommes, vint prendre position au camp formé sous Jaffa ; et c'est à cette époque que commence la correspondance entre Kleber et le commodore Sidney Smith, plénipotentiaire du Gouvernement britannique auprès de la Sublime Porte.

Mais avant de rapporter les négociations qui ont amené la convention d'El-A'rich, il est bon de revenir un peu en arrière et d'examiner la situation de notre armée.

Les Français fatigués généralement de leur trop long séjour en Egypte, à l'exception d'un petit nombre d'individus, annonçoient hautement le desir de retourner en France. En calculant les

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pertes que nous faisions journellement, soit par la peste qui exerçoit ses ravages à Alexandrie, soit par des combats partiels et fréquens, soit enfin par le cours des maladies ordinaires dans les hôpitaux, il étoit facile de prévoir le moment, peu éloigné peut

être, où l'armée devroit prendre le parti de traiter honorablement avec les Anglais pour son évacuation, et celui où la diminution effrayante de ses forces la mettroit dans le cas de succomber enfin aux efforts sans cesse renaissans dirigés contre elle. Il paroît positif que Bonaparte, qui ne s'aveugloit point sur la position de l'armée, avoit, avant son départ, entamé quelque négociation avec le GrandVisir. Ne pouvant compter sur les soins du Directoire, peu empressé, sans doute, d'envoyer des secours en Egypte, la destruction de notre flotte et la nullité de notre marine à cette époque, devoient faire envisager à Bonaparte l'établissement de la colonie comme une entreprise presque impossible. Il avoit donc, par ses instructions secrètes, prescrit à Kleber la conduite à tenir dans le cas où les renforts qu'il lui promettoit, ne seroient point parvenus à l'époque déterminée.

Kleber, sans aucune nouvelle de France; ignorant si Bonaparte, trompant les croisières anglaises, auroit en le bonheur d'atteindre un de nos ports; assuré de complaire à la grande majorité, en ramenant l'armée en France, devoit espérer que le Directoire verroit arriver avec plaisir, dans la position embarrassante où il se trouvoit, une armée brave et encore assez forte pour l'aider à repousser l'ennemi qui menaçoit nos frontières du côté de l'Italie.

C'est dans ce sens qu'il écrivit à Paris, et comme on peut le croire, c'est avec des couleurs aussi fortes que vraies qu'il peignoit la situation de l'armée. Il étoit dans son caractère de dire la vérité. Des états de chaque division attestoient les pertes considérables que chaque régiment avoit éprouvées, et présentoient le tableau de l'armée comme réduite à près de la moitié de ce qu'elle étoit lors de son débarquement. Un calcul par approximation indiquoit ce que l'ophtalmie, la peste, les maladies, nous enlevoient chaque jour, ou paralysoit de bras nécessaires. Kleber insistoit sur la vaine promesse de secours qui n'arrivoient point, et sur la latitude qui lui avoit été laissée, dans ses instructions particulières, de faire ce qu'il jugeroit convenable, quand le terme fixé pour l'arrivée des renforts seroit écoulé. D'ailleurs, on peut en être certain, il n'avoit jamais approuvé l'expédition en Egypte, dont les résultats présumés ne l'avoient point séduit. Il avoit, depuis la destruction de la flotte, affirmé que tôt ou tard, cette brillante conquête seroit arrachée à une armée livrée à elle-même, sans moyens de recrutement et séparée par 500 lieues de la mère patric. Enfin, il appuyoit particulièrement sur le desir généralement exprimé par l'armée, de revenir en France, la résolution qu'il avoit prise de traiter pour son retour. Cette lettre, exacte dans ses conséquences, étoit surement exagérée dans quelques-uns de ses détails;

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