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sur le front, il en mord proprement la peau pour lui donner, à ce qu'il prétend, plus d'élasticité et vous garantir de la migraine. Ce n'est pas tout, mais ce qui reste à faire je ne sais si aucun Français l'a tenté; quant à moi, j'avoue que je n'ai pas osé. Il est une troisième salle, au milieu de laquelle est un bassin rempli d'une eau chauffée à un degré de chaleur très-élevé, puisque je n'ai pu y laisser ma main. Ce bassin a cinq pieds de profondeur environ; on y descend par un escalier. Les Turcs s'y plongent quand leur bain est terminé, et en sortent rouges comme des écrevisses. Quelques-uns y restent pendant plusieurs minutes.

Lorsque vous êtes bien nettoyé par la transpiration, par le frottement et l'eau dont vous avez été arrosé, vous reprenez le chemin de la première salle; mais avant de sortir, on vous enveloppe d'un linge toujours très-propre. Arrivé à votre lit de repos, vous vous étendez délicieusement dessus, et les jeunes garçons qui servent ici, viennent s'agenouiller près de vous pour vous masser, c'est-à-dire, pour vous presser les chairs en les frottant de leurs mains. Ils vous grattent la plante des pieds avec une pierre ponce, et font de nouveau jouer les articulations dés pieds et des mains. Cette opération, qui termine la cérémonie, est la plus agréable de toutes. On vous sert après, le café et la pipe, et si le sommeil vous surprend, personne ne vient vous réveiller pour

vous dire de faire place à un autre. Le prix de ces bains est on ne peut pas plus modéré ; car il faut que les pauvres comme les riches puissent se baigner. C'est aussi dans ces bains qu'on vous rase le poil que les Turcs regardent comme une malproprété de garder.

Les femmes ont des jours fixés; et les jours où elles sont aux bains, un rideau vert suffit pour indiquer aux hommes qu'ils ne peuvent entrer. Cette porte légère est aussi respectée, que l'est chez nous la robe d'une femme.

On a souvent parlé de la manière dont la justice se rendoit en Turquie ; j'ai vu l'Aga de la justice et son cortège, et je vais raconter de quelle manière il exerce son autorité sans appel. Il marche à cheval, précédé de ses bâtonniers, qui sont immédiatement suivis des gens, portant chacun à la main les différentes mesures et les balances vérifiées. Les exécuteurs de la justice marchent à côté, et sont prêts, au moindre signal, à remplir les ordres rigoureux et irrévocables de l'Aga. Quelques-uns sont armés des nerfs qui servent à donner la bastonnade, châtiment commun et très-fréquent; les autres portent un morceau de bois assez fort auquel est attachée une chaîne de fer. Cet instrument est destiné à tenir en l'air les jambes du patient. Les gens de la loi, montés sur leurs mules ou sur leurs ânes, marchent immédiatement après l'Aga; ils sont là pour porter

la lumière dans les discussions qui s'élèvent quelquefois, et établir les points sur lesquels l'Aga doit prononcer. C'est dans cet appareil redoutable qu'il parcourt le Caire et qu'il s'informe des délits, ou qu'il procède, à sa volonté, à la vérification des poids et mesures des marchands.

Comme il étoit facile de nous tromper, l'Aga avoit l'attention, lorsqu'il rencontroit quelque Français emportant des marchandises, de lui demander combien il les avoit payées. La vérification se faisoit sur-le-champ, et si le prix n'étoit point équitable ou le poids juste, l'Aga prioit le Français de le conduire à la boutique. Le marchand étoit appelé, la cause bientôt instruite, et la sentence encore plus vîte exécutée. Le coupable, jeté à terre fort brutalement, ayant en un clin-d'œil, les jambes arrêtées par la chaîne de fer que j'ai décrite, et la plante de ses pieds offerte ainsi aux coups des exécuteurs recevoit, sans pouvoir s'y dérober, le châtiment prescrit par l'Aga, que les cris et les larmes du patient ne sauroient attendrir.

On lui avoit signalé, depuis plusieurs jours, quelques paysans souillés d'un assassinat combiné. Je passois dans la grande rue du Caire, lorsque je le rencontrai marchant dans son ordre accoutumé. Je l'avois à peine dépassé de cinquante pas que je fus frappé par des cris aigus, suivis d'une grande rumeur. Je vis en même-tems les Turcs se porter

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précipitamment du côté de l'Aga qui s'étoit arrêté. Je suivis la foule, et perçant au milieu de ceux qui m'empêchoient de voir, j'aperçus sur la terre un cadavre sans tête. L'Aga venoit de rencontrer un des assassins qui lui avoient été indiqués, et le peu de temps que j'avois mis à faire cinquante pas, avoit suffi à l'accomplissement de sa justice. Le coupable avoit été reconnu, condamné et décapité.

Un crime très-commun chez les Egyptiens, surtout chez les fellahs ou paysans, c'est le vol. Ils sont d'une adresse extrême et d'une intrépidité rare. Vous vous croyez en sureté dans une barque ancrée au milieu du Nil, qui est très-large: ch bien ! pendant la nuit, si vous n'avez pas des domestiques vigilans, des voleurs viendront à la nage et sans bruit, vous ravir vos effets. Au centre de nos camps, dans nos tentes même, des paysans ont eu la hardiesse de venir enlever jusqu'à nos porte-manteaux sous nos têtes. Vous voyez le voleur, vous courez après lui, vous l'atteignez..... Il vous échappe ; il est nu comme un ver, et votre main ne peut même pas l'arrêter par les cheveux puisqu'il n'en a pas. Ils poussent la précaution jusqu'à se graisser tout le corps, qu'on ait moins de prise sur eux. Ils ne sont armés que d'un petit couteau destiné à leur faciliter les moyens de couper les liens qui retiennent les chevaux et les chameaux, dont ils sont très-friands. J'ai

afin

vu je ne sais combien d'exemples de ces vols les plus singuliers et les plus audacieux.

J'ai profité du calme momentané dont jouissoit l'armée, pour donner au lecteur quelque idée des mœurs et coutumes de l'Egypte; je vais maintenant reprendre le fil des événemens qui ont précédé la convention d'El-A'rich.

L'empereur Selim, stimulé par les Anglais et les Russes, s'étoit enfin déterminé à se mêler de ses propres intérêts, et à faire de grands efforts pour chasser l'armée française de son empire. Tandis que la flotte turque, sous les ordres de Patrona-Bey débarquoit à Aboukir, le Grand-Visir YoussefPacha 's'avançoit par l'Orient avec une armée considérable, composée d'un ramas d'individus, accourus avec plusieurs Pachas, de l'intérieur de l'Asie et du mont Caucase.

Patrona-Bey, après avoir été l'inutile témoin du désastre de l'armée qu'il avoit amenée, se retira à l'île de Chypre, où il fut massacré dans une révolte des janissaires, le 26 vendémiaire (18 octobre). Seid Ali Bey, qui arrivoit sur ces entrefaites de Constantinople, avec la seconde expédition maritime, prit le commandement en chef. Aussitôt qu'il eut arrêté, par sa fermeté, la sédition, et rétabli l'ordre dans l'armée, il concerta avec Sidney Smith une attaque sur Damiette, dans l'idée d'attirer l'attention de Kleber sur ce point, et de procurer au

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