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cette circonstance ne diminue point la gloire d'un succès si brillant, car il ne faut pas moins d'habileté que de résolution pour savoir profiter des fautes d'un ennemi, et faire changer son triomphe momentané en une honteuse défaite.

Le général Murat fut promu au grade de général de division. Bonaparte ordonna que les noms de Murat, Roize, et les numéros des régimens de cavalerie présens à l'affaire d'Aboukir, seroient gravés sur les pièces de bronze anglaises, dont la Cour de Londres avoit fait don au Grand-Seigneur. Ré compense noble et méritée!

Avec quels transports l'heureuse nouvelle de ce combat fut accueillie dans toute l'armée, on s'embrassoit, on se félicitoit; la joie étoit unanime et sincère. Toutes les passions, tous les intérêts, se taisoient devant l'éclat de cette victoire mémorable, qui venoit de venger l'affront que notre marine avoit reçu sur cette même plage!

gage de la prospé

leur

On vit arriver au Caire Mustapha Pacha et les prisonniers Turcs. Ils étoient le rité de nos armes, et il ne falloit pas moins que présence pour persuader aux Egyptiens incrédules que nous ne leur en imposions point sur l'étendue des pertes qu'avoient faites les Ottomans.

Les Turcs blessés à la bataille d'Aboukir, et qui avoient échappé au carnage de cette journée, furent renvoyés à Patrona-Bey, commandant l'escadre

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Turque. La remise de ces prisonniers établit des communications et des relations fréquentes avec les vaisseaux anglais et turcs. Un de nos officiers se procura les gazettes anglaises et celles de Francfortjusqu'au 10 juin. Elles contenoient les nouvelles désastreuses de nos revers en Italie. La situation des affaires confirma sans doute Bonaparte dans le projet qu'il avoit déjà formé de revenir en France. Il la voyoit menacée au dehors, agitée au dedans, bercée pardes espérances chimériques, fixer ses regards inquiets sur l'Egypte, et en rappeler, par ses vœux, l'homme qu'elle jugeoit seul en état de repousser des ennemis vainqueurs, de ramener le calme, d'appaiser les discordes, et d'assurer par une paix honorable sa gloire et sa grandeur. Enfin Bonaparte devoit croire la France dans la position la plus favorable à l'accomplissement de ses vues ambitieuses. Mais quelles que fussent ses intentions, le fait est qu'avant de quitter Alexandrie, il donna au contre-amiral Gantheaume, les ordres les plus pressans pour mettre en état les deux frégates vénitiennes qui se trouvoient dans ce port.

Le général en chef coucha le 18 thermidor (6 août) à Rahmaniéh, et le 22 il arriva au Caire. Le 30 il reçut une lettre de l'amiral Gantheaume, qui lui annonçoit que les escadres turque et anglaise s'étoient éloignées. Aussitôt il fut question au quartier-général d'un voyage dans le Delta, Le but de Bonaparte étoit,

assuroit-on, dans cette absence qui ne seroit que de quelques jours, de visiter cette île fertile et de faire procéder au rétablissement des canaux négligés depuis si long-temps.

Il écrivit au Divan :

« Je pars demain pour me rendre à Menouf,. » d'où je ferai différentes tournées dans le Delta, afin de voir par moi-même les injustices qui pourroient être commises, et prendre connois→ »sance et des hommes et du pays.

P

>>

» Je vous recommande de maintenir la confiance parmi le peuple; dites-lui souvent que j'aime les >> musulmans, et que mon intention est de faire leur » bonheur. Faites-leur connoître que j'ai pour con>> duire les hommes deux grands moyens : la >> suasion et la force; qu'avec l'un je cherche à me >> faire des amis, qu'avec l'autre je détruis mes en

>> nemis.

per

» Je desire que vous me donnicz le plus souvent possible de vos nouvelles, et que vous m'infor>> miez de la situation des choses ».

>>

Depuis long-temps Bonaparte a pesé ce que sont cinq minutes pour la réussite d'un projet. Il fit donc avertir le soir même MM. Denon, Monge et Berthollet, mais les préparatifs pour un départ si précipité ne furent pas tellement secrets qu'on n'en pût soupçonner et deviner la véritable cause. D'abord ce ne fut qu'à l'oreille et avec précaution qu'on osa

se communiquer sa pensée sur le voyage projeté ; mais lorsqu'au fructidor au matin (18 août) on apprit que Bonaparte n'étoit plus au Caire, on ne se contraignit plus, et les murmures éclatèrent hau

tement.

Soit que le général Dugua fût dans la confidence ou que de bonne foi il ne voulût point se persuader la vérité des conjectures tirées de plusieurs circons tances, il affecta un grand mécontentement, et déclara qu'il puniroit celui qui avanceroit que le général en chef devoit partir pour France; mais ces menaces furent sans effet, ou plutôt elles en produisirent un tout contraire. L'opinion comprimée pour quelques instans, acquit par cette mesure un degré de violence qui s'exhala dans les termes les plus virulens.

Bonaparte avoit donné rendez-vous aux généraux Kleber et Menou. Il ne vit que ce dernier, auquel il confia le commandement d'Alexandrie. Le 6 fructidor (23 août), Bonaparte, accompagné des généraux Berthier, Murat, Lannes et Marmont, monta sur les frégates la Muiron et la Carère (1), et laissa à l'armée la proclamation suivante :

« SOLDATS,

» Les nouvelles de l'Europe m'ont décidé à partir »pour France. Je laisse le commandement de l'ar

(1) Il paroît que dès le mois de prairial an 7, les frères de Bonaparte s'occupoient déjà des moyens de le

» mée au général Kleber. L'armée aura bientôt de » mes nouvelles. Il me coûte de quitter des soldats

faire revenir en France et de justifier son retour. S'il faut ajouter foi au bruit qui circuloit alors parmi quelques personnes liées avec la famille, on avoit fait signer fort adroitement, au Directoire, un ordre adressé à Bonaparte, pour lui enjoindre de quitter l'Egypte et de repasser promptement en France. Si les détails sont exacts, cet ordre fut mêlé avec plusieurs autres papiers, et signé par tous les membres du Directoire, sans qu'ils en connussent l'objet. Mais n'est-il pas plus raisonnable de croire (en admettant que l'ordre ait réellement existé), que la signature d'un des membres dans la confidence, a suffi pour attirer la signature des autres ? Les Directeurs étoient assez communément dans l'usage, du moins pour les affaires courantes et ordinaires, de signer sans examen une pièce déjà revêtue de la signature d'un de leurs collègues.

Quoi qu'il en soit, si ces différentes circonstances ne sont pas entièrement conformes à la vérité, voici quelque chose de plus positif.

Un capitaine Grec, nommé Bourbaki, dont le vaisseau étoit à Livourne, se trouvoit alors à Paris. Ce Grec avoit eu, antérieurement, des relations avec la famille Bonaparte. Bourbaki accepta l'offre qui lui fut faite d'une somme de 24,000 fr., s'il vouloit se charger de porter en Egypte une lettre à Bonaparte, et de la lui remettre en main propre. Joseph Bonaparte avoit écrit cette lettre ; elle contenoit un tableau véridique de la

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