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» habitans du Nil, quelques jours après notre arri»vée n'existeront plus.

» Les peuples avec lesquels nous allons vivre sont >> mahométans; leur premier article de foi est celui>>ci: « Il n'y a pas d'autre Dieu que Dieu, et Ma>> homet est son prophète. » Ne les contredites pas : » agissez avec eux, comme vous avez agi avec les » Juifs, avec les Italiens; ayez des égards pour leurs

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muphtis et leurs imams, comme vous en avez eu » pour les rabbins et les évêques. Ayez pour les céré>> monies que prescrit l'alcoran, pour les mosquées, >> la même tolérance que vous avez eue pour les cou>> vens, pour les synagogues, pour la religion de Moyse et de Jésus-Christ.

»

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» Les légions romaines protégeoient toutes les religions; vous trouverez ici des usages différens » de ceux de l'Europe, il faut vous y accoutumer.

» Les peuples, chez lesquels nous allons, traitent » les femmes différemment que nous; mais, dans » tous les pays, celui qui viole est un monstre.

>> Le pillage n'enrichit qu'un petit nombre d'hom>> mes; il nous déshonore; il détruit nos ressources; » il nous rend ennemis les peuples qu'il est de notre » intérêt d'avoir pour amis.

» La première ville que nous allons rencontrer a » été bâtie par Alexandre. Nous trouverons à cha>> que pas de grands souvenirs dignes d'exciter l'ému» lation des Français.

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Bonaparte vouloit profiter de la nuit pour se porter sur Alexandrie, et quoique les divisions Desaix et Regnier n'eussent pu encore effectuer leur débarquement, il se détermina à se mettre en marche à deux heures et demie du matin.

A la petite pointe du jour, 14 messidor (2 juillet), les Arabes vinrent caracoler autour de nos troupes. Ce fut un spectacle nouveau et curieux pour nos soldats.

Alexandrie voulut en vain résister; elle fut attaquée au pas de charge, et l'enceinte de la vieille ville des Arabes fut enlevée d'assaut. Kleber et le général Menou y furent blessés.

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Pourrai-je rendre compte ici des diverses sensations qui vinrent nous assaillir à notre entrée dans cette ville? Non qu'on lise les premières pages de l'ouvrage de Volney, et l'on jugera de l'impression qu'ont pu faire sur nous ces costumes, ces maisons à fenêtres grillées, cette solitude, ce silence, ces chameaux, ces chiens dégoûtans et couverts d'insectes, ces femmes hideuses tenant dans leurs dents le coin d'un voile de grosse toile bleue pour nous cacher leurs traits et leurs seins noirâtres.

Le voyageur par terre, en sortant de son pays, rencontre des usages différens, mais il est amené par degré à cette transition. A quelques lieues dè la ville qu'il ne quitta jamais, il eutend un langage modifié, et les coutumes ne sont déjà plus les mêmes. Enfin,

avant d'arriver au terme de son voyage, il est habitué aux changemens et se forme une idée assez juste de ce qu'il va voir.

Les sensations du voyageur par mér sont d'autant plus fortes qu'il y a plus de distance entre son pays et celui où il aborde. Il en a lu l'histoire, il a vu le dessin des sites, des costumes: eh bien, tout ce qui s'offre à ses yeux n'a aucun rapport avec les idées qu'il s'étoit faites, et que son imagination avoit embellies ou dépréciées.

A l'aspect d'Alexandrie et de ses habitans, à l'aspect de ses vastes plaines dépouillées de toute verdure, en respirant l'air brûlant du désert, la tristesse commença à pénétrer parmi nous; et déjà quelques Français tournoient vers la patrie leurs yeux fatigués, et laissoient échapper, en soupirant, l'expression des regrets que des épreuves plus pénibles devoient bientôt rendre plus vifs.

Bonaparte ayant admis en sa présence les imams, les cheikhs et les chérifs de la ville, les assura des dispositions amicales de la république française, et leur fit remettre la proclamation suivante imprimée en caractères arabes.

PROCLAMATION.

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́Alexandrie, 13 messidor ( 1o1 juillet ).

» Depuis trop long-temps les beys qui gouver» nent l'Egypte insultent à la nation française et

» couvrent ses négocians d'avanies: l'heure de leur >> châtiment est arrivée.

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Depuis trop long-temps ce ramassis d'esclaves, » achetés dans le Caucase et la Géorgie, tyrannise

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la plus belle partie du monde ; mais Dieu, de qui dépend tout, a ordonné que leur empire finît.

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Peuples de l'Egypte, on vous dira que je viens » pour détruire votre religion; ne le croyez pas: répondez que je viens vous restituer vos droits, punir les usurpateurs, et que je respecte, plus que >> les Mamelouks, Dieu, son prophète et le Qorân.

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>> Dites-leur que tous les hommes sont égaux de>> vant Dieu la sagesse, les talens et les vertus >> mettent seuls de la différence entre eux.

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Or, quelle sagesse, quels talens, quelles vertus distinguent les Mamelouks, pour qu'ils aient ex>> clusivement tout ce qui rend la vie aimable et >> douce?

» Y a-t-il une belle terre? elle appartient aux » Mamelouks. Y a-t-il une belle esclave, un beau cheval, une belle maison? cela appartient aux >> Mamelouks.

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» Si l'Egypte est leur ferme, qu'ils montrent le >> bail que Dieu leur en a fait. Mais Dieu est juste >> et miséricordieux pour le peuple; tous les Egyp

tiens sont appelés à gérer toutes les places: que » les plus sages, les plus instruits, les plus vertueux » gouvernent, et le peuple sera heureux.

>> Il y avoit parmi vous de grandes villes, de grands » canaux, un grand commerce: qui a tout détruit, >> si ce n'est l'avarice, les injustices et la tyrannie » des Mamelouks?

>>

Qadhys, cheykhs, imams, tchorbadjys, dites >> au peuple que nous sommes aussi de vrais musul» mans. N'est-ce pas nous qui avons détruit le pape, » qui disoit qu'il falloit faire la guerre aux musul» mans? N'est-ce pas nous qui avons détruit les che¬ » valiers de Malte, parce que ces insensés croyoient, >> que Dieu vouloit qu'ils fissent la guerre aux mu» sulmans? N'est-ce pas nous qui avons été dans >> tous les temps les amis du Grand-Seigneur (que » Dieu accomplisse ses desseins), et l'ennemi de >> ses ennemis? Les Mamelouks au contraire ne sont» ils pas toujours révoltés contre l'autorité du GrandSeigneur, qu'ils méconnoissent encore? Ils ne » font que leurs caprices.

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>> Trois fois heureux ceux qui seront avec nous! » Ils prospéreront dans leur fortune et leur rang. >> Heureux ceux qui seront neutres! Ils auront le » temps de nous connoître, et ils se rangeront avec

>> nous.

» Mais malheur, trois fois malheur, à ceux qui » s'armeront pour les Mamelouks et combattront » contre nous : il n'y aura pas d'espérance pour eux; » ils périront.

A la suite de cette proclamation, on lisoit quel

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